Donald Trump occupe tout l'espace média. Aux États-Unis, au
Canada et ailleurs dans le monde. Nous pensons qu'il noie le monde de ses
élucubrations. Je suis d'avis que Trump n'est pas un météore libre qui fait
n'importe quoi. C'est un homme politique volontaire décidé à agir pour imposer
au monde sa vision et ses politiques. Fort de la puissance américaine, il veut
faire de ses volontés la nouvelle réalité de notre monde. C'est ce qui explique
que nos discours rationnels sur les besoins de l'économie américaine de nos
produits canadiens sont vains. Trump a un autre ordre du jour qui ne coïncide
pas avec le logiciel maître du monde occidental. Tentons de tirer cela au
clair.
Le contexte
Depuis l'annonce de Trump concernant sa volonté d'imposer
des tarifs de 25 % au Canada et au Mexique sur tous les biens et services
franchissant la frontière américaine et du taux de 10 % pour la Chine et
les produits pétroliers et gaziers du Canada, on cherche à comprendre pourquoi
ce président s'attaque à ses voisins et à ses principaux partenaires. Le
prétexte évoqué, c'est le fentanyl et les migrants illégaux. Faux prétextes
pour le Canada. Il n'y a pas d'immigration clandestine provenant du Canada (l'inverse
est vrai, rappelez-vous le chemin Roxam) et seulement 0,5 % des saisies de
fentanyl sont en provenance du Canada. Il ne faut pas croire que le Canada est
plus blanc que blanc, mais son contrôle de sa frontière n'est pas aussi laxiste
que veulent bien le prétendre et Trump et les nationalistes québécois qui
continuent d'avoir peur à la submersion démographique en lien avec leur grand
projet de faire du Québec un pays. Il est amusant de constater que pour Trump
et pour Paul St-Pierre Plamondon, le bellâtre-chef du PQ, c'est le même combat
contre Trudeau et les wokes... Parfois, en politique, les protagonistes partagent
leur lit avec de bien curieuses personnes. Personne ne semble trouver à-propos
de mentionner que la sécurité de la frontière intérieure américaine incombe au
pays en question. Pourquoi le Canada doit-il aujourd'hui payer pour la sécurité
de la frontière américaine ?
En fait, Trump joue le chef d'orchestre qui bat la mesure et
nous parvenons difficilement à en comprendre la mélodie. Que cachent les coups
de gueule de Trump ? Que veut-il obtenir de nous ? Notre eau, notre pétrole,
nos minéraux de terres rares et stratégiques ? Je crois que la réponse à ces
questions est simple : Trump est protectionniste et il ne l'est pas pour
des raisons obscures. Il est convaincu que la force de l'empire américain
permet à ce pays de vivre en autarcie et de redéfinir l'ordre mondial en
fonction de ce nouveau logiciel. La fin de la libéralisation des marchés et des
traités multilatéraux. Dans le monde de Trump, on négocie un à un et il doit
trouver le profit pour son pays et ses amis.
Le libre-échange et
le protectionnisme
Le libre-échange est un principe économique soutenu par les
théories classiques d'Adam Smith et de David Ricardo. Smith, dans La richesse
des nations (1776), soutenait que la division du travail et la spécialisation
des nations permettaient de maximiser les bénéfices pour tous. Ricardo, quant à
lui, a approfondi l'idée de l'avantage comparatif, suggérant que chaque pays
devait se concentrer sur les biens qu'il produisait le plus efficacement et
échanger ces biens avec d'autres pays. Cette approche a formé la base de la
mondialisation économique du 20e siècle.
Depuis plusieurs décennies, la dynamique entre le
protectionnisme et le libre-échange a évolué, influençant les politiques
économiques mondiales. Le libre-échange, basé sur l'idée que la libre
circulation des biens et des services entre les nations stimule la croissance
économique, s'est imposé au 20e siècle comme un principe dominant. Après
la Seconde Guerre mondiale, les accords du GATT (Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce) en 1947, puis l'Organisation mondiale du commerce
(OMC) en 1995 ont renforcé le système de libre-échange mondial. Les économies
occidentales, en particulier, ont adopté ces principes, cherchant à ouvrir les
marchés et à favoriser l'intégration des économies. Cependant, au cours des
dernières années, un retour au protectionnisme a émergé dans plusieurs pays,
alimenté par des préoccupations sur les inégalités économiques, la
délocalisation de la production et la souveraineté nationale.
Cependant, la mondialisation et le libre-échange ont
également généré des critiques. Les délocalisations industrielles, la
désindustrialisation dans certains pays et l'augmentation des inégalités ont
alimenté des sentiments antimondialisation. La crise financière de 2008 a
exacerbé ces sentiments, mettant en évidence les vulnérabilités économiques des
pays interconnectés. C'est dans ce contexte que le protectionnisme a fait son
retour.
