Cette dernière semaine, François Legault nous a fait
connaître ses choix de Sophie. Il a annoncé la formation de son conseil des
ministres. Sans surprise, ce nouveau cabinet ministériel s'inscrit dans l'air
du temps et dans la foulée de la campagne électorale : diversité, zone
paritaire, continuité et ajout de nouvelles figures, le tiers du conseil des
ministres est formé de nouvelles et de nouveaux venus alors que les postes
stratégiques en économie et à la santé demeurent aux mains de la garde
rapprochée du premier ministre Legault. La nouveauté de ce conseil des
ministres tient à la place importante qu'occupe la transition énergétique dans
le discours gouvernemental Legault 2.0 et à la formation d'un comité de
transition énergétique où siègera la cheffe d'Hydro-Québec, madame Sophie
Brochu.
La collision annoncée entre le
super-ministre Pierre Fitzgibbon et madame Brochu sera arbitré par nul autre
que monsieur Legault lui-même. Cela étant, il est amusant de constater dans les
commentaires des experts des attentes démesurées quant à des changements
brusques de direction de la CAQ sur des sujets comme l'immigration, le
nationalisme, le développement économique et la langue française qui sont des
priorités, mais les solutions qui seront avancées par le nouveau gouvernement
ne seront pas celles de ses adversaires politiques. Une élection, ça compte et
la Coalition avenir Québec a gagné l'élection. Réflexions sur les défis du
gouvernement Legault 2.0.
Les priorités de François Legault
Les priorités de François Legault sont bien connues.
Redonner de l'argent dans le portefeuille des Québécoises et des Québécois avec
son bouclier anti-inflation et ses chèques pour Noël de 600 $ et 400 $.
Mesure à court terme qui ne distraira pas le gouvernement de travailler à la
création d'emplois payants et au rétrécissement de notre écart de richesse avec
l'Ontario.
La seconde priorité de monsieur Legault c'est de refonder le
système de santé et de donner de l'amour à notre système d'éducation. Pour
François Legault, l'éducation demeure la priorité. Bernard Drainville est celui
que François Legault a choisi pour poursuivre le travail du ministre Jean-François
Roberge qui, quoi que l'on en dise, a plutôt fait un bon travail comme ministre
de l'Éducation mis à part peut-être l'abolition des commissions scolaires qui
n'a pas été l'idée du siècle et qui a favorisé une plus grande centralisation
du réseau. Bien sûr, le gouvernement semble cocher d'autres cases en nommant
une ministre responsable de la solidarité, de l'habitation et en donnant
l'autonomie complète à Lionel Carmant en le nommant ministre en titre aux services sociaux. Cela
confirme l'orientation centre-droit du gouvernement Legault qui ne souhaite pas
diminuer la place de l'État en cherchant à s'acquitter de sa tâche de venir en
aide aux plus démunis.
La troisième priorité du gouvernement nouvellement réélu est
la langue française et le nationalisme. La nomination d'un souverainiste à un
ministère pot-pourri regroupant la langue française, la laïcité, les
institutions démocratiques et les relations fédérales-provinciales en témoigne.
Jean-François Roberge a un ministère qui pourrait être au cœur de bien des
enjeux au cours des prochains mois et des prochaines années. Il n'en demeure
pas moins que le problème avec ce gouvernement, ce qui fait aussi son succès
auprès de l'électorat, c'est d'être assis entre deux chaises quant au statut du
Québec au sein du Canada. Je ne vous cacherai pas que je préférerais retrouver
un gouvernement qui travaillerait non seulement à faire fonctionner le
fédéralisme canadien comme il l'affirme, mais à le réformer.
Enfin, la quatrième grande priorité du gouvernement de
François Legault est la transition énergétique. Le plaidoyer de François
Legault semble sincère, mais quoi qu'il dise et qu'il fasse, cela ne sera
jamais assez pour les jusqu'au-boutistes écolos. Ceux qui à l'image de Québec
solidaire veulent transformer les citoyennes et les citoyens du Québec en
martyrs de la cause de la lutte aux changements climatiques. Il y a des traces
de notre culture judéo-chrétienne dans cette position. Oui, il faut se
mobiliser contre la lutte aux changements climatiques, moduler progressivement
nos comportements en mobilité et en consommation, mais pas par des ruptures
brutales qui nous ferait perdre la possibilité de mobiliser la population. Il
faut convaincre plutôt que décréter en matière de lutte aux changements
climatiques.
