Les mots que l'on prononce où que l'on écrit peuvent être lourds de signification ou tout simplement insignifiants.
Ces derniers jours, nous avons eu droit à de nombreux exemples de surenchère de mots qui viennent une fois de plus nous convaincre de l'intérêt que nous devions avoir pour la bonne utilisation du dosage des mots que nous employons pour exprimer notre pensée. Incursion au royaume du signifié.
La fournée de Jean Marie Le Pen
Le chanteur français Patrick Bruel a dénoncé le virage d'extrême droite de la France qui s'est notamment manifesté lors des élections européennes avec le triomphe des candidats du Front national de Marine Le Pen. Qu'à cela ne tienne, le Président honoraire et ci-devant père de la Marine, Jean-Marie a déclaré en réaction à ces critiques d'artistes à la suite de l'élection européenne : « Pour avoir de belles roses, il est nécessaire de mettre du purin aux pieds. Alors le vieux Bidoche, la vieille Madonna ont participé à l'exercice de façon orale » (sic), s'amuse Jean-Marie Le Pen. Son intervieweuse note alors que cette liste de détracteurs est incomplète, puisqu'elle compte également Patrick Bruel. Ce à quoi Jean-Marie Le Pen répond, goguenard : « On fera une fournée la prochaine fois. »
On retrouve ses propos dans une vidéo sur le web qui n'est plus aujourd'hui disponible où Jean-Marie Le Pen critiquait les interventions de Bedos, Madonna, Yannick Noah et Patrick Bruel. Bruel s'est dit triste pour les six millions de personnes qui ont péri dans la Shoah. N'empêche que cela constitue un bel exemple de la signifiance de mots qui à leur propre face démontrent leur insignifiance. Épisode à oublier...
Lysianne Gagnon et PKP
Au Québec, nous ne sommes pas en reste avec nos cousins français pour démontrer l'insignifiance des mots. Pour cela, on peut compter sur de vaillants journalistes et chroniqueurs tels l'ineffable Lysianne Gagnon qui dans une chronique récente a qualifié Pierre Karl Péladeau de patron d'extrême droite. Pierre Karl Péladeau ne mérite pas d'être affublé d'un tel qualificatif. Madame Gagnon devrait faire un meilleur choix de mots dans ses chroniques, elle qui connaît le poids des mots, il n'en reste pas moins qu'associer PKP à un patron d'extrême droite est une dérive et s'il y a une chose qui est certaine c'est que le futur candidat au leadership du Parti Québécois n'est pas un homme d'extrême droite. Certes, il s'est particulièrement distingué dans sa volonté de mettre à niveau les conventions collectives des employés des imprimeries et salles de rédaction de l'empire Québécor en usant de « lock-out », mais cela ne suffit pas à en faire un homme d'extrême droite même si on prend en compte le contenu de la programmation de Sun News ! Madame Gagnon devrait en prendre note pour l'une de ses prochaines chroniques...
L'extrême droite de Pauline
Décidément, Pauline Marois fait tout pour faire la preuve de son insignifiance politique. Alors que le match pour elle est bel et bien terminé et qu'elle devait tout simplement recevoir les hommages de son parti pour sa longue carrière politique, celle-ci s'est lancée dans un discours paradoxal où elle s'est dite inquiète de la montée de l'extrême droite au Québec. Pauline Marois a déclaré que ce qui déclenche un tel type de phénomène c'est lorsque l'on remet en question les acquis et que l'on met en place des politiques d'austérité. Elle a pris la peine d'ajouter : « Cela m'inquiète quand je vois la façon dont gère, à très courte vue le gouvernement actuel. » Ainsi, Pauline Marois en mauvaise perdante qu'elle est a fait du gouvernement Couillard le prodrome de la montée de l'extrême droite au Québec. Faut le faire! Pourtant, les seules manifestations de germe de situations s'apparentant à une hypothétique montée de l'extrême droite au Québec ont été celles qui se sont pointées dans le cadre du débat mené par le gouvernement de Pauline Marois sur la charte québécoise des valeurs, encore faut-il prendre cela avec un grain de sel. Pour que cela soit clair, la société québécoise est très loin, mais très loin d'une société où l'extrême droite se manifeste. N'en déplaise à Pauline Marois et à ses ouailles.
Quand je vous parle de la signifiance des mots, il faut rappeler que dépasser un certain degré ceux-ci deviennent insignifiants. Pauline Marois a simplement poursuivi son rôle de mauvaise perdante qu'elle traîne avec elle depuis sa défaite mémorable le 7 avril dernier. Elle a même mordu la poussière dans son propre comté de Charlevoix. Après avoir mis beaucoup de temps à céder son poste de première ministre, plus de deux semaines, la voici qui nous lance comme testament politique une analyse sulfureuse sur la montée de l'extrême droite au Québec. Pauvre Pauline, jusqu'à la fin elle aura fait la démonstration de son insignifiance. Dommage moi qui voulais rendre hommage à sa longue carrière politique et au fait qu'elle fut la première femme première ministre du Québec.
Peser ses mots...
Tout cela pour rappeler que les mots que nous utilisons pour parler ou pour écrire ont une signification. C'est par ces divers signifiants et signifiés que notre rapport au monde et notre rapport à l'Autre se construisent. Nous découvrons le monde par les mots des autres et nous nous l'approprions en disant le monde. Les mots ont une signification et c'est notre première tâche que de peser chacun de nos mots pour nous assurer que la signification que nous voulons leur donner soit la bonne et que la compréhension recherchée chez nos interlocuteurs soit la bonne en relation avec ce que nous voulons dire.
Parfois cependant les mots que nous utilisons dépassent notre pensée. Cela arrive souvent lorsqu'en colère on lance une expression que nous regrettons par la suite. C'est dans ces moments que nous sentons le besoin de nous excuser auprès des autres. Quand les mots utilisés dépassent l'entendement comme les exemples que j'ai cités dans ce texte, les excuses ne suffisent plus et nous devons fermer nos écoutes pour ne pas nous laisser corrompre par ces mots maudits qui perdent toute crédibilité et toute signification. En fait, ces dernières semaines, tant en France que chez nous, nous avons assisté à la fête de l'insignifiance pour emprunter le titre du dernier roman de Milan Kundera...