On dit
tout et rien, en même temps, sur la vieillesse. Dans un monde d'arcs-en-ciel et
de licornes, la vieillesse n'existe que dans notre tête et le cœur reste
toujours jeune. Le cœur étant un muscle, on comprendra que la phrase est
métaphorique. Dans la réalité de nos vies, on dit de la vieillesse que ce qui
nous rassure par rapport à nous-mêmes et ce qu'on perçoit par rapport à celle
des autres.
Ainsi,
on entendra une pétillante bénévole de 88 ans décrire son implication
auprès des vieux...
La
vieillesse, c'est comme la beauté : ça prend son sens à travers l'œil qui
regarde.
Je suis
étonné de l'espèce de choucroute dans laquelle on patauge socialement. La
pandémie a eu un effet sur le rythme de nos vies. Sur notre vitesse de
croisière. Et quand la vitesse de croisière diminue, forcément, on constate des
choses qu'on ne percevait pas avant.
On s'est
donc aperçus, tous autant que nous sommes, que nous ne traitons pas bien nos
vieux. On le savait un peu, là, derrière l'écran du rythme de notre vie, mais
là, c'est devenu évident.
Les
vieux et le club des oubliés
La
choucroute dans laquelle on patauge est formée d'éléments distinctifs qui vivent,
chacun de leur côté, en vase clos. Je l'appelle le club des oubliés.
N'y
voyez aucune connotation péjorative, mais il me semble qu'il y a une valse des
oubliés dans le fil des nouvelles des médias depuis la dernière année : il
ne se passe pas deux semaines sans qu'un représentant d'un certain groupe ne
vienne déclarer que « nous sommes les grands oubliés du
gouvernement ». Les restaurateurs, les lieux
de culte, les créateurs culturels, les organismes communautaires, les
communautés culturelles, les employés à forfait, ceux à temps partiel, bref, tout
y a passé et y passe encore!
Et
chacun, de son point de vue, a raison.
Essentiellement,
je crois que c'est notre relation avec l'État qui est déficiente. Et l'État est
responsable aussi de cet état de fait.
Chaque
printemps, on recrute des personnes « qui s'y connaissent pour me faire
sauver de l'impôt ». Chaque élection, on porte une
attention particulière au candidat qui promet de ne pas augmenter les taxes et
les impôts.
Mais
quand un pan du secteur des grandes entreprises privées déraille, on se tourne
vers l'argent des contribuables : l'État. On le fait au nom du modèle
économique qu'il faut sauver à tout prix. Puis, dès que les choses vont mieux, ces
entreprises militeront pour une baisse de leurs impôts et feront tout pour
détourner leurs revenus et, ainsi, se sauver de l'impôt.
L'État
n'est pas un guichet automatique à dollars. À mon oeil, c'est un organisme
démocratique qui voit à maintenir une forme d'équité dans la population.
Laissons
les arcs-en-ciel et les licornes de côté et constatons que, non, on ne naît pas
tous égaux. Et même en temps de Covid, on n'était pas tous dans le même bateau.
Pas du tout. Nous étions sur la même mer, mais chacun dans son bateau. Certains
étaient confortables et étanches alors que d'autres prenaient l'eau.
Oubliés
X 2...
Et parmi
les oubliés, il y a une catégorie qui vit l'oubli en double : les vieux.
On s'est
promis, larmes aux yeux, que « plus jamais on sera inéquitables
envers les vieux! ». À part la confirmation de
projets déjà annoncés, je ne sens rien. Aucun vent de changement à l'horizon.
« Ouais,
mais il faut respecter la capacité de payer des contribuables... »
Des
fois, je me dis que les vieux, c'est comme l'environnement. Quand on parle de
l'environnement, c'est pour décrire ce qui est autour de nous, avec l'avantage
que ce qui est autour de moi ne m'implique pas nécessairement!
Quand on
parle des vieux, c'est pareil.
Et comme
pour clouer le cercueil du débat : nous vivons dans une société où la
performance garantit la qualité de notre vie.
Au fait,
ça performe comment, ça, un vieux?
Clin
d'œil de la semaine
On dit
qu'en vieillissant, on oublie plus. Faut croire que notre société est déjà très
vieille...