Jeudi dernier, le premier ministre du
Québec François Legault était à Sherbrooke pour faire l'annonce de la création
de la zone innovation nommée Sherbrooke quantique. Cela pourrait générer des
investissements de 435 millions de dollars dans les cinq prochaines années
dont 131 millions proviendront du Gouvernement du Québec. Cette nouvelle
longtemps attendue à Sherbrooke vient consacrer la mutation économique de Sherbrooke
qui passe d'une économie à forte intensité de main-d'œuvre héritée du 19e siècle
à une économie à valeur ajoutée et à une ville branchée sur le 21e siècle.
Une grande nouvelle pour Sherbrooke et sa région. Quelques réflexions autour
d'une idée qui date de plus de 40 ans : la restructuration d'une
vieille économie héritée du 20e siècle en une économie à valeur
ajoutée.
La zone innovation
Cette réalisation, il faut le rappeler, est
le résultat de la concertation de six organisations sherbrookoises qui sont les
chefs de file du milieu sherbrookois : la Ville de Sherbrooke, Sherbrooke
Innopole, l'Université de Sherbrooke, le Collège de Sherbrooke, Productique
Québec et le Centre de formation professionnelle 24 juin du Centre de
services scolaires de la région de Sherbrooke. Comme l'ont dit les divers
participants à la conférence de presse de jeudi dernier, cette désignation de
Sherbrooke comme zone d'innovation est le fruit d'un labeur collectif et d'une
mise en commun de nos ressources. Un tel projet doit compter sur l'apport de
chacun, liés les uns avec les autres comme les maillons d'une chaîne. Une zone
d'innovation est une stratégie de développement du savoir et de la science,
mais aussi, comme le rappelle le communiqué de presse de Sherbrooke Innopole,
un lieu de création de milieux de vie et de développement économique et social.
La mairesse de Sherbrooke ne se trompe pas lorsqu'elle déclare : « la zone
d'innovation, c'est une belle opportunité pour Sherbrooke ! Ce sont des emplois
de qualité dans un domaine d'avenir et on veut les intégrer à des milieux de
vie dynamiques et attrayants. » Pour sa part, le recteur de l'Université de
Sherbrooke a déclaré : « le dynamisme des activités de recherche partenariale
de l'Université de Sherbrooke et notamment de son Institut quantique lui permet
de s'engager activement avec ses partenaires pour favoriser le développement
social, culturel et économique. La zone d'innovation représente un magnifique
exemple de l'esprit de concertation qui anime les acteurs de Sherbrooke. »
Esprit de concertation certes, mais aussi,
et surtout une volonté de persistance. La zone d'innovation existe parce
qu'elle a fait l'objet d'un engagement de notre milieu depuis près de 40 ans
à la faveur d'une idée simple : transformer l'économie sherbrookoise en
une économie à valeur ajoutée. Cela prend ses racines en 1987 alors que les
libéraux au pouvoir ont voulu réparer les injustices du gouvernement du Parti
québécois qui dans un sommet socio-économique tenu en 1984 avait refusé tous
les projets liés au développement de ce que l'on avait appelé alors les hautes
technologies. Une histoire qui part de 1987 et qui se termine en 2022 avec
l'annonce de jeudi dernier. Faisons-en le récit.
Un peu d'histoire
1984. Le gouvernement de René Lévesque
tient un sommet socio-économique en Estrie, comme il l'a fait dans plusieurs
autres régions, tous les projets liés à ce que l'on appelait la haute technologie
sont rejetés.
1985. Au profit d'une campagne électorale,
les libéraux sous le leadership d'une nouvelle venue Monique Gagnon-Tremblay
s'engagent à réaliser les projets rejetés par le gouvernement du parti
québécois liés à la restructuration de l'économie de Sherbrooke et de l'Estrie.
1987. Les libéraux tiennent parole dans le
cadre d'une conférence biennale de l'Estrie et donnent l'aval de leur
gouvernement pour les projets liés à la haute technologie parmi lesquels l'un
permet la naissance de Microtec et d'une pléiade de projets de nature
économique. C'est à partir de ce moment que la région de Sherbrooke et de l'Estrie
sera reconnue par le gouvernement du Québec comme l'un des trois pôles
technologiques du Québec avec Montréal et la région de Québec. Une
reconnaissance majeure du gouvernement de Robert Bourassa qui a permis de
sauver plus d'une fois notre Faculté de médecine et des sciences de la santé
ainsi que notre Centre hospitalier universitaire. L'une des grandes réalisations
de la députée-ministre Monique Gagnon-Tremblay.
Malgré cette reconnaissance, la transition
économique de l'Estrie s'est fait attendre. Elle se fait d'ailleurs encore attendre
aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, cette restructuration de l'économie sherbrookoise
et de notre région n'aura jamais été possible sans le leadership de l'Université
de Sherbrooke. Notre joyau régional le plus précieux. C'est d'ailleurs sous le
leadership de cette université et de son recteur d'alors le professeur Bruno-Marie
Béchard Marinier qu'est née l'initiative du pôle universitaire, un outil de
concertation puissant de tous nos centres de recherche et de nos institutions
d'enseignement. L'action énergique de ce pôle universitaire n'a pas tardé à
créer des tensions dynamiques avec la vision du développement économique de
Sherbrooke et de ses responsables. Cela s'est dénoué au profit d'un sommet
économique tenu à l'initiative du maire de l'époque de la Ville de Sherbrooke,
Jean Perrault. C'est dans le cadre de ce sommet économique que tous les
principaux décideurs de notre ville ont décrété que Sherbrooke devait devenir
un pôle d'innovation reconnue à l'échelle internationale.
La naissance de Sherbrooke Innopole
L'un des gestes les plus structurants fut
la refondation de notre structure de développement économique qui est devenu
Innovation et développement économique Sherbrooke. Cet organisme refondé s'est
doté d'une nouvelle direction en la personne de monsieur Pierre Bélanger. Son
premier geste fut de créer une image de marque forte autour de son organisme et
de lui donner un nouveau nom : Sherbrooke Innopole. Il a aussi insufflé
une nouvelle énergie au développement de notre économie en mettant de l'avant
une stratégie de cinq filières clés et en créant une collaboration étroite avec
nos centres de recherche et nos universités. Durant son séjour parmi nous,
Pierre Bélanger a réussi à faire de Sherbrooke un lieu d'innovation reconnu
comme peuvent en témoigner les cahiers Innovation publiés par le
quotidien La Tribune à l'initiative de son regretté rédacteur en chef,
monsieur Maurice Cloutier. Madame Josée Fortin qui avait pris la relève de
monsieur Bélanger a poursuivi dans la même voie et elle a travaillé de concert
avec l'Université de Sherbrooke à développer un projet de zone innovation
quantique à Sherbrooke. C'est ce qu'a annoncé jeudi dernier le premier ministre
du Québec, François Legault. Monsieur Legault, en reconnaissant à Sherbrooke
ses qualités d'innovation en matière de recherche de pointe, la physique
quantique, s'est inscrit dans les traces de l'ex-premier ministre Robert
Bourassa qui fut le premier à reconnaître Sherbrooke et l'Estrie comme l'un des
trois pôles technologiques du Québec.
L'avenir
Nous ne savons pas encore précisément ce
que signifie concrètement cette reconnaissance. Tout est à faire et tout est à
inventer. Chose certaine, jamais Sherbrooke et sa région n'auront été aussi
près de ce vieux projet de restructurer notre économie en une économie à valeur
ajoutée. La mairesse de Sherbrooke, madame Évelyne Beaudin, a bien compris cet
enjeu en déclarant qu'elle voyait dans cet événement « le passage d'une ville
industrielle et manufacturière à une communauté urbaine, intelligente,
technologique et branchée. » Bien sûr, comme d'autres, elle sait que tout est à
faire et elle a reconnu que : « Cette opportunité vient aussi avec
d'importants défis en matière d'aménagements de territoire, d'infrastructures
stratégiques et de logements. »
Vous savez quoi, je suis heureux de réaliser
que les efforts d'hier sont enfin devenus une réalité tangible. Je suis encore
plus heureux de constater qu'une nouvelle génération au pouvoir souhaite
adapter cela aux réalités d'aujourd'hui. C'est rassurant de voir une nouvelle
génération se prévaloir des efforts des générations précédentes et de prendre
acte qu'elle désire revendiquer pleinement l'héritage légué...