Ça
arrive trop souvent, il me semble.
La radio
propose une entrevue intéressante avec un intervenant (ou intervenante!) tout
aussi intéressant.
À la
fin, l'animateur pose la question à développement que j'attendais, mais en
spécifiant : « on manque de temps, alors, en quelques mots, que
penser de... »
Je sais,
ce sont des contraintes temporelles nécessaires pour assurer un rythme
d'écoute, une dynamique en ondes, et tout.
Mais
c'est souvent frustrant.
Ramasse
ton idée!
La
notion des quelques mots m'énerve peut-être parce que je sais que j'en utilise
souvent trop. Mais...
J'y
reviendrai.
Il y a
quelques décennies, un de mes patrons demandait que mes projets soient soumis
par écrit : "ça donne", disait-il, "un temps de réflexion
avant de décider". Mais il ajoutait : « si ça rentre pas dans
une page 8 ½ par 11, c'est que ton idée
est pas assez ramassée! »
Pour
lui, il y avait deux notions, là-dedans, je crois bien : la première est
l'efficacité dans la communication. La deuxième, c'est l'idée de forcer
l'exercice qui consiste à mieux encadrer son idée, son concept.
Je
comprends tout ça. Et j'approuve. Jusqu'à un certain point.
Mais on
a franchi ce point, je crois. Et ça, ça m'inquiète.
Il y a
quelques années, un personnage est apparu à la télé et sur les premiers écrans
qui diffusaient les émergents médias sociaux : Brice de Nice. Vous vous en
souvenez peut-être. C'était un personnage original dont la maxime était :
« j't'ai cassé ! »
Le
principe était simple : il jouait au gars cool qui vient briser
l'argumentaire de l'autre par une phrase-choc. Et celle-ci se terminait
toujours par l'exclamation : « cassé! » Son bras faisait le
geste oblique du karatéka qui brise des planches avec sa main.
Brice de
Nice, sans le savoir, semble régner dans l'actuelle dynamique des médias
sociaux où tout doit entrer en quelques caractères, ou en moins d'une minute
sur une vidéo.
C'est
exactement là que je décroche.
Je vous
disais, plus tôt : j'y reviendrai.
Je sais
que j'ai tendance à mettre trop de mots, parfois. Mais tout n'est pas blanc et
tout n'est pas noir. Et c'est souvent la nuance qui porte le sens réel d'une
idée, d'un argument.
« Ce
qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent
aisément » (Nicole Boileau Despréaux - 1647).
Aujourd'hui,
on semble avoir perdu le meilleur de tous les mondes : l'instantanéité des
actions et réactions sur les médias sociaux nous soustrait à la responsabilité
de réflexion qu'on devrait toutes et tous avoir. L'émotion gagne donc sur la
raison. Puis, comme tout doit entrer en quelques caractères pour demeurer
supposément et "modernement" crédible, on y va d'affirmations trop
concises dont l'objectif est de « casser » l'autre bien plus que de
faire avancer un point de vue.
Tout
cela nous donne des dérapes incroyables, des accusations insensées, des
attentes à la personne, etc.
Avec un
minimum de recul, on s'aperçoit que cette façon de faire divise tout le monde
et ne fait que créer des communautés basées sur la haine de l'autre (l'autre,
là, celui qui ne pense pas comme nous ! »)
On a une
responsabilité quand on s'exprime. Une responsabilité morale.
Mais
encore faut-il l'accepter et réfléchir un brin avant d'écrire ou de se filmer
pour publier quelque chose...
Clin
d'œil de la semaine
Dixit
celui qui vient de lire les 150 premiers mots et s'est arrêté :
« Trop
de mots, estie de mon'oncle! Tu comprends rien aux médias modernes! »
Derrière,
j'entends Brice de Nice : « cassé! »