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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

Ne plus sentir le danger

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François Fouquet Par François Fouquet
Lundi le 28 février 2022

L'image frappe plus fort qu'un camion de 45 pieds qui menace de te rentrer dedans: les membres du « convoi de la liberté » (!) qui ont assiégé Ottawa et brandi des affiches liant Trudeau à Hitler et dénonçant le nazisme, d'un côté, et de l'autre, Vladimir Poutine qui attaque Kiev en invoquant une lutte au nazisme...

Le convoi canadien et l'attaque russe ont une chose en commun : ils se servent de faux prétextes pour camoufler leurs réelles intentions.

Ottawa est maintenant libérée. Je le dis de façon sarcastique. Les policiers et les politiciens ont demandé poliment à tout le monde de partir pendant trois semaines avant que les forces de l'ordre viennent marcher doucement vers eux, évitant d'écraser des pieds au passage. Et devant eux, des gens qui invoquaient tantôt le 1er amendement américain (bonjour compréhension des enjeux!) et tantôt le fait qu'ils étaient chez eux, ici (ici étant le lieu du siège, soit un espace public) et qu'ils y resteraient.

Je pousse un peu le sarcasme jusqu'à dire aux gens du convoi : le Kremlin est disponible! Essayez d'y implanter vos camions et vos spas. On verra la douceur de la réplique du régime en place...

Bon. J'avoue que le sarcasme me sert aussi de thérapie, parfois.

Mais le fond du problème me fait peur.

Comme dans un atelier de menuiserie où on devient dangereux pour soi quand on se met à ignorer et même défier le danger, je trouve que les gens du convoi agissent comme des êtres qui veulent tout faire sauter sans prendre conscience réellement du danger que cela implique.

Quand tu ne t'aperçois pas que ton appel à la liberté est violent, dans la forme même de ton intervention, tu es une personne dangereuse. Je risque une analogie forte : un conjoint violent a beau tenir, dans une main, une pancarte où il est écrit « je t'aime », cela n'efface rien des gestes qu'il commet avec son autre main. Alors, pour la liberté...

La révolution

Comme l'image de la grenouille qui ne sent pas que l'eau dans laquelle elle baigne se réchauffe au point d'arriver à ébullition, ces gens ne réalisent pas ce que veut dire liberté. Ne réalisent pas que la vie collective impose des limites à la liberté individuelle. Ils veulent une révolution comme un enfant trop gâté veut la dernière bébelle. Ils ne voient plus les conséquences et finissent par se croire à force de se répéter qu'ils sont ostracisés et brimés dans leur existence même.

Pathétique.

Comme l'assaut de la Russie est pathétique.

Le vrai pouvoir

Je demeure convaincu que le pouvoir réel est celui d'influencer les choses. Par des actions.

Je suis né en 1961. À l'aube de ce qu'on a appelé la Révolution tranquille au Québec. Et ce n'est pas anecdotique. De façon ouverte et démocratique, la base même de notre société a été changée. L'affranchissement du pouvoir des religieux sur leurs pairs. L'instauration d'un système universel d'éducation. L'accès à un régime collectif d'assurance maladie. L'amorce d'une démarche qui vise l'égalité hommes et femmes. Et bien d'autres éléments qui ont été, je le répète, révolutionnaires.

Pour moi, même si tout ça a créé des heurts et a bousculé des convenances bien enracinées, le constat demeure le même : il est possible de faire évoluer un système démocratique comme le nôtre. Il s'agit de s'impliquer minimalement. On pourra le nier à grands coups de pancartes, on a une voix au chapitre.  

J'ai vraiment peur que l'esprit derrière les convois continue de gagner du terrain. Ce sont des gueulards habiles et tordus qui agissent, bien appuyés dans leur démarche par l'accès aux médias sociaux.

Ce qui se passe en Ukraine me chagrine et m'émeut. Une émotion qui vient se coller à la colère ressentie quand j'ai vu toutes ces personnes glorifier Trump qui militait pour un assaut au Capitole.

La solution n'est pas dans la violence.

La seule chose que peut engendrer la violence, c'est la violence.

Il faut savoir reconnaître le danger quand il se pointe.

 

Clin d'œil de la semaine

Et résonne cette phrase de la chanson des Cowboys fringants. Celle du camionneur : « j'vois toute l'Amérique qui pleure, dans mon rétroviseur »

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