La responsabilité de l'autre est facile à identifier. Suffit
de lire des commentaires sur les médias sociaux pour s'en convaincre, si ce
n'est pas déjà fait.
Mon enfant se fait mal au parc, c'est la responsabilité de
la ville. Quand il a une mauvaise note à l'école, c'est la responsabilité du
professeur qui ne connait rien.
Vous voyez le genre. Le Canadien a perdu, sacrez tout le
monde dehors!
Si on pousse l'exercice plus loin, eh bien, quand il pleut,
c'est la responsabilité de la personne qui a annoncé la pluie.
C'est fascinant parce que plus on rejette la responsabilité
de tout sur d'autres épaules, plus on se sent protégé. Comme à l'abri. Comme
exempt de toute responsabilité.
On ne s'en aperçoit pas trop. Un peu comme quand on ajoute du
sucre dans l'eau. C'est soluble. On ne voit pas trop la situation s'installer.
Jusqu'à ce que l'eau se brouille et devienne un visqueux mélange bien trop
sucré.
Je crois (enfin, j'espère!) qu'on arrive à cette saturation.
C'est-à-dire qu'on va s'apercevoir bientôt que de simplement rejeter la
responsabilité ailleurs ne règle rien.
La réussite de notre société, voire sa survie, passera par le
concept de responsabilité partagée. Et la base de la base de ce concept est, à
mon œil, d'entrer simplement en contact avec les gens autour. Être minimalement
attentif.
Entrer en contact.
On sait le faire par texto, mais on ne le sait plus vraiment
en vrai. Du moins, cette notion toute simple se perd rapidement.
« C'était mon grand dans l'autobus! »
Bien des enfants pas très vieux doivent prendre l'autobus
pour se rendre et revenir, quotidiennement, à leur école primaire. Déjà que
l'enfant doit d'abord apprivoiser le gros bâtiment et le nombre impressionnant
d'élèves qui y séjournent, voilà que plusieurs enfants ont aussi à apprivoiser l'autobus
scolaire!
Certaines écoles ont opté pour le principe du
« grand » pour faciliter l'apprentissage des repères dans ces gros
autobus jaunes. Le grand, c'est un élève plus vieux qui prend le même autobus
qu'un nouveau et qui sera là si celui-ci en a besoin.
On ne dit pas que, subitement, le « grand » a la
responsabilité complète de l'intégrité physique ou mentale du plus jeune,
nenon! C'est un grand qui est identifié comme une ressource en cas de besoin.
Et c'est un bel apprentissage de la notion de
responsabilité.
Et ça fonctionne dans bien des cas. Il m'est arrivé de voir
le sourire d'une jeune fille de 20 ans qui saluait un passant au centre
commercial : « lui c'était mon grand pour le bus. Y était tellement
fin! »
Soit dit en passant : chaque fois qu'on croise
quelqu'un de qui on peut dire "qu'il était tellement fin", c'est
l'espoir qui se manifeste et qui refuse de mourir.
Accepter la responsabilité... du partage
La responsabilité partagée demande un effort. Il est souvent
plus facile de se replier sur soi, sur ses droits, que de se dire que dans
l'application de ces droits que j'ai, il y a la responsabilité de penser aux
droits des autres.
C'est demandant, mais vital. Rien de moins.
C'est vrai en société.
On met en lumière nos différences, ces dernières années.
« Je suis unique et différent. J'ai droit à tous les égards de ce simple
fait! »
Je veux bien, mais il faudra un jour qu'on accepte qu'on
évolue dans une collectivité. Qu'on apprenne à se rassembler pour nos
ressemblances plutôt que de s'isoler à cause de nos différences.
C'est vrai pour la santé mentale au travail. Attendre que
tout change autour en fonction de moi et en excluant toute participation de ce
« moi », c'est stérile.
Alors, je me demande: en société, au travail ou dans les
loisirs, est-ce que je suis le grand de quelqu'un?
C'est une question de moi à moi. Je ne prêche ni ne juge.
Mais je trouve la question universellement intéressante...
Clin d'œil de la semaine
À lire les médias sociaux, il est plus simple d'écoeurer les
autres que d'assumer le rôle du « grand » de l'autre!