Le nationalisme caquiste... voie
condamnée à l'impuissance ?
La Coalition avenir Québec est nationaliste. Cela se voit dans les
urnes. Ce qui confirme que le nationalisme n'est pas mort au Québec. Le nationalisme est un construit fait
par les contemporains d'une époque. Il est basé sur des caractéristiques
communes comme la langue, les institutions, les traditions, mais surtout sur le
partage d'une trame narrative commune dans laquelle tous les membres de ladite
nation se retrouvent. Ce qui n'est manifestement pas le cas au Québec avec le
discours nationaliste ni avec l'histoire surréaliste postnationale canadienne.
Contrairement à la croyance de certains, le nationalisme n'est pas mort.
Néanmoins, il faut bien comprendre que nous aurons besoin de notre imagination
et de toutes nos capacités de dialogue pour inclure tout le monde dans l'idée d'une
nation québécoise ou canadienne. Chose certaine, ce n'est pas la fin des
nationalismes. Il n'en demeure pas moins qu'il faudra un jour ou l'autre que
cette question se règle. La parodie burlesque de Paul St-Pierre Plamondon sur
le serment au roi Charles III est un indice probant du malaise que provoque
notre impuissance à adapter la constitution canadienne.
Je suis d'abord et avant tout Québécois. Ma première
fidélité va à ma patrie le Québec et après je suis Canadien, par choix réfléchi
et lucide. Néanmoins, je ne suis pas un Canadien à tout prix. Je ne veux pas d'un
Canada guerrier, d'un Canada leader des économies sales du pétrole, d'un Canada
de bitcoins, d'un Canada génocidaire envers ses populations autochtones, d'un
Canada qui flétrit nos libertés les plus sacrées au nom des impératifs de
sécurité ou d'un Canada junkie à la monarchie britannique.
Je crois encore à la possibilité d'un autre Canada.
Un Canada qui deviendrait une véritable fédération et où les peuples québécois,
acadiens et les nations autochtones seront reconnus à part entière. Un Canada
qui se ferait un devoir d'être à l'avant-garde des pays d'économie verte et qui
serait l'un des leaders de la paix dans le monde. Un Canada enfin respectueux
de ses institutions et ouvert aux différences des citoyennes et des citoyens
qui se sont joints à nous. Un Canada où se vivrait un véritable fédéralisme. Bref,
un Canada du 21e siècle. La Coalition avenir Québec refuse pour
l'instant de travailler à un tel projet. Ce qui laisse en vie l'hypothèse d'intentions
non déclarées souverainiste.
Que nous réserve l'avenir ?
Le gouvernement Legault 2.0 a une véritable
chance de transformer le Québec, mais la majorité des fers qui sont déjà au feu
ne pointent pas vers des réformes en profondeur de nos manières de voir et d'agir.
Ce n'est pas que ce gouvernement est incapable de rêver et de nous faire rêver,
c'est plutôt que la conjoncture ne s'y prête pas. Pensons-y, les principaux
défis de ce gouvernement c'est de réparer le système de santé, de s'occuper de
nos infrastructures de routes, d'écoles et d'hôpitaux. Voir au plus pressant
dans nos négligences d'hier. Il faut de surcroît présider à une intense période
d'adaptation aux changements climatiques qui viendront encore plus affecter
notre capacité à rêver et à imaginer un autre monde.
François Legault ne veut pas passer à l'histoire
comme le premier ministre de la pandémie. Il a de plus grandes ambitions pour
le Québec. On peut le comprendre, mais il demeure que dans l'état actuel des
choses le plus grand rêve que l'on puisse avoir pour le Québec c'est de réussir
à sauver les meubles un peu comme le PQ l'a fait au cours de la dernière
campagne électorale. Voir apparaître un nouveau fédéralisme canadien est aussi
un sujet qui ne peut éclore tant et aussi longtemps que notre gouvernement
n'aura pas réussi la plus importante tâche de l'histoire du Québec, le grand
rafistolage...