1980.
L'année de mes 19 ans. Je cumulais quelques emplois à temps partiel en même
temps. Des amis me disaient qu'ils
avaient dû payer de l'impôt à la fin de l'année parce que chaque employeur ne
retenait que sa part, mais que l'impôt se calculait de façon cumulative à la
fin de l'exercice. Je ne voulais pas que ça m'arrive. J'ai demandé à ce que
chaque employeur retienne plus d'impôt sur chaque paie.
Au
moment de produire ma déclaration de revenus, j'ai eu beau vérifier et
revérifier mes calculs, il me revenait 600$. En 1980, pour un étudiant qui
habitait chez ses parents, c'était un gros montant!
J'ai
mentionné la chose à mes parents au repas. Mon père me demande, tout
bonnement : « qu'est-ce que tu vas faire avec ça? »
Je ne
sais plus trop ce que j'ai répondu, mais ce devait être une platitude liée à ma
condition de jeune adulte qui souhaite démontrer bien plus de contenance qu'il n'en
a vraiment!
Mais
comprenez-moi! J'étais riche!
Sans
consulter qui que ce soit, j'ai subdivisé le montant en autant de postes
budgétaires plus ou moins clairs et imaginaires. Dans ma tête, le plan était de
garder un peu ici, payer un peu là, bref, j'avais un coussin et j'allais m'y « accoter
solide »!
Ça
appartient vite au passé, 600 dollars! Ma fortune a fondu comme un cube de
glace sur une plaque chauffante!
Bizarrement,
je ne me souviens pas d'avoir fait un retour de gestion de mon capital auprès
de mon père. J'ai dû oublier...
L'entrepreneur
Dernièrement,
je parlais à un entrepreneur qui me disait avoir été favorisé par les
programmes de subvention liés à la Covid. Comme les programmes étaient des
mesures d'urgence, on comprend que certains ont bénéficié plus concrètement des
retombées que d'autres. "Rien pour rendre riche, me disait-il, mais assez
pour bénéficier d'une petite marge de manoeuvre".
Il s'est
posé la même question que mon père m'avait posée à l'époque :
« qu'est-ce que je vais faire avec ça? »
«J'allais
quand même pas changer le tapis et les bureaux avec ça! Quand une somme non
prévue est là, disponible, il faut en faire bon usage. Je me suis fait un petit
coussin de liquidités pour les imprévus qui ne manquent jamais et j'ai un peu
réduit la dette de l'entreprise. J'ai essayé de voir à me donner de l'air avec
ça! »
J'aurais
aimé avoir cette sagesse quand j'avais 19 ans!
Le
gouvernement
Comme
vous, je me suis intéressé au budget provincial. Le ministre des Finances
bénéficiait d'une marge de manœuvre héritée de surplus budgétaires non prévus
en 2021 : 3,5 milliards de dollars.
J'imagine
le ministre dans le bureau du premier ministre et qui discute de ce montant.
« Qu'est-ce qu'on va faire avec ça? »
Et ils
ont fait le choix que j'avais fait quand j'avais 19 ans.
En
balançant des sommes de 500 $ à quiconque gagne moins de 100 000 $ (net!)
par année, on choisit de saupoudrer des liquidités de façon égale. Pas
équitable. Égale. Riche ou pauvre, c'est pareil.
Et c'est
surtout éphémère. Il y avait tellement mieux à faire avec ces sommes que de
continuer à entretenir la pensée vide que le système économique est un générateur
de justice sociale.
Et la
publicité qui accompagne la mesure est franchement dérangeante: la performance
économique du Québec est tellement extraordinaire qu'on peut se permettre de
lancer notre argent partout autour! J'entends, comme en sous-titre: souvenez-vous-en
le jour du vote!
Ce
budget m'a rentré dedans pas mal... Alors que le ministre Dubé m'inspire une
sorte de confiance en guidant les investissements majeurs en santé, voilà que
la mesure phare du budget et sa pluie annoncée de billets de 500$ orientent mon
regard vers le sol. Pas vers l'horizon qui pourrait être porteur d'espoir.
On
aurait dit un bulletin météo qui annonçait une dépression en provenance de
Québec...
Avec
l'Ukraine, le difficile accès à un logement de qualité, la crise au sein des
organismes communautaires, j'avais bien plus besoin d'une source d'espoir
durable que d'un petit feu d'artifice tellement éphémère...
Clin d'œil
de la semaine
François Legault adore agir
en « bon père de famille ». Le problème, c'est que cette notion est
personnelle à chacun. Et dans ce cas, le mot personnel devient le contraire de
collectif...