Parfois, les choses sont présentées de façon tellement réelle qu'on y croit.
Pourtant.
Monsieur a une maison cossue et un chalet pas pire cossu aussi. Son train de vie est cossu. Le portrait est clair : il a réussi. Et on y croit.
Il a réussi son secondaire 5. Il sait écrire, lire et compter. Le portrait est clair : il comprend les enjeux de ce qu'il écrit, lit et compte. Et on y croit.
Pourtant, ceci n'est pas une pipe.
Ceci n'est pas une pipe est le titre d'une toile de René Magritte et représente le dessin parfait (presque une photo) d'une pipe. En dessous, il est écrit : "Ceci n'est pas une pipe". C'est la représentation d'une pipe. On ne peut la bourrer de tabac, l'allumer et fumer un bon coup.
Le taux de chômage est à son plus bas. L'économie roule à fond. La prospérité est de retour. Et on y croit. On ne dit pas que les emplois créés sont précaires et mal payés et que la statistique est due, entre autres, au taux élevé de gens qui prennent leur retraite.
Le nouveau gouvernement, au Fédéral, est pour la protection de l'environnement et souhaite la révision du mode électoral. Nous voilà sur la voie de la progression sociale. Et on y croit. On ne parle pas trop des contradictions évidentes quand vient le temps de dire oui ou non à des projets de pipelines ou qu'on rabroue le comité chargé d'évaluer un nouveau mode de scrutin.
Le gouvernement provincial a sauvé le Québec. Littéralement. Et de façon responsable, nous dit-il. Et on y croit. Mais on vient de donner le sous-sol québécois aux minières. Responsable, disait-on...
On va réinvestir des centaines de millions de dollars (c'est annoncé), en Éducation. On réglera les problèmes de cette façon. Et on y croit.
Mais là, je m'oppose. Je veux qu'on casse d'abord la pipe. Ou l'image de la pipe.
Je crois en cette jeunesse qui pousse. J'y crois très fort. Mais je ne crois pas en un système qui met de plus en plus de côté l'histoire, la philo, la géographie et l'éducation physique. Je m'attends que notre école soit bâtie autour de notre volonté de favoriser le développement de citoyens responsables. Des citoyens qui sauront faire la part des choses. Qui cultiveront la curiosité, qui comprendront comment nos sociétés évoluent, qui se questionneront sur ce qui est le bien personnel et le bien commun, qui comprendront surtout la portée de leurs gestes et actions.
La vie n'est pas qu'un métier. Le savoir-être devrait servir de fondement au savoir-faire.
Ceci n'est pas une pipe.
Si on veut que demain soit plus porteur de sens que les quarante dernières années, il faudra compter sur l'humain, accepter la remise en question et agir. Pas juste faire semblant d'agir en maquillant les vrais gestes sous un discours de langue de bois.
Ceci n'est pas une pipe.
Un exemple
Nous prétendons constituer une société ouverte et inclusive. Pourtant, la majorité des Canadiens croit que 17 % de la population canadienne est musulmane. En fait, c'est 3,2 %. Je viens de vous livrer une manchette transmise sur le Web et dans les médias traditionnels. Il faut fouiller pour savoir que le chiffre de 3,2 % semble dater de 2011 et que ce chiffre est 3 fois plus haut dans les grandes villes.
Mon point ?
Il faut rapidement former nos jeunes à vouloir voir plus loin, à comprendre qu'une photo de la situation n'est pas la situation. Qu'une photo est aussi appelée un cliché. Et des clichés, on en a soupé. Vivement des citoyens plus difficiles à berner. Vivement des citoyens qui considéreront Google et autres moteurs de recherche comme des semeurs de pistes à explorer plutôt que comme des diffuseurs de vérités en capsules jetables...
Clin d'œil de la semaine
Il sera bon, un jour, de constater que ce que le milieu politique disait n'était pas une pipe. Mais peut-être serons-nous morts, mon frère...