On ne peut
passer à côté. La semaine dernière, on notait le triste anniversaire d'une très
longue année de pandémie. Cela a été souligné par nos gouvernements qui ont
profité de l'occasion pour faire le bilan de leurs actions et surtout, c'est la
moindre des choses, pour commémorer la mémoire de celles et ceux qui en sont
morts. Des milliers de visages anonymes, des destins singuliers qui sont passés
à la trappe de la vie parce que nous les avons lâchement abandonnés à leur
solitude dans des structures bureaucratiques lourdes et inhumaines. Le sort de
nos aînés est une tache indélébile à notre humanité. Notre société a failli à
sa responsabilité première de prendre soin de celles et ceux qui ont bâti le
Québec et le Canada. Des femmes et des hommes qui sont morts dans la solitude
et le déshonneur. C'est la triste histoire de la pandémie et de ses
conséquences que nous avons vécues chez nous au Québec en laissant mourir dans
l'indignité des milliers de femmes et d'hommes qui auraient mérité beaucoup
mieux de nous. Regard sur une crise qui nous déshonore comme société.
Le bilan d'une crise inédite
Chacun peut faire son bilan de la crise pandémique que nous
vivons. La classe politique ne s'en est pas privée ces dernières semaines. Des
partis d'opposition cherchent à peinturer les gouvernements dans le coin en les
accusant d'avoir mal agi ou pas agi. Le cirque de la politique ordinaire
reprend ses représentations. Il ne faut pas être dupe et traiter de cette
question avec une approche plus large que le triste sentier des discours
partisans. D'abord, pour comprendre, laissez faire vos propres recherches et
lisez plutôt celle réalisée par des professionnels dont c'est le métier de
faire des recherches, de mener des enquêtes et de raconter des histoires. Je
vous parle des médias et des journalistes sérieux par exemple, le récit du
talentueux journaliste Alec Castonguay.
Alec Castonguay est chef du bureau politique au magazine L'actualité
et analyste à la radio et à la télévision de Radio-Canada. Il vient de publier
un livre chez Québec Amérique : Le Printemps le plus long. Au cœur des
batailles contre la COVID-19, Montréal, Québec Amérique, 2021, 392 p.
Un livre choc qui nous raconte de l'intérieur l'histoire du Québec qui a vécu
la pire crise sanitaire de son histoire. C'est l'histoire de cette première
vague et de la désolation dans les CHSLD et les RPA où logent nos aînés.
Un mammouth dans nos vies
Dans ce récit, non recommandé aux âmes sensibles, on peut
voir ce qui s'est réellement passé dans les entrailles du gouvernement alors
qu'il cherchait à lutter au mieux contre la progression de la pandémie. On peut
voir tous les dysfonctionnements de notre système de gouvernance, les pannes de
nos systèmes d'alerte, les fausses pistes scientifiques, les luttes de pouvoir,
la tragédie de notre impuissance et de nos incompétences auxquelles s'ajoutent
la lourdeur d'un système de santé mammouth sans contrôle et direction claire.
On peut comprendre aussi grâce aux dizaines d'entrevues menées avec minutie par
Alec Castonguay avec des acteurs clés de ce drame les décisions de confiner
Montréal et le Québec, les hésitations quant à l'obligation de porter un
masque, les coups de force du premier ministre Legault pour faire bouger les
choses. Comme le dit l'éditeur sur la jaquette du livre, « c'est un livre à
suspense qui se lit comme un roman. Sauf que tout est vrai... »
Un lecteur attentif ne peut que conclure trois choses
simples : la première c'est que tous ont fait de leur mieux, la seconde
c'est le degré de centralisation et de bureaucratisation de notre système de
santé était un frein majeur à une intervention efficace, le mammouth dans la
pièce et que nous n'étions pas préparés comme le reste des pays du monde à une
telle crise.
Chercher les coupables
Il est dans la nature humaine en temps de crise de chercher
un coupable, un responsable. D'ailleurs, cela est bien visible dans la
couverture des médias tout au long de cette crise. On a eu les voyageurs de la
semaine de relâche, puis les irresponsables du karaoké, les rassemblements
interdits dans les domiciles, la lenteur du gouvernement Trudeau à fermer les
frontières, les complotistes, les réseaux sociaux et dernièrement les snowbirds
qui vont nous infecter lors de leur retour de Floride par la frontière
terrestre alors qu'ils sont majoritairement vaccinés avec le même produit que
nous le sommes si peu au Québec.
Ces dernières semaines, le discours des commentateurs de la
scène politique et les partis d'opposition met tous ces efforts à convaincre de
faire une commission d'enquête en affirmant que c'est la meilleure façon de
s'améliorer pour la prochaine fois alors qu'il existe une panoplie d'enquête
déjà en cours. Je ne suis pas d'avis que mettre en œuvre une commission
d'enquête sera utile à part pour meubler l'espace politique et faire la joie
des commentateurs de la scène politique. À moins que l'on enquête sur les
vraies choses comme le ferait un BAPE englobant sur une question.
Les vraies questions
Les vraies questions qu'il faut se poser sont les
suivantes : Pourquoi avons-nous choisi un jour de parquer nos vieux dans
des institutions loin de nos vies ? Comment se peut-il que nous ayons cessé de
les voir ? Pourquoi avoir fait la sourde oreille pendant tant d'années aux
multiples rapports, on ne les compte plus tant ils sont nombreux, sur les
conditions de vie inacceptables faites à nos aînés, à ces bâtisseuses et ces
bâtisseurs du Québec moderne ? C'est quoi cette idée d'avoir tout sacrifié à la
poursuite du bonheur dans la consommation et le luxe inutile ? Pourquoi réussir
sa vie est-il devenu synonyme d'être entouré de babioles inutiles et sans
signification ? Pourquoi le dieu argent a-t-il sacré dehors de nos vies toutes
les valeurs humaines et spirituelles ?
Voilà des questions parmi d'autres qui pourraient être
posées dans l'espace public et qui mériteraient une commission d'enquête. La
vraie question est la suivante : À quel moment avons-nous perdu nos âmes
et notre humanité ? Comment et pourquoi ? Voilà des questions essentielles à
nous poser.
Néanmoins, je vous fais un aveu. Je ne suis guère optimiste
quant à notre volonté de nous poser de telles questions et à y trouver des
réponses. J'en ai une preuve irréfutable à proposer à votre réflexion. Les
changements climatiques. Nous savons tous que les conséquences décrites par les
scientifiques des changements climatiques auront des répercussions aussi sinon
plus importantes que celle de la pandémie que nous combattons toujours.
Pourtant, ces jours-ci le projet GNL continue son opération de relations
publiques et notre gouvernement qui se dit guidé par la science est prêt à y
accorder son aval pour l'argent que nous pourrions en récolter. Pensez-vous que
nous avons appris quelque chose de la pandémie ?
Chose certaine, il est clair pour moi que nous devons tout
faire pour que jamais plus nous ne vivions encore un tel moment d'inhumanité jamais
plus le déshonneur....