On l'attendait, le budget. Monsieur Legault était sorti
publiquement, une semaine avant, pour dire qu'il serait déficitaire et que
c'était en grande partie à cause des contrats de travail qu'il venait de signer
avec sa fonction publique.
Bon.
Le ministre Girard, avec le dynamisme d'un escargot
somnolent, a défilé un à un les éléments de son budget.
Malgré un déficit prévu énorme, tout le monde est déçu de ce
budget. Ou presque.
C'est que les enjeux sont immenses.
Et on ne peut pas vivre dans un monde parallèle. L'économie
et la consommation sont les moteurs de nos quotidiens. Tout est centré
là-dessus.
C'est ce qui fait que tous les aspects, tant humains
qu'économiques, sont présentés dans un budget monétaire, par le ministre des
Finances. Il est certainement influencé par ses collègues, mais c'est l'argent
qui finit par avoir le dernier mot.
Je vous propose cette image du lait qu'on met doucement à
réchauffer dans une petite casserole. Le lait devient de plus en plus chaud.
Et, à un moment, l'espace d'un clin d'œil, tout déborde.
Je crains que la température monte plus rapidement qu'on le
voudrait dans la casserole sociale.
Le gouvernement est ouvertement économique dans son
approche. Il a défié les règles environnementales pour donner tout l'espace à
une usine de batteries de voitures. Je m'intéresse à la chose un peu et je lis
que la technologie des batteries est sur le point de changer. Peut-être que
l'idée est bonne, mais c'est risqué quand même.
Je me méfie des sorties massives d'argent pour des projets
venus de nulle part.
Et je me méfie d'un gouvernement qui banalise les 6 millions
de dollars échangés contre deux parties hors concours des Kings de Los Angeles.
Je me méfie parce que le réflexe du ministre des Finances, qui a autorisé ce
projet sur un coin de table, est de se vexer du fait qu'on ramène ça sur le
tapis : « je ne comprends pas que vous me parliez de ça,
s'exclame-t-il. C'est seulement 6 millions sur 115 milliards de dollars! »
Et il ne badine pas. Il ne comprend juste pas que 6 millions, ça fait une
énorme différence dans le réseau communautaire qui devient plus essentiel
chaque mois.
Par le tamis du budget
Tout passe par le budget. C'est comme ça. Tout est
monnayable. Tout est argent. Soit.
Le gouvernement semble exaspéré devant toutes les demandes
adressées. On finit par croire que toutes les organisations qui réclament plus
du gouvernement sont des enfants gâtés qui ne se contentent jamais de ce qu'ils
ont. Penser comme ça, c'est démontrer le degré de déconnexion avec la réalité
quotidienne.
Derrière ces revendications, il y a des milliers de
personnes âgées qui sont inquiètes par rapport au toit qu'ils peuvent avoir et
aux soins qu'ils pourront recevoir. Il y a aussi des milliers de Québécois qui
sont inquiets pour leur capacité à se loger convenablement. Il y a aussi des
milliers de personnes qui vivent un stress financier. Quiconque a fait
l'épicerie dernièrement comprend bien que des milliers de familles peinent à
boucler leur budget.
Et attention, ce ne sont pas des paresseux ou des quêteux.
Ce sont généralement des adultes qui mettent leurs ressources en commun pour
naviguer dans l'univers social qui est le nôtre.
Le ministre des Finances parle d'un budget responsable. Ce
genre de commentaire doit venir des autres, pas de soi-même.
Au-delà des idées de l'un et des opinions de l'autre, il y a
des constats solides. Trop solides.
Parmi eux, le fossé qui s'élargit entre les mieux nantis et
les plus pauvres. La classe dite moyenne n'a plus les moyens de son titre et
glisse vers le bas de façon visiblement irrémédiable.
Et on semble dire qu'avec l'annonce d'une première baisse
des taux d'intérêt au plus tard à l'automne, il se pourrait bien que le prix
des maisons augmente.
La piscine creusée et la Tesla, ça peut être considéré comme
quelque chose que quelqu'un finit par
mériter. On parle d'items non vitaux. Ou s'ils sont vitaux, c'est que la
personne qui le sent comme ça ne se concentre que sur elle-même...
Le loyer, l'habitation, l'accès aux services de santé, la
prise en charge quand la santé mentale dérape, tout ça, ça ne relève pas du
privilège des riches, ni du mérite.
Ce sont des droits minimaux auxquels il faut porter
attention.
Le lait chauffe doucement dans la casserole.
Il faudrait se mettre en tête qu'il est important d'éviter
les débordements qui ne crieront pas gare avant de survenir...
Espérons, pour le bien de tous, qu'on finira par avoir les
moyens de nos problèmes...