« Je ne veux pas perdre mes Rocheuses! » Vous vous
souvenez de la phrase dite et redite par bien des gens. Et bien d'autres!
C'était au moment du référendum de 1980. Puis à celui de 1995.
Nos Rocheuses. À nous! Celles-là mêmes qui symbolisaient
notre fierté d'être des Canadiens. C'est vrai qu'elles étaient majestueuses en
1980. Et en 1995. Elles le sont toujours, cela dit. Mais notre fierté, elle,
elle est où?
Je pense à tout cela, en écrivant cette chronique, parce que
je vois venir le congé lié à la fête du Canada. Nous entendrons de beaux
discours d'ouverture sur le monde, de respect, d'intégration, de protection de
l'environnement.
Tout cela est juste et bon. En parole. Mais dans les actions,
dans le quotidien des choses, elle se situe où, notre fierté d'être Canadiens?
Est-ce qu'on est encore capables de la justifier? C'est quoi, pour notre
premier ministre, le Canada d'aujourd'hui?
D'abord, une petite mise au point. Si vous me lisez régulièrement,
vous savez que j'entretiens un bémol constant dans l'affirmation du
patriotisme. Je trouve ridicule qu'on chante les hymnes nationaux aux parties
de hockey (surtout lors de cette finale Lightning/Blackhawks, alors qu'on salue
systématiquement un officier de l'armée en plus d'interpréter le chant
patriotique). Pour moi, la manifestation trop grande du patriotisme crée un mur
autour de soi et contribue à créer des clans qu'il n'est pas toujours sain
d'entretenir.
Mais bon. Laissons le patriotisme de côté et revenons à
l'élément de fierté, même si, des fois, ils sont proches parents, ces deux-là!
Je ressentais une certaine fierté à ce que les casques de
nos militaires soient bleus. Certains diront que c'était moumoune. Moi je crois
que le type d'interventions qu'ils faisaient ressemblait plus à la vision du
Canada pacifique que j'aime entretenir.
Je ressentais aussi une certaine fierté à ce que le Canada
s'inscrive dans la lutte aux changements climatiques. Maintenant, nous sommes
les cancres en la matière. Le Canada auquel je m'identifiais portait ce
flambeau fièrement. Même si les bottines avaient parfois de la misère à suivre
les babines, au moins, je sentais qu'il se passait quelque chose.
Je ressentais aussi une certaine fierté à entendre nos
dirigeants promouvoir les libertés individuelles sur le vaste globe qui s'est
unifié avec la multitude des traités de libre-échange, entre autres. Il me
semble que, quand tu fais des affaires avec quelqu'un et que tu ne laisses pas
tes principes au placard, tu as un certain droit d'exiger une certaine éthique
de tes partenaires commerciaux.
Je ressentais...
C'était hier.
Mon premier ministre embrasse une vision du Canada qui est
autre. Il rêve d'attaques militaires tous azimuts et n'hésite pas à plaider l'urgence
ultime pour débloquer fonds par-dessus fonds.
Mon premier ministre embrasse la vision de l'aveugle quand
il est question d'environnement. Il nie les faits, ce qui justifie qu'il ne
fasse rien. Il n'a pas hésité, il y a quelques années, à faire renverser un
projet de loi qu'avait réussi à faire adopter Jack Layton et qui fixait des
objectifs clairs en matière d'environnement. Il a fait ça comment? En se
servant du Sénat à majorité conservatrice. Il réussit même à coller des
arcs-en-ciel et des licornes de couleur dans le cahier de charge des sables
bitumineux.
Mon premier ministre embrasse une vision bien à lui des
droits de la personne. Il rêve d'un Canda sécuritaire (où chacun serait armé,
question de sécurité) et ne veut rien savoir de faire pression sur l'Arabie
Saoudite dans le dossier de Raïf Badawi, préférant maintenir ses liens
commerciaux et, surtout, la vente d'armes à ce pays.
Il est devenu difficile d'être fier de l'unifolié. On a
bousculé de grands principes qui nous avaient construits et on est à fabriquer
une nation tournée vers elle-même et qui ne devient, comme bien d'autres, qu'un
amalgame de stratégies qui ne se soucient plus du bien commun. En tous les cas,
pas du bien commun qui devrait être commun à tous...
Mais, au moins, on a encore nos Rocheuses.
Clin d'œil de la semaine
Le congé du 1er juillet est déplaçable.
Faisons ça et ramenons-le quand on aura de quoi fêter...