Il y a quelques années déjà, Alain Dubuc, de La Presse, signait un ouvrage dans lequel il livrait un vibrant hommage à la richesse. La richesse que l'on crée. La richesse qu'on honore. Qu'on associe à l'excellence dans la performance.
Il souhaitait, par son bouquin, faire la démonstration que la justice sociale dont on rêve tous allait venir par cette richesse. Pour reprendre l'expression consacrée, Dubuc voulait qu'on se donne les moyens de nos ambitions. Il insistait sur la partie sociale de ces ambitions.
Je me souviens qu'à l'époque (c'était autour de 2006/2007), j'avais le goût qu'il ait raison, me disant tout de même qu'il y avait une pas pire part d'utopie dans tout cela.
C'est à partir de 2008 que j'ai réalisé qu'on ne doit plus faire l'éloge de cette richesse-là. Dans ma compréhension des choses, la richesse s'est définie plus nettement après le krach boursier de cette année-là.
Il fallait sauver le modèle. Le modèle de l'économie de consommation, d'abord. Puis, le modèle bancaire qu'on a renfloué à grands coups de milliards pour éviter la faillite. Le modèle même de la propriété des grandes entreprises devait aussi être sauvé. En fait, ce dernier a un peu déraillé ensuite.
Le nombre de fusions depuis est hallucinant. En entreprise, on justifie un nombre grandissant de coupes budgétaires au nom de la réorganisation et de la rationalisation (ou de quelque autre mot à la mode). Le consommateur, qui pourtant est le nerf de la guerre de notre économie, voit son revenu annuel grandir moins vite que le coût réel de la vie (qui est toujours plus élevé que l'indice publié). Les emplois précaires et à temps partiel remplacent les emplois stables et à temps plein.
L'Éloge de la richesse a du plomb dans l'aile parce que la richesse elle-même n'en finit plus de se gaver à même la fontaine des profits.
Le modèle dont Dubuc parlait n'arrive pas. Pourtant les grandes compagnies déclarent des profits astronomiques. Mais l'actionnaire a éclipsé l'aspect social dans l'échelle des valeurs de l'entreprise.
La richesse, telle qu'on la décrit maintenant, engraisse une part de plus en plus petite de propriétaires/actionnaires. Ceux-ci ne carburent qu'à l'augmentation des profits, sacrifiant au passage des emplois et déstabilisant des familles entières.
L'Éloge à la richesse est devenu une coquille vide de sens. Pourtant, ce n'était pas ça, l'idée. L'idée était de coller une responsabilité sociale au modèle profitable. Ce qui a été plus vrai il y a quelques décennies et ce qui n'est plus vrai du tout de nos jours.
Je repensais à cet éloge en écoutant Philippe Couillard alors qu'il s'adressait aux militants Libéraux provinciaux dans un congrès ce week-end. Lui, il faisait l'éloge de la douleur. Expliquant au passage que le changement vient par la douleur et que sans douleur, il n'y a pas de changement. Dit autrement, réjouissez-vous, je vais vous faire mal, mais c'est pour votre bien.
En faisant l'éloge de la douleur, il continue son discours électoral où il répétait qu'il faudra être courageux, se gardant bien de dire ce qu'il allait faire.
L'éloge de la richesse et l'éloge de la douleur, pour moi, ce sont deux coquilles vides qui font croire qu'on peut encore espérer que la justice sociale viendra toute seule quand le succès économique sera de retour.
De belles paroles vides pour bien dissimuler un plan de match dont il serait impopulaire de trop parler. Et sans popularité, pas de pouvoir.
Ce que je vois depuis des années n'a rien à voir avec la démocratie.
Cela a à voir avec la volonté de manipuler un système électoral pour devenir un genre de « propriétaire unique » de la machine publique.
Le courage, pour tout parti qui aspire au pouvoir, serait d'ouvrir son jeu honnêtement avant les élections, proposant au passage un modèle de société annoncé dans ses moindres détails. Ce qu'on vit n'a rien à voir avec le courage.
Clin d'œil de la semaine
Bizarre de voir un trio de médecins sortir de leur hôpital et faire un plaidoyer en faveur de la douleur...