Une photo. Toute simple. Lancée comme ça sur un média
social. Un groupe qui publie des photos sous le thème affiché de la nostalgie
des années 1960 à 1990.
Je suis (du verbe suivre...) des groupes du genre. Sur une de
ces pages, j'ai publié deux éléments qui me ramenaient à mon enfance. Ça rappelait
ce temps où un livreur passait de maison en maison et nous laissait des chips
et de la liqueur (boisson gazeuse de nos jours).
D'un bond, le souvenir me ramène au bungalow familial de la
rue Denault. Toute fin des années 1960, je dirais.
Je revois mon heureuse fratrie. Tous les quatre, nous nous
retrouvions autour du comptoir typique de ces bungalows. Comptoir que les
concepteurs de cuisine appellent maintenant une péninsule. Pour le différencier
de l'îlot, j'imagine bien.
Bref, les plus vieux étaient debout. Les plus jeunes, dont
j'étais, avaient un genou sur les bancs de comptoir, le haut du corps
littéralement couché sur le comptoir! Un rituel du dimanche après-midi. Le jour
où on avait droit à de la liqueur et des chips! La moitié d'une bouteille de
liqueur chacun. C'était l'offre parentale!
Il fallait nous voir aligner les 4 verres à Coke,
comme on les appelait. Il fallait qu'à la goutte près, tous les verres soient
égaux en contenu de liqueur!
Ça faisait partie du jeu. Du rituel. Puis, on ouvrait la
chaudière (littéralement!) de chips et on se servait chacun un bol.
Le petit bonheur que nous vivions est vivant dans mes
souvenirs!
Inutile nostalgie, que ce banal souvenir?
Non. Pas pour moi, en tous les cas.
Je me dis que la rareté des gâteries créait l'événement. Et
l'événement nous faisait apprécier le moment. Quand le bar est ouvert, après
l'excitation initiale, le plaisir s'étiole et la base qui nous servait de guide
d'émerveillement monte d'un cran. De gâtés, on devient gâteux...
Cette nostalgie suggère aussi que la notion d'égalité entre
les membres de notre fratrie, telle qu'initiée par nos parents, a sûrement
contribué à créer un lien particulier qui va au-delà du temps, de la distance
et des éventuels points de vue divergents entre nous quatre.
Tout cela dit, non seulement la nostalgie est un repère
apaisant, mais elle peut aussi servir de guide sur des éléments de base de
notre vie courante actuelle.
La photo de la plage
Sur une de ces pages, un bon matin, je tombe sur une photo,
ma foi, anodine. Mais tellement pleine de souvenirs de même temps.
Début des années 1970. La photo montre des gens sur une
plage. Une plage non identifiée. Probablement dans la région de Montréal. Sur
le statut, une simple question : « vous remarquez quelque
chose? »
Je porte attention et j'agrandis la photo un peu.
Des filles en bikini se font bronzer. Rien de bien spécial. Première
et bien inutile question: avaient-elles mis de la crème solaire? Bien non,
c'était bien avant!
Chez les hommes, le Speedo était de mise! On est loin des
maillots d'aujourd'hui! Les cheveux longs et les moustaches étaient bien
présents. Mais rien pour écrire à sa mère. Je ne remarquais rien de bien
particulier.
Dans les commentaires sous la photo, l'auteur du statut
écrit, laconique : « Presque pas d'obésité et les gens se
parlaient ».
Je reviens immédiatement à la photo. Effectivement, tout
autour des filles allongées, toujours au moins deux par deux, les gens étaient
regroupés en rond et jasaient entre eux, profitant de la journée ensoleillée.
Et, sur la photo, pas vraiment d'obésité, ni chez les enfants, ni chez les
adultes.
Allez, ne montez pas aux barricades! Ce n'est pas de la
grossophobie. J'y vois plutôt un constat de l'évolution de notre société
devenue bien plus sédentaire, de notre consommation d'aliments préparés en
industrie, de la restauration rapide et...bien oui, de la surconsommation de
liqueur!
J'y vois aussi la notion des regroupements sur la plage! Vous
savez, toutes ces interactions humaines trop souvent remplacées par des petits
mots et émoticônes véhiculés par nos essentiels téléphones intelligents. Un peu
sarcastique, je me dis qu'aujourd'hui, on doit se mettre de la crème solaire
dans le cou plutôt que dans le visage, tellement on a la tête penchée sur nos
cellulaires, position qui vient nous priver d'une réalité... bien réelle!
Je n'idéalise pas les années 1970. Il y avait des problèmes
aussi. Je ne dis pas que « tout était donc mieux! »
Je réalise simplement que la nostalgie peut ramener à notre
mémoire des éléments qui sont en fait des repères perdus.
Regarder en arrière pour influencer où on s'en va, ça peut
être utile aussi...
Clin d'œil de la semaine
C'est long, apprivoiser un nouveau millénaire!
Avant les années 2000, on situait un événement en
disant simplement « c'était en ‘88 », par exemple.
24 ans après l'an 2000, on ne dit toujours pas
« c'était en 23! »