L'actualité politique nous a habitués ces dernières années à
tous les excès. Le débat surréaliste en ce moment sur l'implantation d'une
usine de Northvolt à Saint-Basile-le-Grand en est une illustration
convaincante. Comme l'a un jour écrit mon auteur fétiche Albert Camus, « mal
nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde. » Ces jours-ci la
classe politique et la plupart des commentateurs politiques font notre malheur
dans les débats sur Northvolt, Hydro-Québec et le projet de loi 69.
Incursions furtives dans des débats mal engagés.
Le contexte
Le Québec, avec son riche potentiel hydro-électrique et son
engagement envers la transition énergétique, se trouve à un carrefour crucial où
les choix politiques et économiques pourraient redéfinir son rôle sur la scène
mondiale. Le projet de loi 69, qui vise à favoriser le développement de
nos ressources hydro-électriques et le projet de la filière batterie, s'accompagnent
de débats nourris sur l'avenir d'Hydro-Québec et sur l'à-propos de
l'investissement du gouvernement Legault dans l'implantation de Northvolt en
Montérégie. Les défis financiers rencontrés par Northvolt, un acteur majeur
dans la production de batteries électriques, viennent ajouter à la confusion.
Rationaliser notre développement
hydro-électrique
Le projet de loi 69
constitue un pas important pour le Québec pour rationaliser et ordonner le
développement et les capacités de son réseau hydro-électrique tout en cherchant
à en faire un atout dans ses efforts pour décarboner l'économie québécoise. Le
gouvernement Legault veut aussi se servir de cette production
d'hydro-électricité accrue pour favoriser le développement économique du
Québec. D'où un projet comme Northvolt et les débats sur le danger qu'Hydro-Québec
devienne un Dollarama de l'électricité selon les mots de l'ex-PDG
d'Hydro-Québec, Sophie Brochu. Pourtant, il serait plus sage de ne pas nous
emmêler dans nos pinceaux.
Adopter le projet de loi 69, accroître nos capacités
hydro-électriques et faire de cette énergie renouvelable propre sont des
éléments d'un même puzzle. Ils sont des éléments distincts d'une stratégie de
développement économique encore à écrire et à débattre entre nous Québécois. Il
y a place au débat. Par exemple, les verts foncés veulent une décroissance de
l'économie et souhaitent une rupture avec le capitalisme. Ils militent pour une
économie circulaire et pour une société qui réduit ses besoins de consommation.
La petite musique derrière ces discours pour sauver la planète signifie moins
d'automobiles individuelles, plus de transport en commun et une réduction
significative du niveau de vie auquel nous sommes habitués.
Dans un autre camp, fortement opposé aux verts foncés, on
retrouve les adeptes du développement durable avec une forte croissance
économique. Les adeptes de l'écoblanchiment et de la pensée magique qui croient
que nous pouvons combattre les effets du réchauffement de la planète sans
effort. C'est parmi ces gens que l'on retrouve celles et ceux qui ne croient
que du bout des lèvres à la crise climatique où l'on recrute les adeptes d'un
réseau routier toujours plus étendu.
La vérité relative, l'équilibre que nous devrions encourager,
se situe entre ces deux positions. Plus de transport en commun, moins d'autos
individuelles, une plus grande densification douce dans nos villes et une
réduction de notre rythme de consommation. C'est à ce débat que devra nous convier
le projet de loi 69.
Le projet de loi 69
Le projet de loi 69,
présentement à l'étude à l'Assemblée nationale, a pour objectif d'accélérer le
développement de nos ressources hydro-électriques en recalibrant les relations
entre Hydro-Québec et les différents acteurs économiques et sociaux. Je suis
d'avis que le gouvernement du Québec aurait tout avantage à profiter de
l'adoption de ce projet de loi pour susciter un vaste débat de société sur
l'avenir économique du Québec en marge de sa production d'énergies
renouvelables afin de contribuer à décarboner notre économie. Ce débat
permettrait de mieux baliser les discussions sur la hausse des tarifs, les
besoins des entreprises en matière d'électricité et nos relations avec les
peuples autochtones qui sont des partenaires essentiels au développement de la
richesse que constitue notre énergie hydro-électrique.
Par ailleurs, Hydro-Québec est partie intégrante de notre
patrimoine de fierté collective. Il va de soi que nous pouvons débattre de son
avenir et de son rôle dans notre volonté de contrer les effets délétères des
changements climatiques et de poursuivre le développement économique, social et
culturel de la nation québécoise. En l'absence de véritables débats, l'adoption
du projet de loi 69 risque de passer à l'histoire comme une formidable
occasion manquée de mobiliser le Québec derrière son principal atout pour son
avenir.
La filière batterie
La filière batterie est, de l'avis du gouvernement Legault,
cruciale dans le contexte de la transition énergétique et de la lutte contre
les changements climatiques. Cela est en partie vrai. La filière batterie est
en effet au cœur des technologies vertes, notamment pour les véhicules électriques,
le stockage d'énergie et les applications renouvelables. En soutenant cette
initiative, le gouvernement québécois espère attirer des investissements, créer
des emplois et favoriser l'innovation. Il y a des résultats concrets qui
émergent du déploiement de cette stratégie.
