J'ai laissé passer un peu de temps. Pour
prendre acte, comme vous le répétez souvent. C'est fait. Une semaine après
votre victoire, j'ai toujours cette envie de vous signifier deux ou trois
trucs. Vous en ferez ce que vous voulez, bien sûr, vous êtes majoritaire.
D'abord, j'ai détesté la dernière
campagne. Ce n'était pas juste la vôtre, me direz-vous. Mais la vôtre aussi. Je
l'ai dit au fil des dernières semaines. C'était du burlesque où vous nous avez
dit, essentiellement, ce que vous ne
ferez pas : un référendum. Vous avez orienté le débat et les autres vous
ont laissé faire, ce qui n'est pas fort de leur part. Mais bon.
Comme bien d'autres de vos estimés
collègues, vous dénoncez le cynisme de la population. Et vous avez tout fait
pour l'entretenir. Vous vous êtes acharné à dire ce que vous ne ferez pas, un
référendum (ça ne fait que deux fois que je l'écris en deux paragraphes et
déjà, ça gosse. Imaginez un mois au quotidien!). Si vous dites ce que vous ne
ferez pas, est-ce à dire que vous ferez ce que vous ne dites pas? Oui, je sais, je suis un peu cynique, mais
voilà : au moment même où vous avez commencé à répéter que vous, vous ne
lanceriez pas de boue aux autres, vous avez mis en ondes une des publicités les
plus dégradantes qu'il m'ait été de voir au Québec. Avouez que le paradoxe est
frappant. C'est comme si vous aviez cru qu'on ne ferait pas le lien entre vous
et le parti Libéral...
Puis, vous avez changé de ton au
lendemain de l'élection.
Un ton affable, presque humble (!). Un
ton d'ouverture. C'est sûr qu'il est plus facile de prendre ce ton bien
installé dans le grand fauteuil du commandant! On aurait juré que vous aviez un
frère jumeau qui vous remplaçait tellement
votre ton ne correspondait pas à celui qui a animé la campagne.
Vitre performance ne tenait pas de la
politique au sens noble du terme, c'était une campagne électorale. Une joute
qui s'est gagnée à coups plus ou moins bas, mais toujours calculés pour
« planter » autrui. Alors, quand vous avez dit que vous étiez fier de
votre campagne, j'ai un peu décroché...
Cette mauvaise pièce de théâtre n'a rien
de bon pour la politique au Québec. 70% des électeurs qui vont voter, ça ne
vous chavire pas? Moi si. C'est bas. Très bas. Mais vous savez aussi
qu'historiquement, plus le taux de participation est bas et mieux il vous sert.
Les chiffres parlent.
Mais maintenant, vous êtes là pour quatre
ans et quelques mois. Jusqu'au 1er octobre 2018.
Comme vous êtes le Premier ministre de
tout le monde et que je suis n'importe qui dans ce monde-là, c'est donc dire
que vous êtes mon Premier ministre. Je vous soumets, pour réflexion, une petite
liste de choses à changer au cours des quatre prochaines années.
-
D'abord, intervenir et modifier le mode électoral
qui fait qu'il est possible d'être complètement aux commandes avec pas mal
moins que la moitié des votes.
-
Trouver une façon de permettre à l'électeur
d'enregistrer sa dissidence. Les votes volontairement annulés devraient être
comptabilisés pour envoyer un signal au gouvernement.
-
Modifier la loi électorale pour qu'un
gouvernement minoritaire soit aussi soumis à la notion de vote à date fixe.
-
Faire adopter la charte des valeurs selon les
points sur lesquels les partis s'entendent. Quand les problèmes arriveront, on
sera heureux d'avoir un petit livre de règlements en référence. Pour le moment,
nous n'avons qu'une charte de droits. Il en manque un bout.
-
Engagez-vous (et votre parti) à ne plus vous
abaisser à un type de campagne comme on vient de vivre. Vous n'étiez pas chics
à voir, vous quatre... Vous souhaitez être
le leader de la confédération canadienne, agissez différemment au moment de
vous faire élire. Cela démontrerait une profondeur dans le propos. Une
conséquence entre les mots et les gestes.
Voilà, c'est ma petite liste de départ.
Je ne veux pas surcharger l'agenda.
Mon point principal est le suivant :
je crois en la pertinence du milieu politique dans nos sociétés. Je crois en la
démocratie. Ce que je sais, cela dit, c'est que la façon dont s'est jouée la
dernière campagne est dangereuse pour la démocratie, à partir du travail des
grands médias jusqu'aux gestes opportunistes destinés à créer le calcul de
manipulation de l'électorat.
Puisque vous vous êtes drapé d'une cape
de transparence et de redresseur de torts, je vous invite à poser des gestes
qui feront une différence dans la qualité de notre démocratie.
Jusqu'à maintenant, vous avez travaillé
en fonction du pouvoir. Simplement pour être au pouvoir. Vous l'avez fait en
exploitant les failles d'un système électoral qui, une fois bien manipulé,
change une minorité en majorité absolue.
Vous avez une belle occasion de marquer
l'histoire.
Mais bon, je dis ça comme ça. Vous êtes majoritaire,
après tout.
Clin
d'œil de la semaine
On verra comment le neurochirurgien
Philippe Couillard opérera sur le système nerveux des Québécois lors des quatre
prochaines années...