Ce que je suis : quatre mots qui, réunis dans le bon ordre, modèlent l'ère dans laquelle on vit. L'air de rien, la réunion de ces mots revêt une fascinante importance. Le « je » est central et le « suis » au sens de « j'ai le droit d'être ce que je suis » est nombrilistement(!) capital.
Quand on insiste sur l'importance du « ce que je suis », on en vient à tasser autrui, c'est-à-dire toute personne qui n'est pas comme nous ou qui ne démontre pas clairement qu'elle accepte totalement « ce que je suis ».
C'est la sempiternelle conséquence de l'évocation tous azimuts de nos droits et de nos libertés personnelles. Des fois, je me dis qu'on a raison de choisir de parler de libertés individuelles plutôt que personnelles tellement nous sommes devenus de petites entités autonomes et centrées sur notre petite personne.
Je pensais à tout ça cette semaine...
Je me suis rappelé une discussion, il y a bien une trentaine d'années, où je faisais le constat que le fait de devenir parent impliquait une bonne dose d'oubli de soi. Un oubli de soi qui avait une forme de noblesse, cela dit! L'oubli de soi qui permet à l'autre de grandir.
À une époque où les blogues occupent beaucoup d'espace, il en existe des dizaines qui mettent en mots la réalité de parents excédés, harassés, devenus presque violents verbalement lorsqu'ils parlent de leur quotidien. De leur épouvantable quotidien. Épouvantable au sens (c'est une interprétation toute personnelle) où le « ce que je suis » est mis de côté au profit de « l'élevage » des enfants. Et, qui plus est, d'enfants qui ne manifestent pas quotidiennement leur gratitude totale!
Ce que je suis et l'oubli de soi. Voilà bien deux notions qui ne semblent pas faites pour vivre ensemble.
Je pensais à tout ça cette semaine...
Et entre deux reportages sur les inondations, il se glissait des informations et commentaires sur le grand débat du jour : la laïcité de l'État. Il s'en trouve pour dénoncer le nom, l'appellation, et il s'en trouve aussi pour plaider à peu près tous les aspects de la large question.
Et je revenais toujours à la dualité du « ce que je suis » et « l'oubli de soi ».
Je suis d'avis que la façon dont on s'habille envoie un message. Catherine Dorion aura beau plaider son authenticité quand elle porte sa tuque en Chambre, il n'en demeure pas moins qu'elle envoie un message. Comme celui qui porte un complet. Ou l'autre qui laisse tomber la cravate. C'est aussi vrai dans le sport : les designers des uniformes des équipes de hockey de Boston et de Las Vegas ont bien compris qu'on pouvait envoyer un message à l'autre équipe en portant des couleurs qui envoient une perception d'intimidation. Si je suis un policier qui porte des pantalons de camouflage, j'envoie aussi un message fort aux citoyens.
J'arrive donc très mal à me convaincre que celui ou celle qui porte des vêtements religieux ne désire pas envoyer un message à autrui. Je ne prétends pas que ces personnes sont moins compétentes ou n'ont pas un bon jugement, loin de là. Je dis juste que la façon de s'habiller envoie un message. Le message est clair dans le cas du policier ou de l'infirmière. Mais quel est-il, ce message, quand il est question de religion?
Dans une société où les droits individuels règnent, n'y a-t-il pas un danger que le message que j'envoie en mettant de l'avant « ce que je suis » soit intimidant pour l'autre? Surtout quand j'offre un service public dit laïc?
Je pensais à tout ça cette semaine...
Et je me disais que dans les cas d'autorité et d'enseignement, il est peut-être préférable de faire preuve d'un peu d'oubli de soi pour mieux faire grandir et évoluer l'autre en toute liberté.
Je vous soumets ma réflexion. Qui n'est pas fermée, cloîtrée et exclusive. Elle est dans l'axe de cette chère liberté qui s'arrête là où celle de l'autre commence.
Clin d'œil de la semaine
Difficile d'accepter l'autre. Il n'y a qu'à penser aux engueulades entre les partisans de Canadiens et des Nordiques...