Au lendemain de l'élection d'un gouvernement majoritaire du
NPD en Alberta, j'écrivais sur Twitter que « l'élection d'un gouvernement
majoritaire du NPD en Alberta transformera plus le Canada que l'élection de PKP
à la tête du Parti québécois au cours du prochain weekend, selon toute
vraisemblance. » Je voulais dire par là que malgré ce que nous pouvons en
dire du point de vue québécois, le Canada vit de profondes transformations et
le ROC (Rest Of Canada) n'est pas un concept viable pour comprendre et
expliquer la dynamique politique canadienne. Tentative de compréhension du
monde politique complexe canadien...
Le séisme
politique en Alberta...
L'élection de Rachel Notley comme première ministre de
l'Alberta sous la bannière du Nouveau Parti démocratique (NPD) est en soi un
séisme violent sur la scène politique canadienne. Qui aurait dit ou cru que la
très conservatrice Alberta, la province où loge le quartier général de Stephen
Harper, puisse un jour élire un gouvernement de centre gauche?
L'analyse des résultats de cette élection est à faire. Je
n'ai d'ailleurs pas les compétences, ni les connaissances d'un Frédéric Boily,
politologue au campus Saint-Jean de l'Université d'Alberta, pour vous en livrer
une fine analyse. Qu'il suffise de dire que l'élection albertaine a fait la
preuve que la fragmentation des clientèles électorales est aussi présente que
la fragmentation des publics de consommateurs et s'accompagne de la
fragmentation des médias et des partis politiques.
De nos jours, les gens lorsqu'ils sont appelés à voter se
comportent de plus en plus comme des clientèles à conquérir plutôt que comme des
publics partisans captifs d'une famille politique. Désormais, les partis
politiques n'ont plus le choix, ils doivent concevoir la joute électorale comme
la vente d'idées et de projets à un public de consommateurs politiques.
C'est dans ce contexte particulier du 21e siècle
que l'on peut comprendre la victoire d'une femme comme Rachel Notley. Femme
éminemment sympathique, sourire aux lèvres, au regard franc et au verbe clair
et juste. La victoire du NPD en Alberta vue du Québec est d'abord la victoire
du charisme exceptionnel d'une femme comme le fut celle du regretté Jack Layton
au Québec en 2011. Le séisme politique albertain c'est d'abord et avant tout la
victoire du charisme et de l'optimisme contre le mépris et la suffisance des
conservateurs.
La
signification politique de l'élection du NPD en Alberta
Il est beaucoup trop tôt pour être en mesure de tirer des
conclusions sur les conséquences de l'élection de madame Notley à la tête de
l'Alberta. Il faudra voir ce que le gouvernement NPD fera de son pouvoir
nouvellement acquis au cours des prochains mois et des prochaines années. Chose
certaine, le gouvernement de l'Alberta aura un visage fort différent de celui
des conservateurs. À commencer par le fait qu'il aura un visage probablement
beaucoup plus féminin. Outre, la première ministre, le NPD a fait élire 23
autres femmes. On peut penser que plusieurs de celles-ci seront appelées au
gouvernement dans un cabinet des ministres qui pourrait viser la parité entre
les hommes et les femmes.
Un autre changement c'est le discours du gouvernement
albertain sur l'environnement et les changements climatiques. Des changements,
mais pas de ruptures avec le passé. Madame Notley a répété en campagne
électorale et au lendemain de sa victoire qu'elle souhaitait que l'Alberta se
dote d'une économie plus diversifiée et qu'elle était contre le fait d'utiliser
les fonds publics albertains pour faire la promotion des pipelines des
entreprises privées albertaines sur la scène internationale. Elle a du même
souffle réitérée sa volonté d'augmenter le taux de redevances des compagnies
pétrolières albertaines tout en se disant partisane d'un dialogue franc et
ouvert avec elles. Par contre, elle a aussi réaffirmé l'importance des projets
de pipeline pour l'économie de sa province et s'est dite prête à un dialogue
avec ses homologues provinciaux et fédéraux sur cette question.
Le gouvernement du NPD en Alberta pourrait nous surprendre,
mais il faut s'attendre à plus de continuité qu'à de ruptures avec le passé.
Quoi qu'il en soit, un changement de ton ne peut que favoriser les intérêts des
Albertains au pays. Faire la démonstration d'une plus grande sensibilité aux
questions environnementales et aux changements climatiques sera déjà un grand
changement.
La face du
Canada changera...
Je crois cependant que le plus grand changement et la plus
grande conséquence de l'élection du gouvernement NPD de Rachel Notley seront
dans la perception des autres Canadiens envers l'Alberta et les Albertains. La
venue de madame Notley dans une élection aux allures triomphales devrait mener
à reconsidérer nos convictions envers cette province importante du Canada.
L'Alberta n'est pas un ramassis de droitistes jusqu'au-boutistes et de gens
sans sensibilité que nous avons souvent présentés dans nos commentaires
québécois. L'Alberta, comme toutes les provinces canadiennes, est en phase avec
de profondes transformations de sa société tout comme nous le sommes au Québec.
L'Alberta a une population jeune et dynamique qui souhaite une meilleure vie
pour elle et pour ses enfants.
L'élection de madame Notley avec une majorité écrasante
envoie cependant un message fort au monde politique. Le mépris, la suffisance
et la langue de bois ne sont plus adaptés aux stratégies contemporaines de la
gestion du politique. Les gens veulent une autre politique ou plutôt comme le
dit l'expression galvaudée de la politique autrement.
Même si l'élection du NPD en Alberta n'est pas l'annonce
d'une vague orange lors des prochaines élections fédérales, elle n'en constitue
pas moins un sévère avertissement au premier ministre Harper et au Parti conservateur.
Les gens ont soif de justice et d'idées nouvelles et les électeurs refusent de
se faire enfermer dans des catégories de politologues : gauche droite.
Depuis l'élection en Alberta, il est possible d'imaginer un monde avec moins de
conservateurs au parlement même si nous ne devons pas oublier que l'élection de
madame Notley est avant tout l'élection d'une femme charismatique par une
population qui veut de la politique autrement. Bref, madame Notley a profité du
même phénomène en Alberta que celui qui profite à Stephen Harper au Canada.
Madame Notley a vu la droite se diviser comme Stephen Harper a réussi à
s'imposer devant une gauche divisée. C'est pourquoi nous désirons voir
l'élection du NPD en Alberta non pas comme une vague orange, mais comme la
naissance d'un nouveau coin de pays, le pays des oranges bleues...