Plusieurs
obstacles viennent obstruer la quiétude de nos routes personnelles et
collectives.
La vie
n'est pas un long fleuve tranquille.
Certains
obstacles sont inconfortables, parfois incontournables. Des fois, ils sont
attendus. Des fois, non. Des fois, ces obstacles engendrent une colère sourde.
Parfois, la colère est très audible!
Au fond,
on devient ce qu'on est en avançant sur notre route. Il y a une fatalité,
là-dedans.
Quand
ton coach de vie (c'est la mode, me dit-on) te conseille de changer de route,
il néglige parfois de dire que toute route sera peuplée d'obstacles. Peut-être
moins graves, potentiellement, que ceux de la première route, mais quand même...
L'affaire,
c'est que des événements se produisent, qu'on en soit responsable ou non, et
viennent modifier la douce trajectoire projetée.
Quand la
maladie frappe directement ou indirectement notre vie; quand une perte d'emploi
brasse les fondations de notre modèle de vie quotidienne; quand notre
partenaire décide que nos routes ne seront plus communes; quand les choses ne
tournent pas aussi rond que souhaité pour nos enfants, voilà, autant
d'obstacles voleurs de quiétude.
Mais
quand la mort s'invite, avec toute la saloperie dont elle est parfois capable,
comme un nuage opaque qui éclipse les rayons du soleil pourtant vital, bien là,
tout culbute.
Cet
autobus qui devient un engin destructeur, lorsque mu par un élan fou, fauchant
au passage la vie et la santé de plusieurs enfants, tout s'écroule.
Dans le
train-train quotidien de nos vies qui se déroule à 100 à l'heure, bang, un mur de
béton se dresse devant nous, venant de nulle part. La nouvelle a été un choc
pour tout le monde.
Évidemment,
tout le monde n'est pas affecté également. Mais qui peut demeurer insensible? L'épicentre
du choc à Laval a gagné tout le Québec, irradiant la même douleur, à des degrés
bien différents.
Une
douleur immense. Celle contre laquelle même la colère ne peut rien. C'est comme
ça que je reconnais une tragédie : quand j'ai le sentiment profond que la
colère et la vengeance n'y pourront rien. Quand la douleur anesthésie tout ça,
c'est que le cœur et l'âme sont tragiquement touchés.
La
colère sert parfois à se décharger d'une dose de frustration somme toute
anecdotique. Manifester sa colère contre le trafic automobile peut parfois
drainer la mauvaise humeur.
Mais
l'ironie morbide de ce matin-là est palpable. J'entendais une personne dire,
colérique : « Un pont fermé, des détours à pus finir! Y a-tu de quoi
de pire pour commencer une journée! »
Cibole,
oui.... Il y a bien pire!
Au fait,
c'est quoi, le pire qu'il puisse arriver?
Il y
aurait autant de réponses à cette question qu'il y a de gens. Et tout le monde
aurait raison. Ça dépend des perceptions et des sensibilités de chacun.
Impuissant,
je regardais les choses évoluer après le drame de Laval. Je ressentais une
douleur sourde. Je suis loin de l'épicentre. Je ne prétends pas comprendre ce
que vivent les proches.
Prétendre
comprendre ce que les proches vivent serait nul, de toute façon. Ça reviendrait
à ramener à ma petite personne une peine dont je ne peux ressentir que la fin
de l'onde de choc.
Comme
vous, je ne comprends pas. La compréhension est quelque chose de rationnel. Ce
qui s'est passé ne l'est pas.
Je
regardais les élans de solidarité des gens sur place et plus loin. Je nous
regardais réagir comme collectivité. Une image s'est imposée à moi. Une voiture
de police qui voit son capot inondé de toutous et de fleurs. Tout à côté, deux
jeunes policiers, tête baissée, affligés. Deux jeunes pères de famille?
Peut-être... Deux policiers qui ont fait, à leur façon, la promesse d'être là
pour protéger les autres.
Leur
impuissance était palpable. La nôtre aussi.
C'est à
ce moment que je me suis dit : le pire qui peut collectivement nous
arriver, dans une ère où les insultes et les bombes pleuvent dans un
environnement de plus en plus polarisé, c'est le désespoir.
Et pour moi,
le seul remède au désespoir, c'est la solidarité.
C'est
exactement ce qui s'est déployé.
Je garde
espoir...
Clin
d'œil de la semaine
C'est
quand l'orage arrache tout qu'on comprend que la pluie fine d'un samedi d'été
n'est pas une catastrophe...