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Pour en finir avec le wokisme!

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 4 décembre 2024

Au lendemain de la séance de l'Assemblée nationale où tous les partis se sont ligués pour faire le procès des propos du député de Québec solidaire de Maurice-Richard à l'Assemblée nationale du Québec, Haroun Bouazzi, le chef du Parti québécois, s'est fait analyste de la chose politique. Il nous a alertés sur le danger que représentait le wokisme pour la démocratie au Québec. Selon la Presse +, Paul St-Pierre Plamondon a qualifié le mouvement wokisme d'antidémocratique et il a affirmé que le Québec en avait ras-le-bol de cette idéologie qui le divise et qui s'incarne depuis plus de 10 ans dans Québec solidaire : « Le wokisme est un mouvement, à proprement dit, antidémocratique, qui refuse le dialogue et qui se sert de l'intimidation et de la désinformation pour imposer son agenda. Et les gens sont tannés, moi le premier. C'est incarné par Québec solidaire dans l'ensemble de son œuvre depuis 10 ans ». (La presse+ mercredi 20 novembre 2024).

Précisant sa pensée, Paul St-Pierre Plamondon affirme que : le wokisme comme étant « l'introduction de plusieurs concepts de tout acabit », comme le « racisme systémique », « le privilège blanc, l'écriture inclusive, les safe spaces » et « la culture de la cancellation », notamment. Il y ajoute l'usage de « déformation des propos », de « désinformation pour créer un procès d'intention », puis, « l'utilisation des mots racistes, intolérants et phobe pour contraindre l'adversaire au mutisme », et finalement, la « victimisation ». (loc. cit.)

Avec tout le respect que l'on doit avoir à l'égard d'un chef de parti qui prétend devenir notre premier ministre, nous sommes un peu dubitatifs devant les affirmations de Paul St-Pierre Plamondon. D'abord, ce n'est jamais une bonne idée pour un politicien de devenir chroniqueur de la chose politique alors qu'il participe au match. Cela laisse le goût amer d'une charge partisane envers un adversaire menaçant. Puis, c'est largement exagéré. S'il est vrai que l'on retrouve chez Québec solidaire de nombreux partisans des thèmes généralement défendus par les gens éveillés, il est faux de prétendre que ce parti politique a le monopole du wokisme tout comme il serait exagéré de faire de tous les nationalistes au Parti québécois des adeptes du national-socialisme ou du régime de Mussolini sur la base qu'ils sont des nationalistes. Les étiquettes ne favorisent pas le dialogue entre gens intelligents. Il vaut mieux chercher à réfléchir aux questions soulevées plutôt que comme les idiots qui pointent la lune. Tentative d'élever le débat autour du wokisme...

Le wokisme, ça mange quoi en hiver ?

Récemment, Raphaël Canet et Léo Palardy ont écrit un article fort instructif sur la question dans la revue Possibles dans un numéro hors-série publié en septembre 2022. Sous le titre : L'invention des wokes par le nationalisme conservateur, le professeur au collégial Canet et son étudiant Palardy font un lien entre le nationalisme conservateur et la montée de l'étiquette woke dans le discours politique. Ce qui n'est pas sans intérêt pour réfléchir à la question à partir des propos de Paul St-Pierre Plamondon et des excès langagiers de plusieurs membres du gouvernement de la CAQ sur les réfugiés et sur les immigrants. Cela n'excuse pas totalement les propos du député Bouassi, mais ça permet d'en comprendre tout au moins le contexte.

Si je reviens à la définition de ce qu'est un woke, je rappelle que ce terme qui n'a pas de charge péjorative ne fait que décrire des gens éveillés aux injustices sociales et qui réclament des actions des gens au pouvoir pour y mettre fin. Le terme woke était une arme d'émancipation des mouvements pour les droits civiques aux États-Unis pour contrer les réminiscences de l'esclavagisme dans la société américaine. Il a été réactualisé au profit du mouvement Black Lives Matter et surtout dans le sillage de l'assassinat de George Floyd par la police du Minnesota.

