On aime bien se répéter les choses qui vont mal. D'ailleurs, c'est l'une des spécialités des médias de pointer les dysfonctionnements, les irrégularités, les faits scabreux ou insolites. C'est pourquoi lorsqu'il y a une bonne nouvelle résultant de nos initiatives, il faut prendre le temps d'en parler et de faire la lumière sur cette dernière.
C'est ce que vous propose la chronique d'aujourd'hui en faisant le point sur le communiqué de presse du Conference Board du Canada diffusé le 10 août dernier et qui portait le titre suivant : « Les perspectives économiques sont modestes pour Saguenay et Trois-Rivières, mais plutôt solides pour Sherbrooke en 2016. » La nouvelle contenue dans ce communiqué nous apprend que : « En 2016, l'économie de Sherbrooke devrait continuer sur sa lancée et enregistrer un gain de 1,9 %, supérieur à la moyenne nationale pour une deuxième année consécutive. » Le taux de croissance de Sherbrooke est plus élevé que la moyenne canadienne nationale. Il faut s'en réjouir et chercher à en comprendre les raisons. Exploration d'une bonne nouvelle économique.
Les causes de notre croissance
Les causes profondes de notre succès tiennent en large partie aux caractéristiques de notre structure de développement économique. Malgré le fait que nous ne sommes plus une ville manufacturière basée sur une main-d'œuvre intensive à bas coût comme le fut Sherbrooke au tournant du 20e siècle, nous pouvons compter sur un solide secteur manufacturier qui doit son succès à son innovation et à son imbrication dans des secteurs porteurs. Certes, la faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain joint à une demande américaine modérée y sont pour quelque chose. Le secteur de la construction dans le marché résidentiel connaît des ratés et tourne au ralenti, mais la construction prochaine aux abords de l'ancien site de la Lowney's sur King Ouest d'un complexe médical de 45 millions de dollars devrait apporter un élan à ce secteur.
Ce qui est le plus notable de cette note de conjoncture du Conference Board du Canada c'est le dynamisme du secteur des services aux entreprises qui tire avantage du solide partenariat entre les établissements universitaires et les entreprises de la région. À cet égard, les succès de l'ACET et de Sherbrooke Innopole méritent d'être soulignés. Pour une fois que nous pouvons dire des choses positives de nos initiatives structurantes plutôt que de nous complaire dans les critiques mesquines trop souvent entendues au Conseil municipal à l'endroit de nos outils de développement.
Les racines de notre prospérité d'aujourd'hui
La mémoire fait foi de tout. Il faut revisiter notre passé récent pour comprendre pourquoi aujourd'hui l'économie sherbrookoise connaît une performance au-dessus de la moyenne canadienne. C'est à la vision de Bruno-Marie Béchard Marinier, ex-recteur de l'Université de Sherbrooke et au volontarisme de l'ex-maire Jean Perrault que nous devons la tenue d'un sommet économique de la ville de Sherbrooke. Tenu en 2007, ce sommet qui a réuni tout ce qui bougeait à l'époque à Sherbrooke avait proposé de faire de Sherbrooke un pôle d'innovation majeur et de faire de la collaboration entre les entreprises et le pôle universitaire le mode d'emploi de notre développement économique.
C'est ce qui a poussé le maire de l'époque Jean Perrault à réformer nos structures de développement économique et l'a conduit à créer une nouvelle structure avec de nouveaux membres de C. A. qui est devenue le Sherbrooke Innopole que nous connaissons aujourd'hui.
C'est cet organisme qui a réussi avec son directeur général de l'époque, Pierre Bélanger, à doter Sherbrooke d'une nouvelle stratégie de développement économique basée sur cinq filières-clés, dont un secteur manufacturier axé sur la création de valeur ajoutée. Josée Fortin qui a pris la relève de Pierre Bélanger a contre vents et marée gardé le cap sur cette stratégie de développement des filières-clés tout en faisant en sorte que Sherbrooke Innopole assure une plus grande présence auprès du secteur manufacturier. Ce secteur, à tort ou à raison, se sentait l'enfant pauvre de la nouvelle stratégie de développement économique de Sherbrooke. Ce n'était pas fondé, mais la perception était vivace parmi les principaux intéressés.
Il faut aussi donner crédit aux élus municipaux, particulièrement au maire Sévigny qui a toujours appuyé les initiatives du Conseil d'administration de Sherbrooke Innopole afin qu'il maintienne le cap sur sa stratégie malgré les critiques que l'on pouvait entendre. À terme, aujourd'hui, sur la foi du dernier rapport du Conference Board du Canada, on peut penser que la stratégie adoptée, celle des filières-clés était une bonne stratégie.
L'avenir sera malgré tout difficile
Malgré la bonne performance de l'économie sherbrookoise pour une deuxième année consécutive dans un monde économique incertain, on doit continuer à investir dans notre stratégie des filières-clés et braver les critiques qui croient aux résultats instantanés. Le Conference Board nous le répète, malgré les perspectives économiques encourageantes pour la Ville de Sherbrooke, la croissance de l'emploi devrait ralentir fortement et passer de 3,2 % l'an dernier à tout juste 0,3 % cette année. Qu'est-ce que ce succès économique qui ne crée pas d'emplois, me direz-vous avec raison?
Cela s'explique par plusieurs phénomènes dont l'introduction de nouveaux procédés de fabrication innovateurs qui font appel à moins de gens pour produire et à une main-d'œuvre spécialisée. Ce qui signifie en clair que nous devons mettre beaucoup d'efforts dans la formation des gens et combattre le décrochage scolaire. La faible littératie d'une population, ce qui est le cas du Québec, est un frein énorme au développement économique. Outre la formation de la main-d'œuvre, il faut aussi encourager l'entrepreneuriat qui est à cette époque d'innovations rapides et de mutations structurelles importantes l'un des véhicules les plus sûrs pour avoir une économie forte.
Le mode d'emploi
Malgré cette connaissance que nous avons du mode d'emploi idéal, nos gouvernements continuent de couper les vivres à nos universités et à nos collèges et au monde de l'éducation en général. Nous sommes souvent trop silencieux devant ces faits. Nous assistons à une sorte de résignation, de démission collective qui ne peut qu'être fort dommageable pour notre avenir collectif. Il est du devoir de nos élus de tous les niveaux de défendre l'ADN de notre région. Jusqu'à ce jour, notons que ces voix dont nous aurions tant besoin sont timides et peu présentes dans nos débats économiques.
Je rêve du jour où nous aurons des leaders politiques qui se feront les défenseurs de notre développement économique et qui convaincront tous les gouvernements de tous les niveaux que l'avenir se joue maintenant à partir de l'innovation, de l'entrepreneuriat et de l'éducation. Nos centres de recherche, nos universités, nos écoles devraient être nos priorités absolues.
Il faut surtout que se développe chez-nous un leadership fort autour de ces caractéristiques de l'économie sherbrookoise et que les critiques mesquines de certains de nos conseillers municipaux se transforment en appui clair à la stratégie des filières-clés pour aller plus loin et plus vite afin d'assurer le succès de Sherbrooke...