On dit de certains médias qu'ils sont sociaux. On a ajouté ce qualificatif il y a quelques années.
Avant, on parlait de médias électroniques, de médias écrits, mais pas de médias sociaux. Pour la simple et bonne raison que, par définition, un média est un outil qui transmet de l'information, de la communication.
Il transmet, le média. Il ne socialise pas.
Les pieds sur la bavette du poêle de notre vie quotidienne, on pourrait croire que les médias sociaux ont apporté, dans leur sillon, une réponse à un problème de société : la solitude.
Pourtant.
Vrai que les barrières de temps et d'espace sont tombées, les unes après les autres. Vrai qu'on peut envoyer une note en tout temps et que la personne la verra quand elle sera disponible. Vrai que je peux écrire à partir de partout sur le globe. Ou presque. Vrai qu'en quelques secondes, en prenant soin de maximiser le temps que prennent les quelques pas nécessaires pour passer de la salle de classe à la salle des toilettes, on peut envoyer un message et une gentille émoticône à quelqu'un.
On a vraiment pensé que Steve Jobs avait créé un modèle qui réglerait le problème que représente la solitude en société. Imaginez un bidule assez convivial pour être utilisé par quiconque et qui permet à ce quiconque de jaser virtuellement avec un autre quiconque, lui envoyer une quelconque photo et témoigner d'une quelconque situation.
Ce ne serait pas le bonheur, ça ?
Visiblement pas.
Cette année, plus de 250 personnes sont mortes au Québec sans que quiconque ait une quelconque idée de leur mort. C'est pas quelconque, ça...
L'organisme « Les petits frères des pauvres » est devenu simplement « Les petits frères ». Pourquoi? Parce que la solitude a gagné les rangs des autres classes qu'on dit, elles aussi, sociales.
En fait, les médias sociaux ont créé un monde virtuel. Un monde qui nous engouffre tout rond, lentement, mais sûrement. Un monde qui ajoute la pression de répondre à quiconque qui a une quelconque affaire à nous dire.
Mais de plus en plus de gens meurent dans l'anonymat total.
On me dira que les médias sociaux sont une réalité dont il faut tenir compte. J'en suis. Mais...
Est-ce qu'on ne doit pas tenir compte, aussi de la solitude qui gagne le monde réel? Est-ce qu'on ne doit pas tenir compte, aussi, du fait que bien des messages virtuels n'ont pas de réelle portée dans la vie des gens? Est-ce qu'on ne doit pas aussi tenir compte du fait qu'une série de cœurs animés qui explosent visuellement sur l'écran du téléphone ne remplacera jamais un câlin?
Il y a de plus en plus de solitude autour de moi, de vous, de nous.
Mais on ne la voit pas, on marche tête baissée les yeux rivés dans un monde qui entre dans un espace de quelques centimètres carrés.
Et de plus en plus de gens sont seuls. Et de plus en plus de gens meurent sans que quiconque ne s'en rende compte.
J'ai cherché et je n'ai pas trouvé d'application pour régler cela. Ni pour nous réveiller, nous sortir de cette réelle torpeur qui nous enferme dans un monde virtuel dont la lumière est trop bleue pour être naturelle.
Je n'ai pas trouvé non plus d'application qui sollicite le gros bon sens...
Clin d'œil de la semaine (deux clins d'œil, en fait...)
« Shit, tu as vu mon téléphone quelque part? Shit, c'est toute ma vie qui est là-dedans... »
et
« Panne d'Internet à la maison. Les enfants sont montés du sous-sol. Wow, ils ont grandi! »