Les yeux en bonbon. Les sourires
grands comme l'océan. C'est une grande joie que de voir les enfants assister à
un défilé du père Noël. Le père Noël ses rênes et ses cadeaux existe-t-il
vraiment? Doit-on favoriser ou non la croyance au phénomène du père Noël? La
réponse à cette question appartient à chaque parent, mais il n'y a pas à en
sortir, la magie de Noël fait partie de notre culture. Chose certaine, on peut
suivre à la trace la création et les diverses métamorphoses de ce personnage dans
notre imaginaire collectif.
Le miracle de la 34e rue
Le gros bonhomme de rouge et de blanc
avec sa barbe blanche et sa poche de cadeaux sur son traîneau tiré par des
rênes est la représentation achevée du père Noël qui a été largement mise à
contribution par les marchands et scénarisée dans les plus grands films
hollywoodiens. Qui ne se rappelle pas le célèbre film Le miracle de la 34e
rue qui a été produit en 1947 par le réalisateur George Seaton et qui a
gagné trois Oscars. Un film qui met
en vedette un père Noël Kris Kringle, gentil vieillard, qui doit débattre dans
un procès de la preuve de son existence contre de méchants marchands de jouets.
Le père Noël, rassurez-vous, sortira gagnant de ce procès. Une fois encore
Hollywood permettra le triomphe du Bien contre le Mal. Le méchant marchand ne triomphera
pas de l'esprit charitable de Noël. Mais est-ce bien là la vérité?
Un Noël chrétien, vraiment?
Souvent on veut croire que le père
Noël est issu de la tradition chrétienne et que lentement au cours des
dernières années, la méchante société de consommation que nous sommes devenus a
travesti le sens de Noël et en a fait une vulgaire fête commerciale. Est-ce là toute
la vérité que nous enseigne l'histoire? Non. Le père Noël n'a peut-être pas été
inventé par Coca-Cola en 1931 comme le veut cette fausse vérité largement
répandue par les services marketing de cette multinationale américaine, mais il
n'en fut pas moins inventé par les marchands qui, à l'approche de ces
festivités annuelles, voulaient multiplier leurs possibilités de profit.
Coca-Cola et le père Noël
C'est une légende urbaine que de
croire que le père Noël a été inventé par Coca Cola. Il est vrai cependant
qu'en 1931, Coca-Cola voyant ses ventes de boissons gazeuses déclinées
fortement durant la période hivernale eut l'idée d'associer son produit à un
symbole mondialement connu et immédiatement reconnu : le père Noël.
Coca-Cola voulant créer un « buzz publicitaire » fit appel à Haddon
Sundblom et lui a demandé de dessiner un vieux bonhomme en train de boire du
Coca-Cola pour reprendre des forces pendant la distribution de cadeaux. Le
célèbre dessinateur l'habilla aux couleurs du produit : rouge et blanc.
L'image du père Noël était désormais fixée dans l'imaginaire nord-américain
grâce à la puissance marketing de la multinationale américaine. Il faut dire
cependant que Coca-Cola s'appuyait sur un terreau déjà fertile, le vieux
bonhomme Saint-Nicolas avait déjà de la notoriété. Ce qui fit que certaines
voix catholiques, d'où provient la tradition de Saint-Nicolas, se firent
entendre pour dénoncer l'envahissement de cette nouvelle figure qui venait
porter ombrage à la naissance du petit Jésus. Même si certains allèrent brûler
l'effigie du nouveau père Noël, Coca-Cola a réussi à imposer sa nouvelle figure
emblématique. C'est sur cela que s'appuie la légende urbaine que Coca-Cola aurait
inventé l'actuel père Noël. Pourtant, ce personnage de l'imaginaire de tous les
enfants avait déjà acquis sous diverses formes et diverses représentations une
très grande notoriété partout dans le monde occidental.
De Sinter Klaas à Santa Claus...
Au Moyen Âge, l'Église cherchait
à remplacer les figures païennes par des saints. Ainsi l'évêque de Myre, Nicolas
de Myre, un personnage qui vécut au IVe siècle au sud de la Turquie
actuelle devient Santa Claus, personnage qui distribue anonymement nourriture
et cadeaux aux pauvres et aux familles modestes pendant la nuit. Au XIe
siècle, au moment des croisades, sa dépouille est volée. Des légendes autour de
ce personnage naîtront ainsi à Lorraine en France, à Bari en Italie, où on
attribuera des miracles à ce personnage mythique et il deviendra un personnage
semi-laïc après la Réforme aux Pays-Bas, « Sinter Klaas ». C'est à
partir de ce personnage que nous retrouverons par la suite le Santa Claus
popularisé au Royaume-Uni et aux États-Unis, à New York plus précisément, qui avait
des liens privilégiés avec les Hollandais.
De l'Europe aux États-Unis...
Le Noël de Charles Dickens
Dans le Royaume-Uni, on doit à
l'auteur anglais Charles Dickens le passage de Saint-Nicolas au père Noël grâce
à ses « Livres de Noël ». En Hollande, le père Noël prenait forme
sous les traits de « Sinter Klaas ». En France, il aura fallu
attendre à la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour que le père Noël tel que
nous le connaissons aujourd'hui parvienne à s'imposer même si sa figure était
largement connue, mais faisait l'objet de résistance. Les Français préférant
continuer à s'offrir de petits présents sous l'égide de Saint-Nicolas, figure
plus compatible avec les valeurs chrétiennes et catholiques de ce pays.
