Je regarde les séries éliminatoires. L'image de mon
défunt papa me revient constamment.
D'abord, mise en contexte.
Les séries éliminatoires, en français, à la télé, c'est l'affaire
de TVA Sports 1 et 2. Je veux bien. Dans les coulisses de l'appropriation
des droits de télé, les coudes peuvent être levés, les coups à la tête sont
permis. Les diffuseurs se battent à coups de millions de dollars pour obtenir
le privilège d'être celui qui entrera dans les chaumières aux heures de grande
écoute et de grand stress.
Cette chronique n'ira pas dans la critique de l'équipe
d'animation de TVA Sports. Les commentateurs et analystes sont majeurs et
vaccinés. Ils sont visiblement capables d'autodérision, ils feront preuve
d'autocritique, j'en suis convaincu. Ou presque.
Étonnamment, l'ancien publicitaire en moi a pris bonne note
que les annonceurs ne semblent pas se bousculer au portillon de TVA Sports. Un
indice? La multiplication agressante des publicités de leur compagnie sœur,
Vidéotron.
C'est à ce moment que l'image de papa me revient,
invariablement.
Un soir (j'étais jeune ado), j'étais allé avec papa chez un
concessionnaire automobile de Sherbrooke. L'or ne pavant pas l'allée véhiculaire
de notre terrain, rue Denault, mes parents optaient pour de bonnes voitures
usagées. Pour mes parents, de toute façon, le crédit n'était pas une option, à
cette époque. Pas pour une volatile voiture, en tous les cas. Le vendeur aurait
bien voulu que papa signe quelque chose le soir même, mais c'était bien mal le
connaître.
Je me souviens bien du vendeur qui déclare, solennellement,
au fil de la discussion. « Vous faites ce que vous voulez, mais,
honnêtement, j'éviterais les produits Ford. » Poliment, papa l'a remercié
et on s'en est allés. En route, papa m'a dit :
- Il faudrait bien, un moment donné, aller chez
Ford.
- Ben, le monsieur a dit que ce n'était pas bon!
que je lui dis.
- S'il en parle comme ça, c'est peut-être parce
que quelque chose chez Ford l'agace. Il faudrait aller voir...
J'ai retenu la leçon derrière l'anecdote : en
publicité, vend donc ce que tu as à vendre et arrête de t'occuper de l'autre.
La guerre entre Vidéotron contre Bell m'horripile. Les
publicités où le bleu et le contexte du décor rappellent Bell et présentent
celle-ci comme une compagnie de second ordre, moi, ça m'envoie le message
inverse. T'es meilleur que tout sur Terre, Vidéotron? Démontre-le simplement et
lâche le concurrent. Laisse-moi me faire l'idée finale.
Je dis ça, mais comme un énorme pourcentage des centaines de
chaînes proposées par les fournisseurs de signaux semble nous considérer comme
si nous étions des tapons, leurs publicités ne sont que conséquentes (voir la
chronique de la semaine dernière).
L'appareil télé coûte, à l'achat, de moins en moins cher. Tu
peux avoir une 60 pouces pour
moins de 400 $.
« Ça démocratise la télé », me disait quelqu'un.
Le problème, c'est que l'abonnement aux chaînes, même de base, coûte la moitié
d'un bras chaque mois. Bonjour démocratie! Vivement une loi qui nous permet de
vraiment choisir à la carte, parmi toutes les chaînes. Que TVA Sports 1 et
2 ou RDS 1 et 2 ne fassent pas partie d'un genre de forfait plus gros et
plus cher!
Visiblement, la télé s'intéresse plus au modèle d'affaires
qu'elle ne s'intéresse au produit offert. Dans ce contexte, que les diffuseurs
se battent s'ils le veulent, mais que la prise d'otage forfaitaire cesse envers
le client.
Multipliez vos chaînes dites spécialisées si vous le voulez,
mais que personne ne touche à la télé publique canadienne. Gardez-nous ce
rempart, c'est essentiel.
Clin d'œil de la semaine
Dans les magasins, la mention « Tel qu'annoncé à la
télé » au-dessus d'un produit veut dire, en réalité : tiens, un autre
gadget dont l'espérance de vie est aussi basse que son utilité réelle.