La commotion est réelle. Et elle est dans la tête. D'où la
commotion cérébrale. Mais elle n'est pas dans la tête que physiquement. Elle
est imprimée dans le cerveau. Elle guide nos actions, nos gestes, nos
dépassements.
Cette semaine, j'écoutais André Lamarche de la CSRS.
Celui-ci expliquait l'aspect qui m'apparaît le plus important de cette nouvelle
norme par laquelle les jeunes de 14 ans et moins n'auront plus droit aux
contacts au football scolaire. Cet aspect si important est aussi le plus
simple.
Le journaliste demande : « Est-ce que la norme ne
risque pas d'isoler les jeunes de la CSRS dans la pratique même du
sport? » La réponse, toute simple, mais tellement porteuse :
« On jouera avec ceux qui voudront jouer avec nous, selon nos
normes » (la citation n'en est pas vraiment une, elle est relatée de
mémoire). Tout le message est là. À partir du moment où l'on décide qu'il est
dangereux pour le cerveau de subir des coups en période de croissance, eh,
bien, on s'arrange pour diminuer les risques le plus possible.
J'ai eu à rencontrer André Lamarche il y a quelques années.
Un bonhomme sensé, calme, à l'écoute. Pas du genre à diaboliser une situation. D'où,
aussi, la crédibilité du message qu'il portait au nom de la CSRS.
Les commotions cérébrales...
Ma réflexion se teinte aussi de la grande aventure
olympique. Dans le préambule des cérémonies d'ouverture, on y va fort : il
faut toujours aller plus vite, plus haut, plus loin. Gravir les plus hautes
montagnes, performer toujours plus... Il faut apprivoiser le temps pour ensuite
le battre. Toujours le battre. Toujours être meilleur.
Je veux bien et je comprends bien.
Mais, des fois, je me dis que c'est le sport lui-même qui a
subi une grave commotion cérébrale.
Nous sommes en 2014. Les moyens techniques sont évolués
comme jamais. Les joueurs de la NFL portent des armures. Des alliages de
différentes matières plastiques (et autres)
viennent protéger le gladiateur. Comme ce dernier a aussi redéfini la
notion de gros joueur, bien protégé, il devient une arme offensive. Il y a
quelques années, un joueur de football était grand et très gros à 6'2 et 230
livres. Ajoutez 6 pouces et 125 livres et vous venez de redéfinir le concept.
Les casques sont d'une dureté infernale.
Même chose au hockey.
Les protège-coudes, de nos jours, sont minces et très durs. Un coude, ça se
protège. Oui, mais voilà, dur de même, ça peut blesser l'adversaire aussi.
Des joueurs de football qui meurent à 45 ans, ce n'est pas
rare. Quand on découpe leur
cerveau, juste pour voir, celui-ci est
un fromage suisse. Littéralement.
Le problème n'est pas dans le grand coup qui est porté. Il
est dans la fréquence des coups qui vous brassent le Jell-O et l'endommagent sans possibilité de retour.
Les commotions cérébrales... Toujours plus, plus, plus...
Juste durant le dernier Super Bowl, il a dû y en avoir une dizaine. Dont trois
(il me semble) qui étaient plus évidentes parce que le joueur ne se relevait
pas vraiment tout de suite. Les champions du monde (comme le disent les
Américains, oubliant que la série est unique à leur pays...) pourront regarder
les vidéos du match avec leurs enfants. Ils auront 45 ans et combattront une
maladie dégénérative survenue 40 ans trop tôt.
Vous allez dire que je caricature. Non. Ou si peu...
La solution au fléau
n'est pas simple. Après tout, ce sont des sports d'hommes, comme dirait Claude
Julien. Il faut que tu sortes le gars devant toi, dira l'autre. Le Canadien
n'est pas assez gros, vomit-on sur les lignes ouvertes. Comme bien d'autres
sports, le hockey est plus rapide, les joueurs plus lourds et l'équipement
dangereusement protecteur. De plus, les aspects du jeu sont hyper techniques.
Au hockey comme au football, chaque joueur a son entraîneur. Ou presque. Le jeu
est divisé en courtes séquences où le joueur a une mission précise. Tout cela
augmente la force de frappe de chaque geste.
Un sport d'hommes, je veux bien.
Mais, à 14 ans, ils ne sont pas encore des hommes. À 16 non
plus, à mon avis. Mais bon. Un pas à la fois.
La grande vertu du geste de la CSRS, c'est de mettre dans la
tête des jeunes joueurs que certains effets ne sont pas réversibles. Que c'est
aussi à eux de se responsabiliser. De ne pas accepter, le cas échéant, de
mettre sa santé, volontairement, sur la table et de l'échanger contre quelques
saisons fructueuses.
Peut-être qu'un jour, les dirigeants des sports dangereux se
remettront de cette commotion cérébrale appelée business.
Clin d'œil de la semaine
Plus gros, plus grand, plus technique, mieux équipé. Au
hockey, il n'y a que la glace qui ne grandit pas...