L'actualité quotidienne nous rappelle constamment que le
Québec s'américanise. Ce phénomène n'a rien avoir avec le concept d'américanité
qu'a popularisé l'historien Yvan Lamonde dans son œuvre avec son collège Gérard
Bouchard et qu'a critiqué le sociologique Joseph Yvon Thériault.
L'américanité
se définit par l'adoption au Québec de modes de vie que l'on attribuait aux Américains,
mais qui en fait était lié à la modernité industrielle, au développement du
capitalisme et plus globalement d'un ordre libéral. L'américanisation est un
concept qui marque l'intégration de la dynamique sociale à celui qui prévaut
chez nos voisins du sud. Réflexion sur la dissolution de l'identité québécoise
dans l'ordre américain.
The City on the Hill
Nul ne peut nier le pouvoir d'attraction de la société
américaine non seulement en Amérique, mais aussi en Europe et partout dans le
monde. Il faut rappeler que cette nation qui se croyait dotée d'une destinée
unique a souvent joué le rôle de phare de liberté dans le monde. Surtout au
lendemain de la Deuxième Guerre mondiale où le rôle libérateur des armées
américaines en Europe dans la bataille contre le nazisme et le fascisme. Il va
de soi que ce pouvoir d'attraction de la société américaine s'est aussi fait
sentir au nord de ses frontières au Québec et au Canada.
Ce n'est pas travestir la réalité d'affirmer que l'identité
canadienne, mis à part le Québec, s'est largement construite sur un
antiaméricanisme primaire à commencer par la création du Canada lui-même qui a
été une réponse des Canadiens de l'époque au danger que représentait les
États-Unis d'Amérique pour les colonies anglaises. Les fondements mêmes de la
constitution canadienne étaient en quelque sorte une réponse du Canada de
l'époque au républicanisme américaine que l'on jugeait empreinte de violence
comme en témoignait la guerre civile ayant cours au sud de la frontière du
Canada actuel. N'empêche que depuis le monde a évolué.
La mondialisation des
échanges économiques, le développement des moyens de communication, les
répercussions de la guerre froide, la multiplication des inégalités et les
crises sociales et politiques sont autant de facteurs qui ont modifié les
perceptions à l'égard des États-Unis d'Amérique et qui l'ont fait dégringoler
de son piédestal. Le Roi de la montagne n'est plus aussi inspirant que jadis.
Il faut dire que le trumpisme a largement accéléré les choses. Ce qui ne
signifie pas que cette perte d'influence des politiques américaines dans le
monde s'est traduit par la perte d'influence de la société américaine elle-même
qui jouit encore d'une large influence partout, mais surtout chez nous au
Québec et au Canada. Les États-Unis sont encore The City on the Hill...
Des exemples qui nous parlent...
Le débat Biden-Trump
Prenons des exemples de ce que nous affirmons dans cette
brève réflexion. La semaine dernière, tous nos médias d'information ont
consacré une large place au débat entre les candidats à la présidence des
États-Unis, le républicain Donald Trump et le démocrate Joseph Biden. Nous
avons assisté à cet événement comme si cela était un événement politique
canadien avec diffusion en direct et traduction pour le public francophone,
table ronde d'experts sans compter les manchettes de l'actualité du lendemain
qui discutait du débat comme nous le faisons pour les nôtres à savoir qui avait
gagné ou perdu, les répercussions sur l'élection à venir, etc. J'abonde dans le
sens de celles et ceux qui affirmeront que les États-Unis d'Amérique sont nos
voisins, qu'ils sont puissants et que les politiques adoptées par ces candidats
peuvent avoir des influences certaines sur notre économie. Cela n'est pas à
discuter, mais des questions se posent : Est-ce notre pays ? Avons-nous à
voter pour l'un ou l'autre de ces candidats ? Les réponses tiennent de
l'évidence. Alors pourquoi ce réflexe de traiter cet événement comme s'il était
nôtre ?
Le coronavirus et Fox
News
Nous sommes aux prises comme tous les pays du monde avec une
grave pandémie. Nos gouvernements font de leur mieux pour aider la population à
traverser ce dur moment. Le gouvernement Trudeau a été exemplaire dans la mise
en œuvre de programmes pour soutenir le revenu des Canadiens alors que les
gouvernements des provinces gèrent au mieux nos systèmes de santé et édictent
des règles de santé publique pour contenir la propagation de ce virus. Cela ne
fait pas l'unanimité. Certains contestent les choix des gouvernements allant
dans certains cas jusqu'à nier l'existence de la dangerosité du virus
responsable de la COVID-19 alors que d'autres n'hésitent pas à crier au complot
d'un pseudo « Deep State » contrôlé
par le multimilliardaire Bill Gates. Ce n'est pas sans conséquence, car cela se
traduit par des gestes d'imprudence et de désobéissance civile mettant en
danger la vie de tous. Les gouvernements ont maille à partir avec ces gens qui
se jugent moins moutons que le reste du groupe qui tentent de sauver nos
libertés et de préserver les assises de nos démocraties.
Pourtant, si l'on cherche à comprendre d'où cela peut venir,
il nous faudrait plutôt que d'accuser les réseaux sociaux qui contribuent, mais
qui ne sont pas la source, jeter notre regard chez nos voisins du sud pour
mener notre enquête. On découvrira alors l'extraordinaire propagateur de ce
discours que nous jugeons majoritairement comme infondé et préjudiciable à
notre intérêt commun, le réseau d'actualité continu Fox News et son général en
chef, le président des États-Unis Donald Trump. Il fallait entendre vendredi
soir dernier tous les commentaires sur ce réseau à la suite de
l'hospitalisation du président Trump atteint du virus venir nier l'utilité du
port du masque, l'utilité des mesures de confinement et surtout comparer ce
virus à une simple grippe. Ce n'étaient pas des quidams qui tenaient ces propos
à l'antenne de Fox News, mais des médecins et des chercheurs réputés.
Tout cela pour défendre le président Trump qui selon eux n'a pas été imprudent
et cavalier, mais plutôt un homme courageux. On ne peut être étonné après de
telles performances que certains d'entre nous croient ces gens plutôt que nos
gouvernements. Aussi, il va de soi que nos opposants locaux à la gestion
actuelle de la crise de la pandémie se réclament de Trump dans leurs
manifestations.
Partout l'américanisation du notre
société se fait sentir...
J'ai donné des exemples liés à nos médias et au coronavirus,
mais cela ne veut pas dire qu'ailleurs on ne sent pas cette américanisation de
notre société. On doit noter l'influence américaine dans nos débats sur le
racisme systémique, dans l'importation chez nous des comportements de la « cancel culture ». Le Québec et le Canada
sont de plus en plus sous l'emprise des débats de la société américaine qui viennent
teinter notre vivre-ensemble. Pourtant, tant le Canada et le Québec sont
distincts de cette société violente et chaotique que sont aujourd'hui les
États-Unis d'Amérique. Ce qui ne nous soustrait pas pour autant de nos obligations
de combattre le racisme systémique contre les peuples autochtones comme le révèle
douloureusement le sort de Joyce Echaquan, une femme atikamekw dans
la trentaine, morte dans le mépris et l'indifférence raciste de gens de chez nous.
Néanmoins, nous devons agir contre l'américanisation du Québec...