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Les pyromanes fous!

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 21 février 2024

La brutalité des images et la folie des uns et des autres rendent banales les pires exactions. Que nous songions à la folie indicible de Benyamin Netanyahou et de ses comparses israéliens d'extrême droite qui sont à finir un véritable génocide en Palestine ou encore à l'intimidation dans nos écoles, il y a de quoi nous décourager de notre humanité. J'en conviens.

Quoi de plus surréaliste que cette nouvelle tuerie de masse à Kansas City lors des célébrations de l'équipe locale, les Chiefs de Kansas City, pour leur victoire au dernier Superbowl ? Une autre tuerie de masse aux États-Unis. Les folies et les pitreries de Donald Trump ne peuvent réussir à nous distraire de ce triste spectacle. Il y a aussi ces féminicides à répétition chez nous au Québec. Ce qu'il y a de plus regrettable dans ces faits d'actualité de la dernière semaine c'est que nous nous habituons à ces drames, à ces images de violence qui meublent notre quotidien. Le déroulé de l'actualité nous a habitués à bien des violences, mais il y en a une qui a particulièrement retenu mon attention ces dernières semaines c'est cette hurluberlue qui avec un lance-flamme a brûlé des livres. Ça, c'est Non. Je refuse de m'habituer à vivre dans un monde où l'on refuse la connaissance. C'est ma ligne à moi tracée dans le désert. Nous ne pouvons accepter que l'on brûle des livres. Rappelons les faits.

Les flammes du Missouri

Imaginez, il y a quelques semaines, le 6 février dernier, la candidate républicaine au poste de secrétaire d'État au Missouri, Valentina Gomez, a brûlé au lance-flammes un exemplaire du livre intitulé Naked, traduction anglaise de Tout nu !, un livre québécois jeunesse traitant de questions liées à la sexualité. Ce livre qui est une sorte de dictionnaire sur la sexualité s'adresse aux jeunes et aux adolescents. Ce livre écrit par Myriam Daguzan Bernier et illustré par Cécile Gariépy a remporté nous dit La Presse+ le prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal en 2020. On peut bien y voir la folie américaine trumpisme et nous dire que ces choses là n'arrivent que chez nos voisins du Sud, mais nous aurions tort. Dans un registre différent, mais tout aussi dommageable, la bibliothèque publique juive de Montréal, comme le rapporte le chroniqueur de La Presse+ Marc Cassivi, venait de mettre à l'index le livre d'Élise Gravel Une patate à vélo et une trentaine d'autres livres parce que son autrice dénonce régulièrement sur les réseaux sociaux la situation dans la bande de Gaza et la mort de milliers d'enfants palestiniens. On accuse l'autrice dans certains milieux d'antisémitisme parce qu'elle dénonce la folie meurtrière en Palestine. C'est préoccupant d'assister à de tels événements qui se résument à : loin de mes yeux ce que je ne veux pas voir. C'est le retour de la censure. Une censure de la pire espèce celle de la violence ordinaire contre les idées contenues dans des livres. Heureusement, un sursaut de lucidité et une opinion publique indignée à amener la Bibliothèque juive à se raviser.

Pendant ce temps à notre garderie nationale...

Heureusement qu'à notre garderie nationale, les députés que nous avons élus ont adopté unanimement une résolution pour dénoncer ces pratiques. La résolution adoptée se lit comme suit : « Que l'Assemblée nationale réitère son adhésion à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression et à la libre circulation des idées. » Présentée par le député solidaire, Sol Zanetti, cette résolution vient redonner un peu de dignité à nos élus qui se sont lancés ces dernières semaines à une campagne nationale de lançage de bouettes. Commentant l'adoption de cette résolution, Sol Zanetti, a affirmé qu'il trouvait important de réitérer le consensus québécois contre cette dérive conservatrice qu'on voit aux États-Unis et qui risque de se répandre chez nous comme semble le démontrer la décision stupide de la Bibliothèque publique juive de Montréal au sujet des livres d'Élise Gravel. Je ne pourrais être plus en accord avec les propos tenus par Sol Zanetti : « Ceux qui ont brûlé des livres dans l'histoire ont fait énormément de mal et de morts. Ce ne sont pas des symboles à prendre à la légère des livres c'est fait pour allumer des débats, pas des feux. »

Brûler des livres c'est une violence qui confirme le triomphe de l'ignorance et de la bêtise. Paraphrasant Albert Camus, je peux écrire que la pire des actions des humains ne doit pas nous faire oublier notre humanité. C'est la seule chose qui compte vraiment dans ce monde, notre humanité. Sans elle, nous ne sommes que des bêtes, des êtres vivants brutaux et destructeurs. Je sais que certains jours sont difficiles pour notre humanité. La multiplication des drames et des violences peut nous la faire oublier, mais à tout prendre je crois que notre humanité mérite bien les mêmes contorsions que celles que nous pouvons consentir à celle que cautionnent les fous de Dieu de toutes les religions. Notre besoin de transcendance est réel, mais l'idée d'humanité est au moins aussi valable que la croyance en un Dieu, quel qu'il soit.

Fahrenheit 451

Nous méritons mieux que de vivre dans la dystopie imaginée par le romancier Ray Bradburry qui a publié en 1953 un roman d'anticipation intitulé Fahrenheit 451 qui raconte l'histoire d'une société futuriste, où la lecture et le savoir mettent en péril le pouvoir en phase. Une unité spéciale de pompiers est chargée de brûler tous les livres afin de maintenir la population sous le joug d'un gouvernement totalitaire. La forme la plus achevée de résistance c'est l'apparition d'humain-livre. Chaque humain apprend un livre par cœur et il devient ce livre pour assurer la pérennité de la connaissance. Un film en a été fait en 1966 réalisé par le grand réalisateur français François Truffaut. Ce film est une apologie de la liberté d'expression et de communication des hommes contre le totalitarisme des États qui veulent contrôler la diffusion des connaissances.

Dans toute société dictatoriale, le contrôle des connaissances est une façon de contrôler les humains et leurs consciences. Pour vous en convaincre, je vous recommande fortement de lire le récit autobiographique de la journaliste aujourd'hui française, mais iranienne de naissance, Abnousse Shalmani intitulé : Khomeiny, Sade et moi publié chez Grasset en 2014. Un récit plutôt joyeux, mais aussi dramatique d'une petite fille iranienne qui émigre en France et qui se révolte contre les gardiens de la révolution qu'elle appelle les corbeaux afin de trouver la liberté. Après la lecture de son récit, vous ne pourrez plus jamais voir le voile et la burka comme autre chose qu'une prison pour les femmes. Je ne veux pas lancer le débat sur cette question, mais je vous invite à lire ce très beau récit sur la liberté et la liberté d'expression

Combattre l'ignorance...

Tout cela pour vous écrire que brûler des livres c'est Non. Refuser la connaissance et céder à l'ignorance rampante c'est Non aussi. Combattre pour la liberté d'expression, pour la diffusion des idées et pour la multiplication des débats c'est le seul moyen pour renouer un tant soit peu avec notre humanité que je souhaite transcendante. Notre humanité c'est ce qu'il a plus grand que nous. Nous devons cultiver l'humanité en nous contre toutes ces violences abrutissantes. Nous devons être les pompiers de l'espoir pour combattre les pyromanes fous...


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