Le père Noël de New York
Aux États-Unis, un père Noël différent
de la représentation que nous nous en faisons aujourd'hui est apparu au même
moment qu'au Royaume-Uni soit vers 1860 alors que le journal New-yorkais Harper's
weekly représente Santa Claus vêtu d'un costume orné de fourrures
blanches et d'une large ceinture de cuir noir. C'est l'illustrateur et
caricaturiste, Thomas Nast, qui pendant près de trente ans dessina tous les
aspects de la légende de Santa Claus et donna à ce personnage mythique ses
principales caractéristiques visuelles : petit bonhomme rond vêtu à ses
débuts d'une houppelande en fourrure de couleur rouge. C'est aussi lui qui a établi
le lieu de résidence du père Noël au pôle Nord. C'est à partir de cette
représentation que l'illustrateur réputé a fait la fortune de Coca-Cola dans
ses efforts de création d'un « buzz publicitaire » majeur et que la
figure actuelle du père Noël tout vêtu de rouge et de blanc s'est imposée comme
étant le vrai père Noël. Au Québec, le personnage a vécu une trajectoire
similaire.
Le père Noël de la société distincte
Le Québec ne fait pas figure
d'exception et chez nous aussi Saint-Nicolas s'est transformé en père Noël.
Trop souvent on entend dire faussement que ces dernières années on a travesti
nos Noëls d'antan par une commercialisation à outrance. Au milieu du 19e
siècle, en 1843, la publication Mélanges religieux de Mgr Ignace
Bourget publie des vers sous le titre « Cette nuit de bonheur n'a plus de
poésie » : « Noël,
mais ce n'est plus la fête universelle, que notre cœur d'enfant regrette et se
rappelle, ce n'est plus ce beau jour si désiré de tous, où nul n'aurait manqué
son pieux rendez-vous... Noël! Tu n'es plus la fête d'autrefois. » (Mélanges
religieux 18 décembre 1843, p.1).
Il est clair que le Québec de la
fin du 19e et du début du 20e siècle est happé par la
culture des grands magasins qui s'empare à la même époque des États-Unis et de
l'Angleterre. On assiste alors à la commercialisation de la saison des fêtes au
Québec. En cette matière, nous ne sommes pas une société distincte, mais une
société pleinement intégrée au capitalisme libéral en pleine effervescence.
L'historien Jean-Philippe Warren qui a écrit un ouvrage sur la question
intitulé Hourra pour Santa Claus!
publié chez Boréal en 2006 affirme et je cite : « Le processus de
déchristianisation à l'œuvre dans la bureaucratisation de l'appareil d'État ou
l'industrialisation de l'économie à la fois fragilise et exalte,
paradoxalement, certains éléments de la culture religieuse populaire. L'exemple
des fêtes de décembre est à cet égard particulièrement évocateur : d'une
part, l'historien observe l'appropriation par la société de consommation des
rites entourant la célébration de la Nativité et de l'an neuf; d'autre part, il
assiste à la réinvention de cette tradition. » (Jean-Philippe Warren. p.12-13)
Le père Noël, une affaire de gros sous
Quoi que l'on en pense
aujourd'hui, le père Noël a bel et bien été inventé par les commerçants et,
Coca-Cola dans un coup de marketing brillant en a fixé la représentation
archétypale actuelle grâce au concours des producteurs d'Hollywood avec le film
culte Le miracle de la 34e rue
de George Seaton.
Le mot de la fin revient à Jean
Philippe Warren : « Dès la fin du siècle, des Canadiens français
s'avouent nostalgiques d'une période révolue où Noël était une vraie fête
chrétienne, familiale, féérique et charitable. Le passage d'une époque à une
autre a été d'une grande rapidité. En trente ans à peine (1885-1915),
l'imaginaire culturel a été bouleversé et retraduit dans la logique de la
société industrielle. » (Warren,
ibid. p. 259)
Question en terminant : comprenez-vous
mieux maintenant à l'ère des chartes et du relativisme culturel ambiant,
pourquoi il est faux d'affirmer que Noël est une fête chrétienne? Noël c'est
bien plus la fête des commerçants que la fête des chrétiens et cela ne date pas
d'hier. Le père Noël existe, nous l'avons créé...
Lectures suggérées :
Jean-Philippe Warren, Hourra pour Santa Claus. La
commercialisation de la saison des fêtes au Québec, 1885-1915. Montréal,
Éditions du Boréal, 2006, 301 p.
Wikipédia, Père Noël. http://fr.wikipedia.org/wiki/
Tweet de la semaine : « Ouvrir
un dictionnaire, car on est certain d'y rencontrer un mot pour lequel on aura
de la curiosité, de l'admiration, de l'amour peut-être. » dans Bernard
Pivot, Les tweets sont des chats, Paris, Albin Michel, 2013, p.21.
Pour commentaires ou
suggestions : dnadeauestrieplus@gmail.com