Toutefois, cette ambition doit être analysée à la lumière
des défis économiques globaux qui pèsent sur ce secteur et des résultats
concrets que nous pouvons analyser dans nos premiers balbutiements de mise en
œuvre de cette vision de développement économique. Le soutien du gouvernement
Legault à l'implantation de Northvolt, fondée en Suède, est un exemple
emblématique de cette nouvelle politique. Le moins que l'on puisse dire c'est
que cela augure mal pour la crédibilité de cette vision de développement
économique portée par le gouvernement Legault.
Les difficultés financières de
Northvolt
Les défis rencontrés par Northvolt soulignent les risques
inhérents au développement d'une industrie aussi intensive en capital que celle
des batteries. Malgré une forte demande mondiale pour les véhicules électriques
et les solutions de stockage d'énergie, Northvolt a dû faire face à des coûts
de production élevés et à des retards dans la construction de son usine. Cette
situation pose des questions sur la viabilité économique à long terme de la
filière batterie, non seulement pour Northvolt, mais également pour ses
partenaires et ses fournisseurs, y compris Hydro-Québec.
Le soutien financier aux entreprises comme Northvolt est un
élément clé des stratégies gouvernementales visant à stimuler la transition
verte. Cependant, les échecs d'entreprises comme celle-ci peuvent également
engendrer des conséquences négatives pour l'ensemble du secteur. Si des
entreprises de ce calibre rencontrent de telles difficultés, cela peut nuire à
la confiance des investisseurs dans la filière batterie au Québec et au-delà. Les
débats qui ont cours au Québec sur le sujet font la démonstration éloquente que
cela nuit à l'idée même d'une transition énergétique vers l'électricité. Il
faut s'assurer qu'Hydro-Québec n'est pas emportée dans un tourbillon de
négativisme sur ses capacités futures d'augmenter considérablement sa
production hydro-électrique. D'autant plus que l'élection probable des
conservateurs de Pierre Poilievre risque de mettre en valeur sa vision de tout
au pétrole et faire ainsi régresser le Québec et le Canada dans sa volonté de
lutter contre les changements climatiques.
Hydro-Québec
Hydro-Québec est un
acteur stratégique au cœur des débats sur le projet de loi 69 et la
filière batterie. Entreprise d'État à la réputation solide, mais qui doit
désormais se positionner devant des enjeux à la fois économiques et
environnementaux. Pendant des décennies, Hydro-Québec a joué un rôle
fondamental dans le développement énergétique de la province, mais la nécessité
de s'adapter aux nouvelles réalités du marché de l'énergie et aux attentes
croissantes en matière de durabilité crée des pressions croissantes.
Hydro-Québec, armée de ses ressources hydro-électriques, a la
capacité d'alimenter l'industrie pour décarboner le Québec et pour favoriser le
développement économique dans une stratégie « en même temps. » L'idée d'une
filière-batterie est de faire, selon les mots du premier ministre Legault, du
Québec la batterie de l'Amérique du Nord, cela n'est pas une mauvaise idée en
soi. Elle vaut bien les promesses de l'ancienne cheffe libérale Dominique
Anglade sur une filière-hydrogène. Par l'adoption d'une stratégie « en même
temps » par Hydro-Québec : on peut envisager de développer la capacité
hydro-électrique du Québec par diverses sources (solaires, éoliennes, barrages),
la décarbonation de l'économie, l'électrification des transports et le soutien
au développement économique. Cette posture est celle à laquelle nous devons
nous attendre de la part d'Hydro-Québec. Cela pourrait non seulement renforcer
son rôle dans l'économie québécoise, mais aussi positionner la province comme
un pôle de production durable. Toutefois, l'enjeu est de savoir si Hydro-Québec
saura évoluer pour répondre aux besoins d'un marché énergétique mondial en
mutation rapide.
Le pouvoir et le vouloir de nos
ambitions
La question centrale qui émerge de ces débats est celle de
la taille et de la capacité du Québec à s'imposer dans un contexte économique mondial
où les grands acteurs dominent. À première vue, le Québec peut sembler être une
nation trop petite pour rivaliser avec des pays comme la Chine ou les
États-Unis, qui détiennent une part de marché significative dans la production
de technologies clés, notamment dans le secteur des batteries. Cependant, le
Québec possède des atouts indéniables qui pourraient contrecarrer cette
argumentation.
Premièrement, le Québec dispose d'une richesse en ressources
naturelles et, en particulier, d'une capacité hydro-électrique abondante. Cela
constitue une base solide pour développer une économie verte, notamment dans le
secteur des batteries, où une source d'énergie renouvelable et bon marché est
primordiale. Deuxièmement, le Québec bénéficie d'un savoir-faire technologique
et d'une expertise en matière de recherche et développement, renforcé par des
institutions académiques de renom et un écosystème d'innovation dynamique. De
plus, l'engagement du gouvernement québécois envers la transition énergétique
et le soutien aux initiatives écologiques peut également jouer un rôle clé dans
l'attraction d'investissements étrangers, limitant ainsi les effets de la
taille du marché. En se positionnant clairement comme un leader dans le secteur
des batteries et en promouvant la durabilité, le Québec peut renforcer son
image sur la scène internationale.
Le projet de loi 69, les défis financiers
de Northvolt constituent des éléments clés d'un moment crucial dans notre
réflexion collective sur l'avenir d'Hydro-Québec et le rôle du Québec dans l'industrie
énergétique mondiale. Le chemin à parcourir est semé d'embûches, mais avec une
vision claire et un engagement collectif, le Québec peut aspirer à un avenir
lumineux et durable dans le monde des grandes nations. Alors je vous pose la
question : Le
Québec est-il trop petit pour jouer dans la cour des grands ?