Nos institutions démocratiques reprendront vie. Cela a été
fait la semaine dernière au Québec et cela sera fait bientôt à Ottawa. En ce
temps de pandémie, on ne comprend pas cet empressement à reprendre le combat
politique. Certes, il est important que les oppositions se fassent entendre
dans nos parlements pour critiquer nos gouvernements et les questionner sur
leur choix. On a beau vivre un temps de crise sans précédent, cela ne suspend
pas notre capacité à réfléchir, à exprimer nos accords et nos désaccords et
surtout à chercher à obtenir une totale transparence de celles et de ceux qui
gouvernent à nos destinées. Réflexion sur l'état de nos démocraties
parlementaires en temps de pandémie.
Rien n'est comme avant...
Malgré nos efforts pour faire comme si nous n'étions pas en
temps de pandémie, le retour à la normalité d'avant la pandémie n'est pas chose
acquise. Loin de là ! Nous sommes dans une période de brouillard et nous ne
savons pas ce que nous réserve l'avenir. Par exemple, le gouvernement de Justin
Trudeau se prépare à déposer la semaine prochaine un nouveau discours du trône
à Ottawa dans lequel il partagera avec les Canadiennes et les Canadiens ses
intentions quant à l'avenir. On devrait y parler de plan de relance économique,
d'orientations quant aux programmes de soutien aux revenus et de plan de
relance vert. Cela est-il réaliste ? Sommes-nous en état de nous projeter dans
l'avenir alors que nous sommes de plus en plus divisés sur les choses
essentielles de la vie au quotidien ? Trop de consignes sanitaires disent les
uns, pas assez disent les autres, climat de délation généralisée, montée des
tenants d'un état sociosanitaire, effondrement du consensus du début de pandémie
et montée des revendications corporatistes de divers groupes ancrés dans le Je Me
Moi. Pas terrible comme climat politique, ne pensez-vous pas ?
La politique à tout prix
Devant cette situation, la classe politique réagit comme s'il
était possible de faire semblant que nous vivons dans un monde avec une
nouvelle normalité. Les conférences de presse se multiplient, les rencontres
avec des groupes se poursuivent, les annonces d'investissements gouvernementaux
pointent leur nez et les délibérations partisanes reprennent vie dans nos
enceintes parlementaires. Cela est surréel. À preuve, dans la dernière semaine,
les principaux chefs politiques de la scène fédérale des partis d'opposition,
Erin O'Toole du parti conservateur et Yves-François Blanchet du Bloc québécois
ont contracté le virus les obligeant à se mettre en quarantaine. Même le
premier ministre Legault a dû faire une quarantaine provisoire le temps de
passer un test de la COVID-19 qui heureusement s'est avéré négatif. Cela
devrait donner un signal clair à la population et à notre classe politique que
le virus est toujours parmi nous et il est vraisemblable qu'il fasse encore des
centaines de victimes au pays. Alors, pourquoi cet acharnement des partis
d'opposition à Ottawa à vouloir siéger en présentiel malgré les risques de
propagation du virus. Mystère...
La population aussi vit au pays des
licornes
Dans un tel contexte, il n'est guère étonnant que la
population se sente moins concernée qu'au début de la pandémie par ce virus.
Certes, la très vaste majorité de la population est consciente du danger que
représente la COVID-19, mais elle a tendance à relâcher sa garde et à se
permettre plus de latitude avec les consignes sanitaires. Après tout, ça fait
six mois que ce virus nous a volé nos vies et il n'est que normal que nous
soyons devenus un peu las d'entendre parler de pandémie, de cas et de décès.
Par ailleurs, les gouvernements ont beau répéter leurs
messages, ils ne parviennent plus à nous convaincre aussi efficacement. Il est
vrai que l'on note des incohérences dans le discours et que les règles sont
souvent floues et variables, cela n'est pas toujours compris par la population.
Voilà ce qui explique le relâchement. On veut bien croire que les deux mètres sont
essentiels, mais pourquoi Legault et Ford prennent une bière à moins de deux
mètres et qu'une photo officielle diffuse l'événement largement ? Le principal
intéressé a beau crâner, mais le mal est fait. Il a commis l'imprudence d'être
pris en flagrant délit du bris de la règle. Ce qui est bon pour Minou est aussi
bon pour Pitou. Je ne veux pas jeter la pierre au premier ministre pour cet
instant d'imprudence. Qui n'a jamais péché jette la première pierre... Cela fait
cependant partie du grand contexte qui explique le relâchement de toutes et de
tous par rapport à ce virus qui lui ne fait pas de nuances dans les victimes
qu'il infecte.
La culpabilisation à outrance
Devant les dérapages nombreux et les incidents de toute
sorte qui font la démonstration qu'il y a un bris des consignes sanitaires et
que ce bris peut avoir des conséquences mortelles pour plusieurs citoyennes et
citoyens, les gouvernements doivent répéter et répéter les mêmes messages,
chercher à construire le plus large consensus possible sur les consignes
sanitaires essentielles et surtout éviter le recours à la culpabilisation à
outrance pour faire entendre son message. L'incident de la coiffeuse de Thedford
Mines la semaine dernière est un bel exemple qui illustre ce qu'il ne faut pas
faire. Pointer du doigt les irresponsables n'est pas une panacée.
Serrer la vis et susciter la
responsabilisation
Il ne faut pas non plus donner dans l'état totalitaire sociosanitaire
en envisageant de s'introduire dans les résidences privées des gens avec une
police sanitaire pour vérifier si les règles édictées par le gouvernement sont
respectées. Une tentation pour celles et ceux qui n'ont en tête que le respect
des règles, mais absurde pour celles et ceux qui comme moi croient à
l'importance des droits fondamentaux des individus dans une société libérale.
On peut bien agiter le bâton pour faire peur aux récalcitrants, mais vaut mieux
se fier à la carotte pour des résultats durables. Ce qui ne signifie pas qu'il
ne faut pas user de la coercition. Par exemple, indépendamment de qui la faute,
une photo faisant la preuve du non-respect des règles devrait entraîner la
fermeture de ce lieu et des sanctions exemplaires.
Autre idée, l'article 18
de la Loi sur l'assurance maladie permet de réclamer le paiement des frais
payés par la collectivité pour soigner un individu lorsque les frais réclamés
découlent d'une faute de cette personne. Article jamais utilisé, mais qui
pourrait s'appliquer à un individu qui ne respecte pas les consignes sanitaires
des autorités de la santé publique. Il faudrait plancher sur un projet qui
permettrait d'enlever les privilèges de se faire soigner à nos frais à tous les
récalcitrants qui croient que le virus n'existe pas et que c'est une invention.
Payer pour ces frais d'hospitalisation pourrait être une menace plus
convaincante que toutes les campagnes publicitaires et toutes les opérations de
sensibilisation. Par exemple, être photographié dans une manifestation de plus
de 250 personnes, ce qui contrevient aux règles, pourrait être une preuve
suffisante pour retirer les privilèges du système de santé gratuit. Ce n'est
pas simple, mais cela est usuel dans le domaine des assurances privées où une
fausse déclaration sur son état de santé peut mener celle-ci à ne pas rembourser
les coûts encourus.
Devant un relâchement et à l'aube d'une deuxième vague, un nouveau
principe devrait être mis de l'avant par nos gouvernements : être
responsable ou payer...