Le ministre Denis Lebel, lieutenant de Stephen Harper au Québec, croyait probablement avoir compté un gros but. Maurice Richard! Le nom d'un héros national! L'équation semble simple : les Conservateurs sont faibles au Québec et tout le monde aime Maurice Richard. Un but facile!
Sauf que...
Remettons tout ça en perspective un peu.
Maurice Richard a été un des plus grands joueurs de hockey. Il a été le plus grand chez nous. Oui, je sais, tout est relatif. Le jeu de la comparaison n'a aucune prise sur une patinoire sur laquelle glisse le temps et l'évolution qui vient avec.
Socialement, Maurice Richard a été un grand joueur. Il a secoué les préjugés et les complexes. Il a réussi à rejoindre les gens de tout le Québec. De la métropole aux terres agricoles, de la ville au village, tout le monde a été transporté par la vague de volonté, de confiance en soi et d'espoir qu'il a provoqué sur le Québec.
Le "petit Québécois" apprenait à se débarrasser du qualificatif "petit". Il ne restait que le Québécois. Celui qui pouvait prendre ses décisions hors de la mainmise de l'église, celui qui pouvait rivaliser en talent avec les anglophones omniprésents dans « l'espace réussite » de l'époque, toutes patinoires confondues.
Maurice Richard a changé des choses.
Voilà que le but de Lebel est refusé. Il dit réagir au fait que la famille n'est pas à l'aise. Le ministre joue donc au bon chevalier servant dans une pièce qui devient loufoque. Il semble toujours parler au nom d'un comité, mais il a le « je » facile quand vient le temps d'enlever un nom de la liste.
Il y a des décennies, Maurice Richard, par sa simple présence, par ses actions sur la patinoire, a regroupé les Québécois. Son objectif était de jouer au hockey. Du mieux qu'il le pouvait. Il ne s'est jamais donné comme mission d'être un vecteur de changement social au Québec. Il l'a été par voie de conséquences. Conséquences heureuses.
Aujourd'hui, c'est encore un peu malgré lui qu'il sonne le réveil populaire. Mais un réveil qui pourrait bien, ma foi, être salutaire pour nous tous. Encore une fois...
La culture politique est encrassée depuis quelques décennies. Les jeux de stratégie ont pris la place des enjeux de société. Tout cela provoquant une crise de confiance envers nos politiciens. Crise justifiée, cela dit.
Voilà qu'on réalise que notre voix a un poids lorsqu'elle s'exprime clairement et qu'elle en appelle au gros bon sens. Ça, c'est la démocratie : celle qui a besoin de la base citoyenne active pour vivre et avancer. Pour survivre, je dirais.
Voilà que le but refusé à Denis Lebel est crédité à la fiche de Maurice Richard. Il a compté sans le vouloir, vous me direz, mais un but, c'est un but! C'était un homme droit et honnête. Il n'aurait pas voulu tasser un fondateur comme Champlain pour prendre toute la place sur la surface du St-Laurent. Il était trop conséquent pour trouver que tout cela était censé, j'en suis convaincu.
Maurice Richard mérite toute notre admiration. Et on doit se souvenir de lui. Mais si on décide d'honorer clairement sa mémoire en nommant un lieu, une route ou quoi que ce soit en son honneur, ayons au moins assez de respect pour être conséquent dans le choix qu'on fera.
Maurice Richard ne peut pas mettre en échec Samuel de Champlain.
D'ailleurs, personne ne devrait le faire. Il ne faut pas effacer le nom de Champlain sur le nouveau pont. Il faut juste ajouter « Samuel-de- ».
Clin d'œil de la semaine
Après une défaite, on a entendu Maurice Richard dire « quand tu joues pour perdre, tu perds... » Pas la langue de bois, non plus, le Rocket. Belle leçon pour refaire la chose politique.