Céline
Dion chante : « donne-moi des mots qui sonnent, des mots qui
résonnent! »
Les mots
sont porteurs d'émotions, positives ou négatives. Ils peuvent beaucoup!
Les mots
sont aussi très utiles pour camoufler des choses. Pour enlever une culpabilité
liée à une situation ou pour justifier notre inaction.
Il y a
quelques années, avec des étudiants au MBA avec qui j'avais à interagir, je
citais un de mes amis spécialisé en gestion des ressources humaines par rapport
au fait d'abolir des postes en entreprise : « Aucun gestionnaire ne
devrait rester insensible au congédiement d'un ou de plusieurs employés. Il
faut que ce soit la dernière option. C'est un immense choc pour les gens
touchés. Si un gestionnaire est insensible à ça, méfie-toi, il est dangereux! »
Après
avoir réfléchi à la citation pendant quelques minutes, un des candidats au MBA,
déjà gestionnaire d'entreprise, intervient : « Wo! Attends un peu,
là! Je ne vois pas pourquoi je serais affecté si l'entreprise est en phase
consolidation et qu'une rationalisation des ressources techniques et humaines devenait
nécessaire pour la sauvegarde du modèle d'affaires et ultimement, de sa
pérennité! Faut pas charrier! »
D'autres
candidats sont aussi intervenus pour contrebalancer les propos. Mon objectif
était atteint : le sujet était sur la table.
Consolidation
et rationalisation. Voilà bien deux mots qui peuvent servir à eux seuls à
justifier des gestes autrement discutables.
À ce
jour il m'arrive encore de me demander si ce gestionnaire est dangereux
aujourd'hui!
Raisonnable
et lucide : deux mots qui semblent très en vogue
Depuis le
manifeste signé, entre autres, par Lucien Bouchard en 2005 et qui s'intitulait
« Pour un Québec lucide », le mot est très utilisé, il me semble. Être
lucide peut être une qualité, mais tout est l'utilisation qu'on en fait.
Par
exemple, les effets des changements nous coincent de plus en plus. Presque tout
le monde, même si c'est par souci de rectitude politique et sans trop y croire,
se dit préoccupé par la question.
Mais
entre le fait d'être préoccupé et celui d'être prêt à passer à l'action, il y a
une marge importante. On veut bien que nos gouvernements passent à
l'action, mais aucune de ces actions ne devrait modifier l'actuel portrait
économique et, surtout, notre modèle de vie personnel!
C'est là
que le mot lucide, surtout si on l'utilise avec le mot raisonnable, prend une
valeur énorme! À eux seuls, ils viennent cautionner ou dédouaner les gens qui
se sentent un peu bousculés par la situation environnementale alors que leurs
propos vont vers la croissance infinie du modèle de consommation actuel.
La belle
affaire!
« Je
ne suis pas insensible au fait que notre environnement soit en changement. Mais
il faut demeurer raisonnable et lucide dans ce qu'on fait! »
La magie
de cette phrase, c'est que c'est la personne qui la prononce qui décide
unilatéralement de ce qui est raisonnable et lucide.
En
résumé, un allongement de mots récités avec juste un peu trop de calme dans la
voix (vous savez, quand le ton devient paternaliste et infantilisant?) est
suffisant pour se positionner en bon citoyen en théorie, mais en apôtre de
l'inertie des actions dans les faits.
Des
mots, des mots, des mots...
Ça en
prend, des mots bien placés pour dédouaner les pays participants aux grands
rendez-vous mondiaux sur l'environnement, le climat et la biodiversité !
Des mots
qui cachent de moins en moins un jupon qui dépasse. Ce jupon, c'est, entre
autres, la puissance des lobbys qui fera en sorte qu'aucun gouvernement ne
bougera vraiment.
Il n'y a
qu'à voir comment on réagit face à la catastrophe de la Fonderie Horne, qui émet
100 nanogrammes (ng) d'arsenic
par mètre cube (m³) d'air en moyenne par année en Abitibi. Le gouvernement québécois tarde à
imposer à la fonderie de n'émettre que 15 ng par m³ d'ici 5 ans. L'affaire, c'est que la norme acceptable,
selon le même gouvernement, est de 3 ng par m³! Malgré les milliards de dollars de profits engrangés
par la fonderie, on ne veut pas bousculer le modèle d'affaires!
« Oui,
mais c'est des jobs! »
Oui,
mais c'est des morts...
L'utilisation
des mots lucide et raisonnable me semblerait insultante ici.
Les mots
ne suffisent pas toujours à tout camoufler, me dis-je avec un brin d'espoir...
Clin
d'œil de la semaine
Concernant
la chaîne d'alimentation Métro: "Les 5 dirigeants se sont partagé un montant de 3,7 millions $ en primes annuelles, une
progression de 13,7 % par rapport à l'an dernier. Pour sa part, le président et
chef de la direction, Éric La Flèche, a obtenu une rémunération totale de 5,4
millions, ce qui représente une augmentation de 6,8 %.*
Fiou ! Ces gens ne perdent pas leur pouvoir d'achat et pourront
continuer de se nourrir convenablement...
*Source : ledevoir.com