Au moment d'écrire ces lignes, je ne sais rien des résultats des élections municipales. Je viens à peine de reculer l'heure pour la rendre normale.
C'est peut-être ce recul horaire qui m'en fait prendre un autre, cette fois-ci, en lien avec l'état de notre démocratie.
Je demeure convaincu que la Commission Charbonneau est salutaire. Elle ne sera peut-être pas porteuse de toutes les solutions souhaitées, mais elle fait comprendre le modèle en place.
La Commission Charbonneau nous fait voir le pire de notre système. Et elle n'a pas fini de dévoiler des trucs, loin de là!
En fin de semaine, et de l'oreille un peu distraite de celui qui conduit son véhicule, j'écoutais les analyses du congrès des Conservateurs de Stephen Harper. Et je me suis mis à mêler les informations reçues à ce moment avec celles qui ont émané de la Commission Charbonneau cette semaine.
Et il y a un lien.
Harper est (et demeure), un des plus grands manipulateurs que j'ai eu l'occasion de voir à l'œuvre. Les entrevues de ses ministres démontrent qu'ils ont le mandat de répéter une ligne dictée par le bureau du Premier ministre. C'est pathétique. Si ces gens-là ont le droit de réfléchir, ils n'ont pas le droit de donner accès au fruit de leur réflexion.
Un ami journaliste en région me racontait les démarches faites pour tenter d'obtenir une réponse à une question simple qui s'adressait à son député, Christian Paradis, concernant le dossier de la tragédie de Lac-Mégantic. « Monsieur Paradis ne commentera pas ça, c'est au ministre de le faire. » Et le ministre est trop occupé. On réfère donc au député qui renvoie la balle au ministre. De guerre lasse, le journaliste abdique. La stratégie de Harper vient de marquer un autre point.
Harper a manipulé le Sénat, lui qui devait l'assainir, voire l'abolir, il a prorogé les sessions parlementaires plus que n'importe qui avant lui, il quitte toujours le pays au moment des grands débats, laissant une note aux répondants : « Répétez ceci tout le temps, ne commentez pas, ne pensez pas, ne débattez pas. Papa reviendra vite, dès que la tempête sera passée.» Oui, je sais, je caricature un brin. Mais l'homme, il me semble, mérite pleinement la caricature.
En fait, le manipulateur en lui a compris ce que les manipulateurs dénoncés par la Commission Charbonneau ont aussi compris : pour manipuler convenablement, il faut garder le contrôle du message et tasser tout le monde autour.
Et c'est ce qu'ils font.
De guerre lasse, les électeurs ont fini par démissionner en bloc. On ne vote plus que dans des proportions ridicules pour quiconque réalise la force d'une démocratie. Un taux de participation de moins de 50% lors des dernières élections municipales.
« De toute façon, de la corruption, il y en a toujours eu et il y en aura toujours! »
Ça se peut... Mais ça ne me suffit pas.
Je vois une lueur d'espoir cette année. Ne serait-ce que dans le nombre des candidats qui se présentent. Plus il y en a, plus ils influencent des gens autour d'eux en lien avec la nécessité de s'occuper de nos affaires. C'est la théorie des ronds dans l'eau. Et un rond dans l'eau n'est pas un coup d'épée dans l'eau, loin de là.
La meilleure façon de forcer Harper à manipuler moins, c'est encore de l'affronter, de le confronter, de pousser ses députés bâillonnés dans leurs derniers retranchements. C'est de s'occuper de la chose publique, de s'informer, de participer aux mouvements collectifs et communautaires qui cherchent à changer les choses par la base.
C'est vrai pour Harper comme c'est vrai pour les autres paliers de gouvernement.
Ce n'est pas une question d'être de droite, de gauche ou du centre, c'est une question de protéger les règles du jeu démocratique.
Le changement de culture politique ne viendra que par l'assiduité que nous mettrons à suivre les débats, y participer et proposer des changements. Pour empêcher un manipulateur de manipuler, la meilleure arme est le fruit des actions du plus grand nombre.
La force du nombre est réelle. Apprenons à lui faire confiance. La confiance envers nos institutions publiques viendra ensuite.
Peu importe les résultats des élections du 3 novembre, c'est notre mandat collectif commence cette semaine.
Clin d'œil de la semaine
J'écoute le discours de Harper devant les siens et je suis mal à l'aise. Ce n'est pas un chef, c'est Messmer à l'œuvre...