Je me doutais bien que ça arriverait.
La vague était intense, venant de partout. Il fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre. C'est arrivé hier. Mon nom a été mentionné pour relever le défi Ice Bucket Challenge.
Je suis ambivalent depuis le début par rapport à ce concept. Mettons de l'ordre là-dedans.
Je pense d'abord aux gens atteints. Je sais que l'espoir vient, principalement, de deux sources : se sentir compris et appuyé, d'une part, et compter sur la recherche pour dénouer l'impasse dans laquelle on se trouve.
Juste pour ça, me direz-vous, ça vaut la peine. Et je vous donne raison.
Ma réflexion va plus loin.
Dans un pays gouverné par un parti qui a abandonné la recherche fondamentale pour ne favoriser que la recherche appliquée (et encore, en fixant les conditions...), il faut que les organismes communautaires et caritatifs se débrouillent seuls. En clair, la recherche appliquée, c'est celle qui est reliée à un levier économique démontré. Qui va permettre à une compagnie, ultimement, de développer des processus et produits nouveaux. La recherche fondamentale étant à la base moins concrète, elle ne vaut pas la peine qu'on s'y attarde, si on en croit le gouvernement fédéral. Au passage, je souligne que le rayon laser a été « découvert » en recherche fondamentale. Mais bon...
Donc, il faudra se débrouiller. Les gestes de solidarité deviennent importants. J'en suis.
Au final, c'est l'aspect spectaculaire qui me dérange. Lancer publiquement un défi à quelqu'un, c'est aussi lui mettre la pression des pairs qui vérifient sa réaction. Dans mon cas, le défi vient d'un ami qui m'est cher et en qui je reconnais et salue des valeurs fondamentales solides. Et je sais que ces valeurs sont assumées même quand il vente très fort. Je sais aussi qu'il y a, dans l'entourage de cet ami, une personne atteinte de la maladie.
Évidemment, j'ai donné.
Cela m'a permis de savoir que les dons recueillis par SLA Québec serviront à 40% à la recherche et à 60% au soutien des gens atteints. Cela me rassure. Les besoins en ce sens sont énormes.
Tout cela étant, voici d'autres points qui, pour moi, jouent en défaveur du phénomène du seau de glace. D'abord, le phénomène du « best ever » (et le phénomène n'est pas unique au Ice Bucket Challenge!). Il s'agit de relayer une vidéo touchante en l'appuyant de commentaires incitatifs extrêmes : « Meilleure vidéo « ever » sur le sujet. Si vous ne réagissez pas à ça, vous n'êtes pas normaux! » C'est incroyable l'effet inverse que ça crée en moi!
Également, le jeu de la maladie-spectacle. Plus la maladie est exploitée de façon spectaculaire, plus elle est appuyée. Mon côté marketing salue l'initiative virale exceptionnelle du Ice Bucket Challenge. Mon côté citoyen pense automatiquement à toutes celles et ceux qui souffrent d'une maladie qui ne reçoit pas le même effet spectaculaire. Quand les feux de la rampe n'éclairent qu'à un endroit, tout ce qui est autour est résolument dans l'ombre.
Je reconnais, en terminant, que l'effet d'entraînement peut être grisant. Et peut même familiariser certains à l'entraide.
Mon ami François, j'ai relevé la partie essentielle de ton défi. J'ai donné. Reçu en main. Cela dit, je lance le défi suivant en lieu et place du seau de glace :
« Demeurons attentifs aux gens autour de nous. À leurs souffrances surtout. Et soyons généreux. Si les moyens pécuniaires manquent, investir un peu de sous et du temps fera l'affaire amplement. Au-delà de la recherche, il y a l'isolement que provoque une maladie ou un état. Le nombre de maladies est grand. Le mal-être omniprésent. La solitude et l'isolement, bien que peu nommés, en sont, à mes yeux. Le défi consiste à faire des petits ronds d'attention autour de soi. Ils finiront par se toucher auront un effet curatif aussi exponentiel. »
Souhaitant ne pas créer une douche froide non souhaitée...
Clin d'œil de la semaine
- « George Bush a fait le défi Ice Bucket Challenge! »
- « Je veux bien, mais on peut sûrement trouver une bonne raison de le faire quand même! »