Dans les années 2010, plusieurs pays ont amorcé une
politique protectionniste plus marquée. L'élection de Donald Trump en 2016 aux
États-Unis a marqué un tournant avec l'adoption de mesures telles que la sortie
de l'accord de partenariat transpacifique (TPP) et l'imposition de droits de
douane sur les importations chinoises. Trump a justifié ces actions en
soulignant la nécessité de protéger les emplois américains et de réduire les
déficits commerciaux. Cette approche a été perçue comme une réponse aux
déséquilibres commerciaux et à la perte de compétitivité de certains secteurs
industriels américains devant les importations à bas prix.
En Europe, des courants protectionnistes se sont également
fait sentir, bien que de manières plus discrètes. Le Brexit, par exemple, a été
en partie motivé par la volonté de récupérer le contrôle des frontières
commerciales et de réguler les flux d'immigration et de biens. Le discours sur
le protectionnisme a trouvé un écho dans des partis politiques populistes qui
dénoncent les effets négatifs du libre-échange sur les emplois locaux et la
souveraineté nationale. C'est dans cette mouvance idéologique que s'inscrit
Donald Trump. En dépit de l'histoire américaine.
Les traumatismes
américains eu égard au protectionnisme
Trump n'a rien inventé. Il n'est pas le premier à croire que
le protectionnisme et le repli sur soi constituent des voies privilégiées pour
le succès et la prospérité. Trump n'a-t-il pas dit que le plus beau mot du
dictionnaire était tarif ? S'il n'était pas un si grand inculte et qu'il
connaissait l'histoire de son pays, il aurait pu adopter un discours différent
et choisir une autre politique. La preuve en est : le protectionnisme, qui
consiste à adopter des politiques économiques visant à protéger les industries
nationales contre la concurrence étrangère, a joué un rôle significatif dans
l'histoire économique des États-Unis au 20e siècle. Bien que certaines
tentatives de protectionnisme aient été conçues pour soutenir l'économie
américaine, plusieurs de ces expériences ont abouti à des résultats négatifs,
créant des tensions internationales et nuisant à la croissance économique à
long terme.
L'exemple le plus notable des conséquences néfastes du
protectionnisme aux États-Unis au 20e siècle est la Loi Smoot-Hawley de
1930. Cette législation a été adoptée en réponse à la Grande Dépression, alors
que de nombreux secteurs américains cherchaient des moyens de protéger leurs
emplois et leurs industries. Le gouvernement a donc décidé d'augmenter les tarifs
douaniers sur des milliers de produits importés, visant à encourager les
consommateurs à acheter des biens produits aux États-Unis.
Cependant, la Loi Smoot-Hawley a eu des effets dévastateurs
sur l'économie mondiale. En réponse à cette législation, plusieurs pays ont
imposé leurs propres barrières commerciales, entraînant une réduction drastique
des échanges internationaux. Selon certaines estimations, les échanges mondiaux
ont chuté de près de 66 % entre 1929 et 1934. L'effet secondaire immédiat
fut une exacerbation de la Grande Dépression. Les industries agricoles et
manufacturières américaines, qui étaient censées bénéficier de cette
protection, ont en réalité souffert de la réduction de la demande extérieure.
L'isolement économique a entraîné des conséquences à long terme sur la reprise
économique et la politique protectionniste a été largement critiquée comme un
facteur ayant aggravé la crise.
Une autre expérience malheureuse du protectionnisme fut
l'impact des quotas d'immigration dans les années 1920. La loi sur les
quotas d'immigration de 1924 a limité fortement l'immigration en provenance
d'Europe du Sud et de l'Est, des régions où se trouvaient de nombreux
travailleurs qualifiés. Bien que la loi ait été motivée par des préoccupations
économiques et raciales, ses effets négatifs ont été profonds. La restriction
de l'immigration a diminué la main-d'œuvre disponible dans certains secteurs,
ralentissant ainsi la croissance économique dans des domaines comme
l'agriculture et l'industrie manufacturière. En outre, le protectionnisme des
années 1920 a conduit à une réduction de l'innovation et de la diversité
culturelle, des éléments qui ont historiquement été des moteurs clés de la
prospérité américaine.
Enfin, durant la guerre froide, les États-Unis ont adopté
des politiques commerciales protectionnistes dans le but de soutenir certaines
industries stratégiques. Cependant, ces mesures ont souvent créé des
distorsions économiques internes. Par exemple, dans les années 1950 et
1960, le gouvernement a imposé des restrictions sur les importations de
certains produits agricoles pour protéger les producteurs locaux. Mais, cette
stratégie a entraîné des coûts supplémentaires pour les consommateurs américains,
qui ont dû payer plus cher pour des produits parfois de qualité inférieure.
L'aggravation des relations commerciales internationales en conséquence a
également contribué à isoler les États-Unis, retardant la collaboration
internationale nécessaire pour résoudre les défis économiques mondiaux.
La fin de l'histoire...
Le penseur et philosophie italiens Antonio
Gramschi qui s'y connaissait en fasciste a écrit une très belle phrase qui sied
bien à notre époque : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître
et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Ce monstre qui veut effacer
le logiciel de la prospérité, de la solidarité et des échanges commerciaux
c'est Donald Trump. Dans ce monde, il n'y a que de la place pour la nouvelle
moto de Donald Trump : la déglobalisation du monde et la formation d'un
empire américain. Tel est le monde de Trump...