Les chiffres nous définissent bien plus qu'on le pense ! Je vis mathématiquement depuis
1961. La date et l'heure de ma naissance, mon poids à ce moment-là, ma taille,
tout est chiffré. Je suis allé à l'école de la 1ʳᵉ à
la 6ᵉ année. Puis, le
cycle repart en numérotant les années du secondaire de 1 à 5. J'avais fait ma 1ʳᵉ communion.
Bref, il y en a des chiffres dans nos vies ! Normal, en fait, puisque ces
chiffres sont des repères
précieux et parlants.
Je me demande parfois à quel moment les repères chiffrés se
sont transformés en outils de mise sous pression du quotidien.
Tout autour de nous est performance et la performance, elle,
est chiffrée.
Les deux dos d'âne de la rue
Quand je sillonne les rues de mon quartier (pour les
chiffres : 5 matins sur 7 environ, vers 5 h 30, pendant 30 à 35
minutes !), j'ai le temps de remarquer
différents éléments. Ainsi, la présence de deux dos d'âne à faible distance
l'un de l'autre sur une rue toute résidentielle vient trahir l'habitude de
certains pilotes automobiles à rouler beaucoup trop vite.
Ce qui est spécial, et je l'ai constaté à au moins 5
reprises (!), c'est que certains automobilistes, connaissant bien la rue,
arrivent rapidement, freinent énergiquement, franchissent plus doucement la
séquence inter-dos-d'âne, et, dès le 2ᵉ passé,
accélèrent brusquement pour freiner 200 mètres plus loin au feu de circulation.
Je me questionne sur ce réflexe. D'où vient cette impatience
chronique ? Pourquoi
faut-il se donner absolument l'impression
d'avoir rattrapé de très précieuses secondes ?
Pour se donner l'impression,
justement, d'avoir gagné sur la méchante « ville » qui fait tout pour
harceler les citoyens ?
Performance maudite...
Je ne maudis pas le concept de performance, allez, ne me
prêtez pas d'intention !
Je maudis le fait que la performance est partout, tout le
temps. Et j'en suis évidemment.
Je conduis une voiture hybride « branchable». Donc, avec une
autonomie suffisante pour couvrir à l'électricité pour mes déplacements
quotidiens, plus de 340 jours sur 365, je dirais.
Il y a des chiffres partout dans le tableau de bord. Je sais
que j'ai roulé 70 000 km à une moyenne de 1,4 l/100km. Je connais la
moyenne de performance de mes accélérations et de mes arrêts. Mon rêve :
descendre le chiffre de 1,4 l/100 à 1,3 l/100. Même là-dessus, je veux
performer...
Je me console en me disant que c'est une façon de conduire
plus doucement, ce qui est bon pour la mécanique de la voiture, la sécurité sur
la route et, accessoirement, pour ma santé mentale !
Et je me disais naïvement que les voitures électriques
allaient apporter un vent de calme sur les routes.
Pantoute!
Les fabricants de voitures électriques misent maintenant sur
la performance du 0 à 100km des bolides. On peut ainsi décoller plus vite que
l'immense majorité des voitures à essence !
Et, ça peut rouler à des vitesses de pointe
impressionnantes ! Et, à 425 kilomètres d'autonomie et un temps de
regorge de 80 % de la
batterie en moins de 20 minutes, ça
devient intéressant !
Que des chiffres. Que de la performance. En plus d'une
fabuleuse option de grossir indument la grosseur et le poids du véhicule,
puisque la consommation d'essence n'est plus en cause !
« Je fais sortir mes chiffres ! »
Même quand on pense à la retraite éventuelle, on fait sortir
nos chiffres, pour reprendre l'expression consacrée.
« Avec 50 %
de mes revenus actuels, tenant compte que mes dépenses ont diminué de 35 % à cause de la maison maintenant payée, je peux vivre
correctement pour atteindre le 85 % d'espérance de vie moyenne ? »
Tout est mathématique.
Mais, le taux de bonheur personnel et collectif est ramené à
un ratio statistique comparatif entre régions et pays.
« Tu es heureux ? » « Ben, selon les
chiffres, au moins 21 % de
plus que les gens de telle région ! »
Voilà bien une réponse qui évite de passer trop de nos
minutes si précieuses à penser au bonheur lui-même !
Clin d'œil de la semaine
- Prends le temps d'y penser !
- Ok, mais j'ai combien de temps ??