Le mot est sur toutes les lèvres gercées : il fait frette.
Un froid polaire, me disait quelqu'un cette semaine.
« Y diront, après, que la planète se réchauffe! Pfffff! »
C'est vrai qu'il est difficile, vu d'ici, d'accepter l'énoncé de la NASA émis la semaine dernière, et selon lequel le mois de janvier a été le deuxième plus chaud de l'histoire (on entend, par histoire, depuis qu'on mesure la chose). Je conviens donc qu'il est difficile de saisir que la planète se réchauffe quand on vit des froids intenses et visiblement interminables.
Mais, derrière le danger du réchauffement planétaire accéléré se cache un autre danger, plus vicieux : la polarisation des choses. Cette façon qu'on a de tout ramener à soi. À sa perception. À sa vision. À son petit monde. Cette façon de penser que, parce que janvier est froid au Québec, il est nécessairement froid partout.
Être le centre de l'univers est dangereux.
Cet hiver, ce qui est plus grave que le froid polaire, c'est la polarisation de l'information, des idées, des manières.
Le ministre Bolduc se met encore une fois le pied dans la bouche? Ça suffit, le premier ministre Couillard impose la polarisation de l'information à son bureau. Il imite ainsi M. Harper. Les ministres diront ce qu'il faut dire, au moment que l'on choisira.
Pour le citoyen, la polarisation de l'information, c'est pratique. Dans un monde où tout va vite, une idée prémâchée est la bienvenue. Ça évite de devoir réfléchir, lire, se renseigner. Ça évite de se bâtir une opinion. Au supermarché de l'information, le prêt-à-manger est roi.
« J'écoutais « chose », à matin, à la radio. M'a te dire, y a raison en ta...! »
Fin de la réflexion.
Je crains la polarisation.
Cette semaine, monsieur Harper a frappé dur sur Radio-Canada. Très dur. En terrain ami et en mode préélectoral, il a affirmé que Radio-Canada, globalement, détestait les valeurs défendues par son parti et son parlement (parce qu'il s'agit de « son » parlement. Comme il s'agit du parlement de M. Couillard. Comme la santé appartient à M. Barrette).
Dans un contexte où la majorité parlementaire procure tous les droits, où le système électoral permet assez aisément d'être élu en ne répétant qu'une phrase ou deux pendant trente jours, il nous faut un bras public d'information qui jouera le rôle de contre poids.
Dans un contexte où les réformes sont adoptées sous le bâillon, que les projets de loi dits "mammouth" sont fréquents, il nous faut un contrepoids informatif soulever des questions, présenter des faits.
Le Radio-Canada que je connais n'est pas une religion. Les reportages que je vois et entends sont généralement bâtis de la même façon : un fait est soulevé et deux visions s'affrontent ensuite. Les deux côtés de la médaille sont visités. La plupart du temps, après l'identification du journaliste à la fin du reportage, je me retrouve avec des questions, des nuances et une nécessité de réfléchir un peu plus au sujet proposé.
Ce Radio-Canada-là doit rester. À tout prix.
La polarisation des choses n'est pas bonne. Une médaille qui n'a qu'un côté n'a aucune valeur parce qu'elle enlève toute perspective.
La polarisation des idées (ou l'intégrisme idéologique)( me donne froid dans le dos.
Plus froid que janvier au Québec.
Clin d'œil de la semaine
Sous la calotte polaire qui dégèle, il y a nos cerveaux qu'on cherche à surgeler...