Vous ne le savez peut-être pas, mais ces jours-ci l'avenir de la nation québécoise est en péril. C'est du moins ce que veulent nous faire croire les thuriféraires du Bloc québécois. Dans la foulée de la crise vécue au sein de leur parti, d'anciens chefs ou députés du Bloc québécois estiment que leur ancien parti est la seule voie pour défendre les intérêts de la nation québécoise au sein du Canada. C'est vite dit. C'est faire peu de cas de la dynamique politique canadienne et de ses différents partis. Retour sur la signification de la crise au sein du Bloc québécois.
Le Bloc québécois
Rappelons-nous d'abord que le Bloc québécois était à l'origine une coalition arc-en-ciel regroupant des gens de tous les horizons politiques pour signifier au reste du pays que le Québec ne parlait que d'une seule voix face au refus du Canada de donner suite à l'Accord du lac Meech. D'ailleurs, le premier chef du Bloc, Lucien Bouchard, n'avait-il pas déclaré que l'on mesurerait le succès du Bloc à la brièveté de son existence. Pour les fondateurs du Bloc, ce parti devait mourir jeune, et ne jamais devenir un vieux parti. Il disait aussi que son succès serait mesuré à la brièveté de son existence, on peut donc en déduire que le Bloc est un échec.
D'autre part, le succès électoral du Bloc québécois a toujours reposé sur des crises vécues par d'autres partis ou sur des crises constitutionnelles. Le Bloc est né de l'échec du lac Meech. Il s'est nourri du scandale des commandites qui a lourdement plombé le Parti libéral du Canada. Il a fait ses choux gras des politiques conservatrices du gouvernement de Stephen Harper et surtout de ses positions intransigeantes envers les politiques en matière culturelle et de protection de la jeunesse notamment. Le Bloc a toujours eu du succès grâce aux crises et aussi, il faut le mentionner, par la qualité de son travail parlementaire dans la défense et la promotion des intérêts de la nation québécoise au Parlement du Canada. C'est le cœur de la présente crise au Bloc en ce moment, doit-on défendre avant tout les intérêts de la nation québécoise ou plutôt la promotion de l'indépendance nationale du Québec? Plusieurs sympathisants du Bloc répondent que les deux ne sont pas incompatibles et qu'ils sont indissociables. C'est avec cet argument que je suis le plus en désaccord.
Défendre les intérêts du Québec
Acceptons d'emblée l'idée que faire de la politique au Canada est un exercice complexe et périlleux. Il n'est pas toujours aisé de concilier les intérêts des diverses régions de ce grand pays. Dans de nombreux dossiers, les intérêts d'une région s'opposent aux intérêts d'une autre région. Par exemple, dans les négociations de traité de libre-échange avec d'autres pays, les intérêts de l'agriculture de l'Ouest canadien ne sont pas en harmonie avec ceux de l'est du Canada. Il faut beaucoup de maturité politique pour parvenir à réconcilier les intérêts des uns et des autres pour se donner une politique commune au Canada. Un autre exemple est le dossier des pipelines où les valeurs environnementales de l'est du Canada, l'Ontario et le Québec principalement sont en porte à faux avec les valeurs des provinces productrices de pétrole et d'énergie fossile. Cela se traduit notamment par le conflit larvé entre la province de la néo-démocrate Rachel Notley et de la Colombie-Britannique où la balance du pouvoir d'un gouvernement minoritaire est détenue par les néo-démocrates. Pas simple, la politique au Canada.
Le Bloc n'est pas seul à défendre le Québec
Reconnaître la diversité et la complexité de la politique canadienne ne doit pas cependant mener à l'idée simpliste que la seule façon de défendre les intérêts de la nation québécoise au sein du Canada c'est de renoncer à participer au pouvoir politique comme le prétend le Bloc québécois. Je crois non seulement possible, mais évident que nous retrouvions dans les grands partis politiques présents au Parlement du Canada de fiers défenseurs des intérêts du Québec et de la nation québécoise. Quand je prends le temps de lire les comptes rendus des débats de la Chambre des communes du Canada ou de visionner des périodes de questions, j'entends et je vois des députés du Parti conservateur du Canada, du Nouveau parti démocratique prendre faits et cause pour les intérêts du Québec et de la nation québécoise. Les porte-parole du Bloc québécois ne sont donc pas les seuls à avoir à cœur les intérêts de la nation québécoise et du Québec. Penser le contraire c'est prendre ses rêves pour des réalités. Certes, nous ne retrouvons pas parmi les autres formations politiques des déclarations qui affirment que la solution aux problèmes du Québec c'est de faire l'indépendance du Québec. D'ailleurs, cette solution que les partisans de Martine Ouellet veulent promouvoir sous forme d'incantations n'est plus à l'ordre du jour pour bien des Québécoises et des Québécois.
L'avenir du Québec est canadien
Je n'étonnerai personne en réitérant que je suis profondément convaincu que la meilleure façon de défendre et de promouvoir les intérêts du Québec et de la nation québécoise c'est de réformer de fond en comble le fédéralisme canadien. Je dois reconnaître que cette vision des choses n'est pas partagée par la majeure partie des parlementaires canadiens et par la classe politique canadienne. Les libéraux de Justin Trudeau ne sont pas là. Il reste cependant que l'on peut retrouver des pistes de réflexion intéressante au Nouveau parti démocratique. Pire encore, ce discours n'est pas une préoccupation pour la classe politique québécoise.
Pourtant, la plus grande voie d'avenir pour le Canada c'est de revoir le fédéralisme canadien et de faire une place aux nations amérindienne, acadienne et québécoise. Il faut passer d'un état fédéraliste centralisateur à un fédéralisme multinational asymétrique où les droits collectifs et les droits individuels seraient mis en équilibre tout en faisant une plus large place à une démocratie participative. Pour le moment, ces propos relèvent de l'utopie, j'en conviens.
Néanmoins, la crise au Bloc québécois n'est que l'aboutissement logique de la réalité politique québécoise et canadienne. Nous n'avons pas besoin d'une formation politique pour promouvoir une option politique qui pèse de moins en moins lourd dans l'imaginaire politique québécois. Que le Bloc disparaisse, ce n'est pas une mauvaise chose, c'est plutôt une bonne nouvelle. Ce dont nous avons besoin c'est de voix fortes pour promouvoir une réforme majeure du fédéralisme canadien qui parlerait au nom de la nation québécoise. Il faut aussi faire reconnaître qu'il existe bel et bien une nation québécoise...