 

Chez nous ce sont les politiciens qui ont réactualisé l'usage du terme pour s'en prendre à leurs adversaires notamment le premier ministre Legault à l'endroit du chef des solidaires, Gabriel-Nadeau-Dubois et maintenant Paul St-Pierre Plamondon au lendemain de, appelons-la ainsi pour faire bref, l'affaire Bouazzi. Les auteurs Canet et Palardy en concluent que le terme woke a été inventé par le nationalisme conservateur et est utilisé comme un homme de paille pour distraire la population des véritables enjeux. « On préfère ainsi détourner l'attention des véritables problèmes plutôt que de proposer des solutions », nous disent-ils.

Pour ma part, je ne vais pas aussi loin que Canet et Panardy, je trouve que les excès du discours d'une frange gauchiste sont vraiment dommageables pour les idées qu'elle défend auprès de la population. Il faut rappeler que la politique, c'est l'art du possible et que l'on ne peut tirer sur la fleur pour qu'elle pousse plus vite.

Le wokisme, dans son essence, vise à éveiller les consciences sur des injustices historiques et contemporaines. Toutefois, ces dérives peuvent entraîner des effets contre-productifs sur le débat démocratique et la coexistence pacifique. Pour en finir avec ces excès, il est impératif de défendre la liberté d'expression tout en continuant à lutter contre les inégalités. En rétablissant un équilibre entre sensibilité sociale et discours pluraliste, nous pouvons aspirer à une société où chacun se sent entendu et respecté, sans que le dialogue ne soit étouffé par la peur de la réprobation.

La responsabilité des acteurs dans la sphère publique

Il faut rappeler que le discours public, où le vivre ensemble et l'acceptation de la diversité des pensées, deviennent les fondements d'un avenir commun. En ce moment, ce vivre-ensemble, notre capacité dialogique est heurtée de pleins fronts par la montée de la droite et d'une forme de wokisme radical qui se révèlent ensemble un défi pour tous les acteurs présents sur la scène publique : politiciens, journalistes, commentateurs, éditorialistes, professeurs et tutti quanti...

La démocratie québécoise, tout comme celle d'autres sociétés occidentales, est en proie à des tensions idéologiques croissantes. Parmi celles-ci, le wokisme et les mouvements de droite émergents se distinguent par leur impact sur le débat public et sur les valeurs démocratiques. Le wokisme avec son accent sur la justice sociale et les identités marginalisées et la montée de la droite qui prône un nationalisme souvent exclusif constituent deux faces d'une même médaille : celle du conflit qui peut potentiellement menacer les fondements démocratiques du Québec.

Un autre exemple est la montée des mouvements de contestation autour des questions environnementales et sociales, qui, bien que souvent justifiées, peuvent parfois mener à des limites à la liberté d'expression. Les manifestations contre des personnalités jugées « non conformes » aux idéaux progressistes sont fréquentes, à l'instar des incidents liés à la culture de l'annulation (cancel culture). Ainsi, cette volonté de créer un « espace sûr » peut parfois nuire au débat démocratique et à la pluralité des opinions.

Parallèlement à l'émergence du wokisme, le paysage politique québécois voit également une montée de la droite, incarnée par des partis comme le Parti conservateur du Québec (PCQ). Cette droite, qui s'appuie sur un discours nationaliste et parfois populiste, tend à tirer profit des craintes liées à l'immigration et à la sécurité culturelle. Des discours comme ceux du chef de la CAQ, François Legault, sur l'immigration et la défense de l'identité québécoise posent des questions sur l'inclusivité du projet démocratique. Paul St-Pierre Plamondon vient de s'inviter à la fête. Cela n'est pas étonnant pour quelqu'un qui fait la promotion d'un nationalisme et qui fait des Québécois de souche la racine de son discours politique pour accéder è l'indépendance. Cette polarisation entre la droite et la gauche et entre diverses visions de l'avenir du Québec est une conjoncture parfaite pour mener à une fragmentation du discours politique. Ce qui à terme menace notre capacité à faire advenir des consensus démocratiques ou des ententes sur les enjeux vitaux qui confrontent l'avenir de la société québécoise. C'est là la plus grande motivation que nous puissions avoir pour en finir avec le wokisme...

 



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