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Justin Trudeau : des selfies à l’homme d’État

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Photo : Rien n’est jamais facile avec Donald Trump. - Daniel Nadeau
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 13 juin 2018

Le G7 ou le G6+1 est maintenant chose du passé. Au terme du sommet en fin d'après-midi, on pouvait penser que Justin Trudeau, le premier ministre du Canada et hôte de l'événement, avait gagné son pari d'avoir réalisé un consensus parmi tous ses invités. Cela en dépit des fortes tensions causées par les décisions récentes de l'un d'entre eux en matière de commerce international, le président des États-Unis, Donald Trump.

Rien n'est jamais facile avec Donald Trump. Ses décisions concernant les barrières tarifaires en matière d'aluminium et d'acier; ses déclarations contradictoires sur l'état des négociations du traité de l'ALENA avec le Canada et le Mexique; sa décision de se mettre au ban de la communauté internationale en matière de changements climatiques et finalement sa volonté de jeter l'entente avec l'Iran sur les armements nucléaires sont autant d'irritants majeurs pour celles et ceux qui sont les alliés des États-Unis d'Amérique. Toutes ces décisions sont une menace réelle au maintien de l'ordre international construit en grande partie par les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La décision de Donald Trump de retirer après coup la signature des États-Unis du communiqué commun et ses attaques frontales envers le Canada et son premier ministre Justin Trudeau directement de son avion le menant à Singapour pour son sommet avec Kim Jong un sur la dénucléarisation de la Corée du Nord a ruiné les efforts de tous les participants au dernier sommet du G7. Quelles seront les conséquences pour l'avenir des relations canado-américaines et pour la cohésion des alliés membres des démocraties libérales avancées pour le maintien de l'ordre international hégémonique libéral? Quel avenir pour le G7? Tentative de réponses partielles.

Le G7 et les casseurs

Sur le plan des perceptions, le dernier sommet du G7 qui s'est tenu à La Malbaie dans la région de Charlevoix au Québec est un sans faute du point de vue de la sécurité et des événements violents de manifestants. Il est vrai que plusieurs ont déploré la tentation sécuritaire de l'État en mettant en perspective la proportionnalité du déploiement des mesures de sécurité et des forces de l'ordre en relation avec l'ampleur des manifestations. Ils n'ont pas tort. Néanmoins, les enjeux sécuritaires sont désormais des éléments incontournables de la tenue de tel événement. Il ne s'agit que de penser à tous les attentats terroristes qui jonchent la vie des démocraties occidentales avancées pour s'en convaincre. Il faut dire aussi que les souvenirs pas si lointains du Sommet des Amériques tenu à Québec en avril 2001 avaient laissé des souvenirs indélébiles aux citoyennes et citoyens de la ville de Québec.

Il est vrai que la ligne est mince entre le respect du droit à l'expression de la population et le droit de propriété des citoyennes et des citoyens de la ville de Québec. Néanmoins, le bilan de la dernière fin de semaine où il n'y a eu aucune casse, à peine treize arrestations, aucun manifestant ou policier blessé et aucun dommage à la propriété à part quelques sofas ou futons brûlés, sera très bien accueilli par la très vaste majorité de la population. J'ai entendu dans les reportages télévisés ce dernier weekend des porte-parole d'organismes appelant à la manifestation et à la mobilisation déplorer avec vigueur l'omniprésence des forces policières, contestant ces dépenses inutiles et disant que ces sommes seraient utilisées à meilleur escient pour aider les plus pauvres de nos sociétés. Soit.

