Il y a longtemps que j'ai écrit sur la situation politique américaine. La raison était simple, la présidence de Donald Trump bien que délétère pour la planète est largement prévisible. En plus, c'est un peu le jour de la marmotte avec Trump. L'impression qui s'en dégage est que l'on voit chaque jour se reproduire les mêmes événements que la veille.
Il y a du nouveau cependant puisque nous sommes plongés en plein cœur d'une drôle d'élection qui recèle de grands enjeux pour les États-Unis eux-mêmes, mais aussi pour l'ensemble des démocraties à l'échelle de la planète. « Les Tous contre Trump », devraient cependant ne pas faire oublier une vérité élémentaire. Dans une Amérique divisée par les questions raciales et par la manière de gérer la crise de la pandémie, tout peut encore arriver. Arrêt sur l'image. Politique américaine 2020.
La reproduction du même
Trump est éminemment prévisible. Sa gestion chaotique de la crise du virus responsable de la COVID-19 était facile à anticiper. Pour ce président qui ne croit qu'à lui-même, il était évident qu'il ne prêterait pas l'oreille à la science. On a vu pendant cette pandémie, un président nier l'importance de cette crise, la comparer à une simple grippe ou encore défier les avis de ses experts pour proposer lui-même des solutions comme celui de boire de l'eau de javel pour se guérir de la maladie. À tel point que le président n'était plus cru par personne, d'autres que lui auraient été cuits. Le résultat c'est que le président Trump a largement eu tort sur toute la question de la pandémie et les chiffres de la progression de cette pandémie aux États-Unis atteignent des proportions inquiétantes pour nous ses voisins. Ce même Trump a même réussi à gagner des adeptes chez nous. Ce qui indique la nocivité du personnage non seulement pour ses compatriotes, ce que nous savions déjà pour la plupart, mais aussi pour ses voisins. Résultat net, la frontière américaine demeure fermée jusqu'à la fin septembre et les snow birds québécois doivent se faire à l'idée de ne pas retrouver leur petit paradis du sud cet hiver, à moins qu'un vaccin soit trouvé d'ici là.
Le noir et le blanc
Il y a eu aussi bien sûr les tensions raciales dans la foulée du « meurtre en direct » de George Floyd par un policier à Houston dans l'État du Texas. Cela a donné lieu à de vives tensions raciales aux États-Unis et à de nombreuses manifestations. La violence s'est invitée dans les rues des grandes villes américaines et à la recrudescence du mouvement Black Lives Matter. Devant ce phénomène récurrent aux États-Unis, celui du racisme et des violences raciales, le président Trump n'a fait que jeter de l'huile sur le feu en comparant les manifestants à des anarchistes violents et en envoyant les troupes fédérales à la rescousse contre la volonté des États. Ce président n'a rien à son épreuve puisqu'il en ajoute. Ces derniers jours, il a retweeté un message douteux sur l'éligibilité de Kamala Harris comme candidate à la vice-présidence américaine dans le ticket démocrate, comme il l'avait fait pour remettre en question le lieu de la nationalité de du président noir Barack Obama. Sans compter les propos méprisants qu'il a tenus à l'égard de la sénatrice Harris. Il n'y a pas de doute, Trump signe et persiste dans sa volonté d'attiser la haine raciale aux États-Unis.
Cela aussi n'est pas sans effet chez nous avec la résurgence des débats sur le racisme au Canada et l'importation de ces querelles américaines chez nous en faisant fi du contexte canadien. Bien sûr, au Canada aussi il existe des formes de racisme larvé, mais les principales victimes de celui-ci sont les membres des Premières Nations. Cela n'a pas empêché les minorités racialisés canadiennes de prendre la balle au bond qu'a rattrapé le premier ministre Justin Trudeau sur la présence de racisme systémique au Canada. Il ne faut pas nier la présence de forme de racisme au Canada, mais il faut le contextualiser. Clairement, le Canada ne ressemble pas aux États-Unis. Cela n'est pas toujours partagé par tous puisque des étudiantes et des étudiants de Concordia veulent le renvoi d'une professeure pour avoir cité le livre de Pierre Vallières intitulé Nègres blancs d'Amérique. Voilà une manifestation de la cancel culture chez nous en lien avec la dynamique politique américaine.
Le droit de vote et la démocratie
Trump va même jusqu'à s'en prendre au processus électoral et aux institutions américaines. Depuis quelques mois, Trump met régulièrement en doute la validité du processus électoral en contestant le caractère légitime du vote par correspondance. Cet élément devient central dans un contexte marqué par la pandémie. Ainsi, le président Trump conteste la légitimité du prochain scrutin à la présidence et refuse de reconnaître à l'avance les résultats électoraux à venir. Cela devrait faire réfléchir tous les démocrates de tous les pays. Au fond, Trump prépare l'opinion à son éventuelle tentative de demeurer en poste même s'il est battu aux élections.
S'il n'y avait que cela. Le président Trump foule régulièrement à ses pieds la légitimité des institutions américaines notamment celle de la justice en critiquant ouvertement les causes pendantes devant les tribunaux, en intervenant à la faveur de ses amis pour faire réduire leurs peines et en faisant pression sur son ministre de la justice régulièrement. Nous au Canada, on n'a pas à être longtemps convaincu du non-respect des institutions et des processus démocratiques par le président Trump. Ne vient-il pas d'annoncer le retour de frais de douane de 10 % sur l'aluminium alors que nous venons à peine de signer son nouveau traité de libre-échange ?
Trump peut-il être réélu ?
Avec un tel bilan, une économie qui est durement touchée par la pandémie, plusieurs seraient portés à croire que les carottes sont cuites pour l'administration américaine sortante. Pourtant, malgré tout cela, un solide noyau de plus de 40 % d'électrices et d'électeurs est prêt à reporter le président Trump à la Maison-Blanche pour un autre mandat de quatre ans. Ce n'est à rien y comprendre.
Chose certaine, malgré les sondages qui le donnent perdant, les « Tous contre Trump » devraient faire preuve de prudence. Ce président au parcours singulier et qui défie toute orthodoxie est loin d'être battu. Il est capable de créer des conflits là où il n'y en a pas pour distraire l'opinion publique. Trump sait comment pratiquer l'art du mensonge et de la diversion comme nul autre. C'est pourquoi nous pouvons être assurés nous les observateurs que la campagne électorale présidentielle américaine actuelle va mener à un affrontement qui va diviser encore plus l'Amérique. Même si le président Trump est battu aux urnes, il n'est pas clair que les États-Unis ne basculeront pas dans la violence. Cela n'augure rien de bon pour nous ses voisins du Nord. Que dire devant cela sinon que Pauvre Amérique....