La brutalité des images et la folie des uns et des autres
rendent banales les pires exactions. Que nous songions à la folie indicible de
Benyamin Netanyahou et de ses comparses israéliens d'extrême droite qui sont à
finir un véritable génocide en Palestine ou encore à l'intimidation dans nos
écoles, il y a de quoi nous décourager de notre humanité. J'en conviens.
Quoi de plus surréaliste que cette nouvelle tuerie de masse
à Kansas City lors des célébrations de l'équipe locale, les Chiefs de Kansas
City, pour leur victoire au dernier Superbowl ? Une autre tuerie de masse aux
États-Unis. Les folies et les pitreries de Donald Trump ne peuvent réussir à
nous distraire de ce triste spectacle. Il y a aussi ces féminicides à
répétition chez nous au Québec. Ce qu'il y a de plus regrettable dans ces faits
d'actualité de la dernière semaine c'est que nous nous habituons à ces drames,
à ces images de violence qui meublent notre quotidien. Le déroulé de l'actualité
nous a habitués à bien des violences, mais il y en a une qui a particulièrement
retenu mon attention ces dernières semaines c'est cette hurluberlue qui avec un
lance-flamme a brûlé des livres. Ça, c'est Non. Je refuse de m'habituer à vivre
dans un monde où l'on refuse la connaissance. C'est ma ligne à moi tracée dans
le désert. Nous ne pouvons accepter que l'on brûle des livres. Rappelons les
faits.
Les flammes du Missouri
Imaginez, il y a quelques semaines, le 6 février
dernier, la candidate républicaine au poste de secrétaire d'État au Missouri,
Valentina Gomez, a brûlé au lance-flammes un exemplaire du livre intitulé Naked,
traduction anglaise de Tout nu !, un livre québécois jeunesse
traitant de questions liées à la sexualité. Ce livre qui est une sorte de
dictionnaire sur la sexualité s'adresse aux jeunes et aux adolescents. Ce livre
écrit par Myriam Daguzan Bernier et illustré par Cécile Gariépy a remporté nous
dit La Presse+ le prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal
en 2020. On peut bien y voir la folie américaine trumpisme et nous dire que ces
choses là n'arrivent que chez nos voisins du Sud, mais nous aurions tort. Dans
un registre différent, mais tout aussi dommageable, la bibliothèque publique
juive de Montréal, comme le rapporte le chroniqueur de La Presse+ Marc
Cassivi, venait de mettre à l'index le livre d'Élise Gravel Une patate à
vélo et une trentaine d'autres livres parce que son autrice dénonce
régulièrement sur les réseaux sociaux la situation dans la bande de Gaza et la
mort de milliers d'enfants palestiniens. On accuse l'autrice dans certains
milieux d'antisémitisme parce qu'elle dénonce la folie meurtrière en Palestine.
C'est préoccupant d'assister à de tels événements qui se résument à : loin
de mes yeux ce que je ne veux pas voir. C'est le retour de la censure. Une
censure de la pire espèce celle de la violence ordinaire contre les idées
contenues dans des livres. Heureusement, un sursaut de lucidité et une opinion
publique indignée à amener la Bibliothèque juive à se raviser.
Pendant ce temps à notre garderie nationale...
Heureusement qu'à notre garderie nationale, les députés que
nous avons élus ont adopté unanimement une résolution pour dénoncer ces
pratiques. La résolution adoptée se lit comme suit : « Que l'Assemblée
nationale réitère son adhésion à la liberté d'opinion, à la liberté
d'expression et à la libre circulation des idées. » Présentée par le député
solidaire, Sol Zanetti, cette résolution vient redonner un peu de dignité à nos
élus qui se sont lancés ces dernières semaines à une campagne nationale de lançage
de bouettes. Commentant l'adoption de cette résolution, Sol Zanetti, a affirmé
qu'il trouvait important de réitérer le consensus québécois contre cette dérive
conservatrice qu'on voit aux États-Unis et qui risque de se répandre chez nous
comme semble le démontrer la décision stupide de la Bibliothèque publique juive
de Montréal au sujet des livres d'Élise Gravel. Je ne pourrais être plus en
accord avec les propos tenus par Sol Zanetti : « Ceux qui ont brûlé des
livres dans l'histoire ont fait énormément de mal et de morts. Ce ne sont pas
des symboles à prendre à la légère des livres c'est fait pour allumer des
débats, pas des feux. »
Brûler des livres c'est une violence qui confirme le
triomphe de l'ignorance et de la bêtise. Paraphrasant Albert Camus, je peux
écrire que la pire des actions des humains ne doit pas nous faire oublier notre
humanité. C'est la seule chose qui compte vraiment dans ce monde, notre
humanité. Sans elle, nous ne sommes que des bêtes, des êtres vivants brutaux et
destructeurs. Je sais que certains jours sont difficiles pour notre humanité.
La multiplication des drames et des violences peut nous la faire oublier, mais
à tout prendre je crois que notre humanité mérite bien les mêmes contorsions
que celles que nous pouvons consentir à celle que cautionnent les fous de Dieu
de toutes les religions. Notre besoin de transcendance est réel, mais l'idée
d'humanité est au moins aussi valable que la croyance en un Dieu, quel qu'il
soit.
Fahrenheit 451
Nous méritons mieux que de vivre dans la dystopie imaginée
par le romancier Ray Bradburry qui a publié en 1953 un roman d'anticipation
intitulé Fahrenheit 451 qui raconte l'histoire d'une société
futuriste, où la lecture et le savoir mettent en péril le pouvoir en phase. Une
unité spéciale de pompiers est chargée de brûler tous les livres afin de
maintenir la population sous le joug d'un gouvernement totalitaire. La forme la
plus achevée de résistance c'est l'apparition d'humain-livre. Chaque humain
apprend un livre par cœur et il devient ce livre pour assurer la pérennité de
la connaissance. Un film en a été fait en 1966 réalisé par le grand
réalisateur français François Truffaut. Ce film est une apologie de la liberté
d'expression et de communication des hommes contre le totalitarisme des États
qui veulent contrôler la diffusion des connaissances.
Dans toute société dictatoriale, le contrôle des
connaissances est une façon de contrôler les humains et leurs consciences. Pour
vous en convaincre, je vous recommande fortement de lire le récit
autobiographique de la journaliste aujourd'hui française, mais iranienne de
naissance, Abnousse Shalmani intitulé : Khomeiny, Sade et moi
publié chez Grasset en 2014. Un récit plutôt joyeux, mais aussi dramatique
d'une petite fille iranienne qui émigre en France et qui se révolte contre les
gardiens de la révolution qu'elle appelle les corbeaux afin de trouver la
liberté. Après la lecture de son récit, vous ne pourrez plus jamais voir le
voile et la burka comme autre chose qu'une prison pour les femmes. Je ne veux
pas lancer le débat sur cette question, mais je vous invite à lire ce très beau
récit sur la liberté et la liberté d'expression
Combattre l'ignorance...
Tout cela pour vous écrire que brûler des livres c'est Non.
Refuser la connaissance et céder à l'ignorance rampante c'est Non aussi.
Combattre pour la liberté d'expression, pour la diffusion des idées et pour la
multiplication des débats c'est le seul moyen pour renouer un tant soit peu
avec notre humanité que je souhaite transcendante. Notre humanité c'est ce
qu'il a plus grand que nous. Nous devons cultiver l'humanité en nous contre
toutes ces violences abrutissantes. Nous devons être les pompiers de l'espoir
pour combattre les pyromanes fous...