Ça y est. Au moment où vous lirez cette chronique, nous
aurons une idée du résultat de l'élection à la présidence des États-Unis
d'Amérique. Certes, il est possible que le résultat ne soit pas limpide. Le
comportement de l'imprévisible président Donald Trump à la suite des résultats
de cette élection fait aussi partie de ce que l'on peut lire et entendre depuis
hier. Au fond, que Trump ait gagné ou non hier, le problème des États-Unis demeure
entier. Une puissance du monde occidental, un phare de liberté dans un monde
tourmenté est aujourd'hui en déclin. Comme je l'ai déjà écrit antérieurement
dans cette chronique, Donald Trump n'était pas le problème, mais le révélateur
d'une profonde division au sein de la société américaine. Division sur des
thèmes comme la démocratie, les droits civiques, l'égalité des chances, le système
de santé et l'immigration. Même si le démocrate Joe Biden a remporté
l'élection, la côte à remonter est abrupte pour rétablir la légitimité des
États-Unis dans le monde. Chose certaine, le rôle américain de phare de liberté
dans un monde de chaos semble aujourd'hui chose du passé. Réflexions sur
l'avenir aux États-Unis et de ses répercussions chez nous.
Les États-Unis et le Canada
Le Canada a de liens très étroits avec notre voisin du sud.
Outre l'ampleur de nos échanges économiques, nous partageons l'une des plus
longues frontières au monde. Nous sommes aussi liés par l'histoire et des
valeurs communes. Pas étonnant que dans ces circonstances, l'élection
américaine soit aussi couverte par nos médias même si je trouve parfois que
c'est un peu trop. Il faut quand même se rappeler que les États-Unis est un
pays étranger même s'il nous est familier et que des milliers de Québécois et
de Canadiens le fréquentent régulièrement et possèdent des propriétés.
Les Américains ont même
à l'origine souhaité que le Canada, la Colonie-Britannique, se joigne aux
États-Unis. Le 29 mai 1175, les membres du Congrès américain ont cherché à
rallier les habitants à leur cause contre l'Angleterre en s'adressant à nous
comme « des habitants opprimés ». Un article, l'Article XI des papiers de la
confédération, prévoyait même les conditions de notre admission : « Le Canada, en accédant à cette Confédération et en adoptant les mesures prises par les
États-Unis, sera admis dans l'Union et bénéficiera de tous ses avantages ;
aucune autre colonie n'y sera admise sans l'accord des neuf États. » Il
faut noter que le texte ne fait aucune allusion au caractère français et
catholique d'une partie de la population de la colonie britannique canadienne
de l'époque. (Élise Marienstras, Nous, le peuple. Les origines du
nationalisme américain, coll. : Bibliothèque des Histoires, Paris,
Gallimard, 1988, p. 326).
Cela jette un éclairage particulier sur les relations entre
le Canada et les États-Unis et qui a fait dire à l'un des candidats Joseph
Biden que le Canada ne faisait pas seulement partie de ses alliés, mais il
était membre de la grande famille américaine. Le moins que l'on puisse dire,
c'est que sous la présidence de Donald Trump, le membre de la famille a été ignoré
et humilié plus d'une fois. L'élection de Biden aura pour effet de normaliser
nos rapports avec les États-Unis même si le protectionnisme de Trump trouve
aussi un écho dans les politiques proposées par le Parti démocrate de Biden.
Cela permettra aussi de renouer avec le multilatéralisme qui est pratiqué par
le Canada en matière de politique étrangère. Par ailleurs, la volonté d'une
administration Biden de réintégrer le camp de Paris en matière de lutte aux
changements climatiques donnera aussi un coup de pouce au Canada dans cette
lutte même si cela signera l'arrêt de mort du projet de pipeline Keystone, ce
qui viendra alourdir davantage le sentiment d'aliénation de l'Alberta envers le
Canada central.
Les enjeux de l'élection américaine
Plusieurs enjeux sont à prendre en compte devant le résultat
de cette élection présidentielle. L'un des enjeux majeurs c'est l'avenir de la
démocratie, rien de moins. Nous l'avons vu depuis près de quatre ans, sous
Trump la démocratie n'est pas une valeur mise de l'avant. Donald Trump a rompu
les ponts diplomatiques avec tous ses alliés des démocraties occidentales
préférant faire joue-joue avec les dictateurs de la planète en Amérique latine,
en Europe ou en Asie. Par ailleurs, l'irrespect témoigné sur une base
quotidienne par Donald Trump envers les institutions démocratiques américaines,
les médias et même l'élection sont autant de signaux inquiétants pour les démocrates
de l'Occident. Sans aller jusqu'à affirmer que Donald Trump souhaite établir
une dictature, nous pouvons quand même exprimer des inquiétudes sur
l'importance que revêt aux yeux de Trump la démocratie.
Outre l'enjeu de l'existence de démocraties libérales, on
peut aussi s'inquiéter de la perte de prestige des États-Unis dans le monde et
dans la diplomatie internationale. Pour nous au Canada, ce fait est
d'importance, car une grande partie de notre influence dans le monde est liée à
notre capacité de faire le lien entre les États-Unis et de nombreuses autres
démocraties occidentales. Aujourd'hui, sous Trump, ce rôle n'existe plus. La
perte d'influence américaine s'est aussi traduite par la recrudescence d'États voyous
et par une prolifération de l'armement nucléaire en Asie et au Moyen-Orient.
Enfin, il y a aussi des enjeux liés à la lutte aux
changements climatiques, au combat de la discrimination basée sur
l'appartenance à un sexe, à une race ou à la couleur de la peau. L'enjeu encore
plus grand de la gestion des flux migratoires sur la planète par rapport au
dossier de l'immigration a aussi des conséquences sur le Canada et sur les
autres démocraties occidentales.
Bref, le résultat de l'élection à la présidence américaine
aura des incidences majeures sur la vie quotidienne de toutes les démocraties
occidentales et en particulier pour nous au Canada.
Qui gagnera Biden ou Trump ?
J'écris cette chronique le 31 octobre soit trois jours
avant le jour de l'élection américaine. Je ne connais donc pas les résultats de
l'élection d'hier. Probablement que personne ne les connaît aujourd'hui puisque
le décompte des voix peut-être très long et laborieux. Tout comme celles et ceux
qui s'intéressent à la politique américaine, j'ai vu et consulté les nombreux
sondages qui donnent Biden gagnant. Les mêmes sondages qui donnaient la
victoire à Hillary Clinton en 2016. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que
cette fois les sondeurs ont raison et que Donald Trump sera défait par Joe
Biden. Je crois même que les démocrates auront le contrôle des deux chambres,
soit le Sénat et le Congrès. Pourquoi ai-je acquis cette conviction ? