« Ça,
ça ne devrait pas être de même! Pas de bon sens pantoute!»
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J'aime
regarder autour. Je me joue souvent la scène dans laquelle plein de personnes
sont assises dans un aréna quelconque et regardent la glace où se déroule un
match. Dans ma scène, l'estrade représente le retrait de l'action. Le paradis
du gérant d'estrade. Popcorn en main, les gérants d'estrade regardent le
jeu sur la glace (la vie quotidienne, en fait) et commentent à tout vent.
Ils
jugent, surtout. Souvent sans connaître.
Sans,
surtout, faire l'effort de comprendre. C'est confortable, la position de gérant
d'estrade!
Ce
n'est pas d'avance, comme disait papa, mais c'est confortable pareil.
Visite
à l'aréna
Samedi
dernier, je me suis retrouvé dans l'aréna. Sur la glace, il n'y avait pas de
match. Juste un très grand nombre d'humains entassés.
J'assistais
à la cérémonie de clôture des jeux du Québec d'hiver 2024 à Sherbrooke.
Une
à une, les délégations des quatre coins du Québec entrent en scène. La glace
est recouverte de panneaux. Ils sont environ 1 250 jeunes athlètes de 12 à
17 ans. Ce sont les athlètes du deuxième bloc de compétition. Le premier bloc,
à peu près équivalent en nombre d'athlètes, participait à la cérémonie
d'ouverture.
Ils
entrent sous les applaudissements dès que l'équipe d'animation nomme leur
région respective. Il y a des frissons dans l'air!
Là
où, dans la scène de mon imaginaire, il y a généralement une joute qu'on prend
plaisir à juger et critiquer, voilà que la joute est remplacée par des jeunes.
Rien
que des jeunes.
Vous
savez, ces jeunes qu'on critique tellement facilement? Ces jeunes prisonniers
de leur anxiété, de leurs écrans, de leur vocabulaire à eux? Oui, oui, ceux-là
mêmes qu'on juge souvent sans comprendre. Ceux-là mêmes à qui on ne prédit pas
un grand avenir... Qui ne veulent donc rien savoir du travail?
Oui,
je sais, vous allez me dire : « ce qu'il y avait sur la glace, c'est
l'élite des jeunes. C'est pas pareil! »
Je
comprends que tout le monde n'a pas nécessairement accès à certains sports, les
coûts étant souvent très élevés. Je ne pas connais le profil socio-économique
de chacune de ces familles. Mais je serais porté à dire qu'il ne faut pas trop
généraliser.
Voilà
bien un autre piège du gérant d'estrade : créer des segments ou des
équipes et développer un argumentaire pour les critiquer, les juger sans
chercher à les comprendre.
Trop
facile, je disais...
Avant
la cérémonie, j'ai eu une brève discussion avec la mairesse de Sherbrooke,
Évelyne Beaudin. Je partageais avec elle que, pour moi, le fait de voir évoluer
ces jeunes me réconciliait avec la vie. Une vie souvent poche. Une vie peuplée de
défis et violences exprimées par des guerres ou une omniprésence de médisances
et insultes. »
Son
message a été éloquent lorsqu'elle s'est adressée aux jeunes des
délégations : « Prenez
aussi votre place dans la culture, dans la musique, dans le cinéma. Prenez
aussi votre place en politique. On vit au Québec plein de problèmes de société
qu'on ne pourra jamais réussir à résoudre sans vous. Vous êtes les seules
personnes à savoir ce que c'est, avoir de 12 à 17 ans en 2024 au Québec. On ne
pourra jamais réussir à surmonter tous les défis qu'on a sans vous. Le Québec a
besoin de vous, continuez à nous épater dans toutes les sphères de la société.»
Vous êtes les seules personnes à savoir
ce que c'est, avoir de 12 à 17 ans en 2024 au Québec.
La phrase m'a marqué.
Essayer de comprendre l'autre plutôt que de
le juger et le rejeter.
C'est bien plus facile de se réfugier en
soi, de protéger nos acquis (grands et petits), de cultiver le sentiment du
« faites de quoi, mais pas dans ma cour! ».
C'est bien plus facile de dire que les
jeunes constituent une génération molle, qui n'obéit qu'à son écran. Qui est
anxieuse et pleine de caprices...
Il me revient cette phrase de Paul Piché,
parlant des jeunes : « ça peut mentir, ça peut cracher, ça peut
voler, au fond ça peut faire, tout ce qu'on leur apprend »
N'oublions pas qu'un gérant d'estrade, ça ne
se remet pas en question, faque les belles phrases, tu sais!
Et si
Et si tout n'était pas sombre? Et si les
écrans étaient pour eux un canal de communication? Comme tous les canaux de
communication, il faut baliser pour eux et avec eux, mais, cela dit, s'entêter
à s'insurger n'est-il pas un peu trop simple?
Surtout, la question qui tue : et si, ce
qui nous échappe n'était pas nécessairement mauvais?
Et si...
La
scène qui joue dans ma tête depuis longtemps a pris forme solidement hier. L'estrade
qui regarde la vie qui se déroule sur la glace.
Et
à un moment, je me suis rappelé que j'étais aussi dans les estrades... À me
demander si je n'étais, au final, qu'un gérant d'estrade?
Auprès
de ces jeunes, 2 500 bénévoles et des centaines de parents m'ont convaincu
que l'aréna n'était pas plein de gérants d'estrade toxiques.
La
médaille de l'espoir semé leur revient de plein droit!
Clin
d'œil de la semaine
Si,
à grands coups d'efforts et d'ingéniosité, on peut tenir une compétition de ski
de fond alors que la neige n'est pas là, eh! bien, on peut penser que si on s'y
met, l'avenir sera meilleur...