Le grand jeu de la politique a perdu, cette semaine, un de ses meilleurs joueurs.
Notez au passage qu'il n'y a aucun mépris de ma part de l'appellation « jeu » et aucun sarcasme dans l'appellation « meilleur joueur ».
Pour moi, la politique est un jeu qui contient sa large part de stratégie. Elle est faite d'étapes devant mener à une victoire. Comme dans tous les jeux, il y a des joueurs honnêtes et il y a des tricheurs. Des gens qui veulent changer les choses et des gens qui ne vivent que pour cette victoire ultime.
Avant la victoire, tout est stratégie, planification, réflexion et promesses. Une fois la victoire acquise, le décor culbute. Les promesses doivent devenir réalisations, les stratégies doivent devenir des faits et les réflexions des actions. Dans les jeux de société, la partie s'arrête quand vous avez gagné. Point. En politique, le jeu recommence au lendemain de la victoire.
Tout cela, Jean Lapierre l'avait compris.
Il avait même décidé de continuer le jeu à sa manière, avec ses règles propres. Il a voulu être un semeur d'images verbales pour favoriser la participation des citoyens au jeu de la politique. Je me répète pour ceux qui me suivent, mais voilà : au grand jeu de la politique, il manque souvent le joueur le plus concerné, le citoyen. Celui-ci se fait aller le pion aux quatre ans, et se rendort après.
Je généralise. Exprès. Pour faire image.
Mais au-delà de Lapierre, il y a la roche.
Celle qui reste toujours près, au fond du soulier du politicien. Cette roche qu'on avait pourtant promis de retirer complètement du soulier. Mais non. Elle s'en va dans un coin, on ne la chasse pas, et elle revient nuire à nos pas, comme ça, quand on ne s'y attend pas.
La roche, c'est ce geste qui vous place en position d'apparence de conflit d'intérêts. Qui laisse croire que la corruption est là, tout près, cachée derrière un rideau que le moindre coup de vent peut déplacer.
La roche, c'est celle que Sam Hamad a dans son soulier. Et dans celui du gouvernement. Et quand quelqu'un voit la roche, voilà que la machine gouvernementale revient à la case stratégie du jeu politique. C'est arrivé un jeudi. Une fois la nouvelle tombée, une fois les preuves de communications incriminantes déposées, les stratèges du gouvernement ont probablement voulu évaluer deux trucs : est-ce que tout ça va s'estomper tout seul, puis, est-ce qu'il y a anguille sous roche ? Le bureau du premier ministre a mis deux jours, presque trois, avant de déclarer sa confiance en Sam Hamad. Fallait bien calculer le risque, j'imagine. Fallait surtout qu'on ne soit pas certain au départ...
Le PM insiste : il a vérifié et le montant de la subvention n'a pas changé après les communications entre Sam Hamad et Marc-Yvan Côté. Ça se peut, mais le problème est avant tout ça. Il est dans le geste posé par Hamad.
Visiblement, il est plus facile de vanter la transparence et la droiture que de l'appliquer. Au-delà des règles d'éthique, il y a la culture de l'éthique. Et elle, elle n'est pas installée.
La suite? On verra.
Quand on promet de laver plus blanc que blanc, il faut mettre en place toutes les actions pour que rien ne vienne nuire à la lessive. Dans l'exercice de mes fonctions, je n'ai pas droit à ce type d'erreur de manque de transparence. Pourquoi certains ministres l'ont-ils? Dans le même exercice de ces mêmes fonctions, je n'ai pas le droit au faux-fuyant utilisé en politique: ce n'est pas si grave. Pourquoi y ont-ils droit?
J'aurais donc aimé entendre Lapierre sur la roche!
Clin de la semaine
Roche et la roche étaient trop apparentées. Roche a changé de nom...