Comme tant de parents avant moi, j'ai répété cette question des milliers de fois : « qu'est-ce qu'on dit? »
« Merci »
Et le ton de la réponse variait.
Parfois lumineux, le ton venait dépeindre l'état d'esprit de l'enfant qui vient de recevoir un cadeau qu'il n'attendait pas. Parfois, le ton était exaspéré. Un merci qui sous-entend « Hey que t'es fatiguant avec tes "merci". »
Le merci est souvent automatique. Il marque la séquence vécue du sceau de la politesse. Politesse qui fait du bien.
En fait, en répétant la formule à mes enfants autant de fois qu'on me l'avait répétée, je poursuivais deux objectifs : apprendre à signifier à l'autre qu'on apprécie ce qui vient de se passer, d'une part, et apprendre à se signifier à soi-même que ce que l'on obtient ne nous est pas automatiquement dû.
Pour moi, il y a deux grandes catégories de merci.
Le merci qui vient saluer poliment un geste qui vient d'être posé. Le merci civique. Celui qui termine une action et qui sème un sourire. Même si la chose ou l'action nous était, dans les faits, due. Par exemple, j'achète des pneus d'hiver. Je paie pour les pneus et pour leur installation. On me remet les clés de ma voiture en me disant : « Voilà, c'est fait ». Je me retrouve devant deux choix. Soit je dis : « J'espère que c'est fait, j'ai payé pour! ». Soit je dis « merci! » Et ce, même si j'ai payé pour.
Je préfère le merci. Celui qui sème quelque chose de léger et d'heureux autour de lui.
Mais il y a aussi le merci humain, porteur de quelque chose de grand. De très grand. Souvent trop grand pour être dit autrement.
Vous accompagnez quelqu'un dans un moment intense de sa vie. Une fois le moment passé, ce quelqu'un vous revient, vous serre la main, vous offre une accolade et dit juste « merci ». Il ajoute : « pour tout ». Il pourrait écrire deux pages, mais il ne sait pas s'y prendre. Il finit en disant : « Je me demande si "merci", c'est assez fort pour ce que tu as fait, mais bon, je ne sais pas trop le dire autrement ».
Je pense à tout cela, ce dimanche matin, au lendemain d'une rencontre rendant hommage aux trente ans de carrière d'un ami à moi.
Une soirée magique. Rien de moins. Une soirée lors de laquelle les anecdotes se sont succédé. Une soirée à la fin de laquelle notre fêté ne savait dire autre que « merci ».
Un merci qui voulait dire : merci d'avoir pris du temps pour moi. Merci d'avoir prouvé que je valais bien non seulement une, mais plusieurs risettes. Merci de m'avoir dit que vous m'aimiez. Merci de m'avoir fait savoir que ce que je suis a une valeur.
Bref, merci pour ce temps précieux.
Bref, merci.
J'adapte librement une parole de Félix Leclerc (qu'on ne remerciera d'ailleurs jamais assez!) : c'est grand, un merci, c'est plein de vie dedans.
Clin d'œil de la semaine
Quand on se sent à la merci du temps qui passe, un merci bien placé semble arrêter l'horloge, le temps d'un sourire.