Néanmoins, les mêmes reportages télévisés nous ont permis de voir une petite bande de casseurs professionnels qui, sous le futile motif de faire des perturbations, ont ennuyé les forces policières toute la journée de samedi. Pas certain que les forces policières étaient inutiles à voir les actions menées. Enfin, il ne se trouve pas beaucoup de porte-parole des organismes militants pour dénoncer la violence des casseurs. Ils se refusent de le faire invoquant que la violence du capitalisme et des régimes néo-libéraux est beaucoup plus dévastatrice que celle des casseurs. Tant et aussi longtemps que la violence sera présentée par ces organismes militants comme un moyen d'expression légitime, nous devrons apprendre à vivre avec l'obsession sécuritaire des démocraties libérales avancées.

Le casseur président

La véritable casse ne sera pas venue des casseurs habituels, des anarchistes, mais bien de l'un des membres de ce prestigieux aréopage, le président des États-Unis d'Amérique, Donald Trump. Après avoir fait savoir qu'il venait à la rencontre de ses alliés européens, asiatiques et canadiens presque à reculons, il avait indiqué par son média de prédilection, le réseau twitter, qu'il venait pour défendre les travailleurs américains contre les traités commerciaux injustes et contre les pratiques commerciales de ses alliés qui volent littéralement la tirelire américaine. Il se présentait ainsi comme le preux chevalier sur son cheval blanc venant réparer les torts et les injustices causés par les principaux alliés des États-Unis d'Amérique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les mêmes qui ont travaillé de concert avec les États-Unis pour construire l'ordre international libéral. Non satisfait de son effet de toge, il a joué de diversion en demandant que l'on réintègre la Russie au G7 en dépit de l'invasion de la Crimée et des sanctions internationales toujours en vigueur contre ce pays en porte à faux avec les valeurs des démocraties libérales.

Puis, profitant de la réaffirmation par le premier ministre du Canada, Justin Trudeau des positions qu'il a souvent répétées contre les tarifs douaniers imposés au Canada et aux autres pays alliés sur l'acier et l'aluminium, Donald Trump a demandé de retirer la signature de son pays du communiqué commun à la fin du G7 provoquant ainsi une crise diplomatique au sein des démocraties occidentales. Qui plus est, ses porte-parole accusent le premier ministre canadien Justin Trudeau d'affaiblir la position américaine dans ses négociations avec la Corée du Nord. Vraiment, n'en jetez plus la cour est pleine. Donald Trump est le plus grand casseur de l'histoire des sommets du G7.

Et demain?

Faut-il s'inquiéter de ces multiples rebondissements des positions du président américain Donald Trump? Au fond, mon opinion n'a pas changé depuis la semaine dernière alors que j'ai consacré ma chronique à la guerre des voisins amis et alliés. Voici la conclusion que j'écrivais et qui est d'autant plus d'actualité avec les derniers événements :

« L'opinion publique canadienne doit être solidaire derrière son gouvernement sur ce coup-là. Le Canada, plus que jamais, doit resserrer les liens avec ses alliés européens et asiatiques afin de contrer les velléités protectionnistes de notre ami et voisin américain. Il est nécessaire que tous les Canadiens fassent connaître aux Américains que nous sommes toujours leur ami, mais que nous ne pouvons accepter que l'on foule aux pieds les règles élémentaires du commerce international ainsi que le fair-play nécessaire à toute relation d'amitié.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a agi de façon intelligente et responsable dans ses relations avec son voisin américain depuis l'élection de Donald Trump. Le gouvernement libéral a adopté la politique de la modération et de l'entregent malgré les multiples sautes d'humeur et les bifurcations politiques de Donald Trump. Le temps est cependant venu de faire preuve de fermeté et de ne pas hésiter à prendre tous les moyens dans cette guerre entre voisins. Les mesures annoncées hier par Justin Trudeau et sa ministre Chrystia Freeland sont un geste nécessaire pour faire entendre raison à ce mauvais voisin qui a oublié que nous sommes les amis et les alliés des États-Unis d'Amérique. »

Au fond, Donald Trump est en train de transformer Justin Trudeau en grand homme d'État canadien. Ce sera un peu grâce à lui si Justin Trudeau a passé des selfies à l'homme d'État...


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