Le chansonnier et parolier Yves Duteil a écrit en 1985 cette
magnifique chanson pour rendre hommage à la présence de la langue française en
Amérique : La langue de chez nous.
Chanson dans laquelle il écrivait :
« C'est une langue belle avec
des mots superbes
Qui porte son histoire à travers ses accents
Où l'on sent la musique et le parfum des herbes
Le fromage de chèvre et le pain de froment... » (Yves Duteil, La langue de chez nous, 1985)
Que de beaux mots de cette langue à se rappeler
alors que fait rage chez nous le prélude d'une crise linguistique. Ces
dernières semaines, les chiffres ne mentent pas. La langue française est en
recul à Montréal au détriment de l'anglais. La capitale francophone en Amérique
du Nord est à se déparer de son attribut principal qui en fait le charme et la
singularité. Les gouvernements sont préoccupés. Le gouvernement du Québec
s'apprête, on ne sait pas quand, à légiférer pour renforcer nos lois et
affirmer une fois de plus qu'au Québec la langue française est la langue
nationale. Même le gouvernement libéral de Justin Trudeau se dit aujourd'hui
sensible à ces préoccupations. La ministre responsable, Mélanie Joly, est à
légiférer pour renforcer les langues officielles au pays en reconnaissant le caractère
distinct du Québec en matière linguistique. Réflexions sur l'avenir du français
au Québec et au Canada...
La langue : un enjeu
national
Il faudra le voir
pour le croire. La reconnaissance de la spécificité et du caractère
incontournable du français au Québec est la fondation de la reconnaissance
d'une nation distincte en Amérique du Nord, la nation québécoise française
d'Amérique. Or, il serait étonnant que le gouvernement de Justin Trudeau puisse
poser un geste qui irait dans le sens de la reconnaissance de la société
québécoise au-delà de mots creux. Cela est d'autant vraisemblable que la
jeunesse québécoise ne se sent pas interpellée comme les générations
précédentes par cet enjeu majeur que constitue la langue française. Les sondages
nous l'indiquent, les jeunes Québécoises et Québécois tiennent pour acquis
cette langue française et sont plus volontiers ouverts aux autres langues que
nous l'étions nous les baby-boomers.
Quoi qu'il en soit, la langue est le véhicule
d'une culture, d'une société et d'une façon de vivre. Elle est le principal
véhicule de l'âme québécoise et de son caractère distinct. Reconnaître l'enjeu
de la langue française c'est aussi reconnaître la présence d'une société
distincte au Canada et cela, je doute fortement que le gouvernement de Justin
Trudeau soit capable de renier l'héritage de Pierre Elliott Trudeau malgré les
bonnes volontés de Mélanie Joly.
Le Québec doit montrer la
voie
C'est pourquoi le projet de loi que doit déposer
le ministre de la Justice et responsable de la langue française dans le
gouvernement Legault, Simon Jolin-Barette est fondamental. Il doit être le
navire amiral de la protection de la langue française. De nombreuses questions
se posent à nous devant les menaces qui guettent notre langue. Par exemple, il
est impérieux que l'on assujettisse à la loi 101 les corporations sous
charte fédérale comme les banques et Air Canada. Il faut aussi imposer le
français comme langue de travail. On comprend que dans un monde globalisé
l'usage d'une ou de plusieurs langues sont nécessaires et essentielles, mais
dans la majorité des cas ce n'est pas vrai que l'on doit exiger le bilinguisme
pour occuper un emploi à Montréal. Il faut sensibiliser à nouveau nos
concitoyens anglophones de Montréal sur l'importance de leur adhésion au français
pour nous assurer de la pérennité de la langue de la majorité. Cela signifie
par exemple qu'ils doivent renoncer à grossir les rangs de leurs écoles, leurs collèges
et leurs universités avec des francophones afin d'en assurer l'avenir. Il faut
aussi que l'on soit intraitable dans les dispositions concernant l'affichage.
Au Québec, c'est en français que cela se passe et le mot doit être passé à toutes
et tous.
Les défis qui attendent le gouvernement Legault
sont immenses quant à une nouvelle loi 101 renforcée et adaptée au goût du
jour. Les pressions seront énormes de part et d'autre. La collectivité
anglophone regimbera probablement comme elle l'a fait jadis lors de l'adoption en
1977 de la loi 101par le gouvernement péquiste de René Lévesque. Il ne
faudrait pas que l'on recule, car l'avenir de la nation québécoise française
d'Amérique est en jeu. C'est de notre survie en tant que nation dont il s'agit.
Les contrecoups appréhendés
Bien sûr, cela ne se fera pas sans heurts. Malgré
les apparentes bonnes dispositions du gouvernement fédéral pour affirmer le
fait francophone à Montréal, ailleurs au Québec et au Canada, il ne faut pas
s'attendre à un miracle de la part du gouvernement de la capitale du « traduidu »
selon les mots du poète Gaston Miron. Le concept du « traduidu » signifie, dans le débat sur la qualité de la langue
française au Québec, principalement dans l'espace public que le français
devient une langue dévitalisée, exsangue, réduite à des formes lexicales et
syntaxiques calquées sur celles d'une autre langue. À l'image de ce que vivent
nos compatriotes de la langue française ailleurs au Canada.
Il y aura beaucoup de voix
qui s'élèveront pour s'opposer à toute législation qui voudra renforcer la
présence du français au Québec et surtout à Montréal. On entendra une fois de plus
la voix de ces guerriers des droits et des libertés individuelles rappeler
comment ce petit groupe de francophones est xénophobe, antidémocratique et
allergique à la diversité. Les mêmes voix qui s'opposent ces temps-ci à la loi
sur la laïcité. Une fois de plus, nous serons assimilés à des racistes et que
sais-je encore. Tout cela parce que l'on refuse de reconnaître la présence
d'une nation française en Amérique du Nord. Une nation qui sans avoir le statut
de pays n'en est pas moins une collectivité nationale à part entière. Ce qui
signifie que ce statut lui donne le droit de légiférer dans les sphères qui
fondent son caractère distinct.
La langue française permet de faire société
Cela donne tout son sens aux
paroles d'Yves Duteil qui écrivait : « C'est une langue qui sait se
défendre, elle offre des trésors de richesses infinies, les mots qui nous
manquaient pour pouvoir nous comprendre et la force qu'il faut pour vivre en
harmonie... » C'est là toute la richesse d'un vivre-ensemble en français pour
nous et pour tous ceux que nous avons accueillis. La langue française est le
liant qui nous permet de faire société ensemble. Ce qui justifie que nos
gouvernements doivent légiférer pour en assurer la pérennité.
La langue française au Québec
est notre joyau. Nous devons la protéger dans un écrin blindé aux conjonctures
du moment. Nous devons en faire la promotion et la défendre tous les jours.
Chacun de nous doit en devenir l'ambassadeur. La langue française c'est notre
combat, et le combat de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Il
faut se porter à la défense de la langue belle et dire haut et fort ICI, ON
PARLE FRANÇAIS...