Il n'y a pas de société libre sans une conscience
collective.
Pour moi, c'est une évidence.
Pourtant, dans les gestes posés par le gouvernement Trump,
tout va à l'inverse. Pareil pour les gouvernements qui prônent la droite plus
ou moins radicale. Leur prétention est de ramener un semblant d'ordre dans un
grand parc social qui, il faut bien l'avouer, est pas mal désordonné.
Ce matin, je repense à Robert Milot, mon regretté professeur
d'histoire lorsque j'étais au secondaire. Il avait un don pour rendre
accessibles des données parfois abstraites.
J'avais retenu que la recette pour bien réussir à maintenir
une population soumise, pour un dictateur, tenait en peu d'ingrédients. En
voici deux. D'abord, maintenir les gens dans l'ignorance. Une population qui ne
sait pas lire et écrire n'est pas scolarisée et elle devient une population
beaucoup plus faible qui arrive mal à faire la part des choses. Le peuple
devient une proie plus facile.
Puis, imposer des règles strictes et uniformes avec des
conséquences graves aux manquements éventuels.
Il y a d'autres ingrédients, mais j'arrête ici. C'est assez
pour ma chronique !
Je me suis longtemps dit que la société américaine (au sens
large, donc incluant le Canada !)
était à l'abri de ces deux éléments.
En théorie, oui.
De fait, la grande majorité de la population sait lire et
écrire. De plus, les libertés individuelles sont honorées chez nous et l'Église
n'est plus aux commandes.
Alors, dossier réglé ?
Pas tant.
Le fait qu'une majorité des gens savent lire et écrire ne
règle pas tout. Le concept de l'ignorance s'est conjugué au présent !
Les médias sociaux (dont plusieurs sont la propriété de
membres de l'oligarque qui entoure Trump), entretiennent très bien l'ignorance
et la culture de l'esprit critique. Ils multiplient les successions d'images et
de vidéos courtes et priorisent de très courts textes. Ils mettent ainsi en
place des cascades de données qui hypnotisent l'internaute. Ajoutez à cela les
algorithmes qui déterminent la proposition de textes et de vidéos selon vos
goûts et vos habitudes, vous avez un cocktail dangereux. Mais ce n'est pas tout :
les fausses informations s'y glissent allègrement et, en moins d'une minute,
deviennent vraies dans la tête de millions d'utilisateurs.
Des utilisateurs qui ne valideront pas ou n'analyseront pas
les informations, trop occupés à vouloir voir la prochaine nouvelle ou la
prochaine vidéo.
Ce procédé est encore plus efficace que d'empêcher les gens
d'apprendre à lire et à écrire.
Quant aux règles sociales strictes, on pourrait croire que
notre liberté est totale et qu'elle est inaliénable.
Ben non !
Criminaliser l'avortement, retirer des droits qu'on croyait
acquis aux personnes quant à leur orientation sexuelle, ostraciser les
personnes de certaines religions identifiées, choisir soi-même les juges qui se
prononceront sur des causes juridiques importantes, voilà autant d'éléments qui
détruisent des pans de la liberté.
Oui, mais aux États-Unis, ma plus grande liberté, c'est mon
arme à feu, non ?
C'est fou, cette idée !
Pour moi, c'est plutôt
le vice des vices !
En disant que le fait de posséder et/ou porter une arme à
feu assure la sécurité et, donc, la liberté ultime, il se passe quelque chose à
large échelle : subitement, tout le monde dans le voisinage devient un
ennemi potentiel, impliquant une sorte de repli sur soi. Au nom de la
protection de la liberté !
Le hic, c'est que ce
repli sur soi empêche
le citoyen de penser ou de concevoir les choses de façon collective.
Et plus on est isolé, plus on est manipulable.
Pendant ce temps, Elon Musk coupe des postes dans une
fonction publique qu'il ridiculise : « Ce sont des gens qui prennent
l'argent des autres pour le redonner à n'importe qui ».
C'est ainsi que la collectivité perd des services essentiels
de santé ou de garantie minimale de revenus, écrasant les plus démunis au
passage. Résumer l'importance des services publics à ce qu'elle coûte,
présenter le tout comme une dépense inutile, c'est dangereux. Ça
devient pratiquement criminel, tant les impacts sont graves pour une partie
importante de la population !
Mais qu'est-ce que la criminalité quand on contrôle la
justice ?
Mon professeur d'histoire du secondaire avait raison avec
ses deux énoncés par rapport à l'instauration d'un État totalitaire.
Le fond ne change pas. Ce sont les moyens d'application qui
sont différents. Différents et plus vicieux qu'avant.
Il faut en prendre bonne note...
Clin d'œil de la
semaine
À
voir Trump à l'écran quotidiennement, je me demande si la couleur orange de sa
peau ne fait pas de lui une minorité visible.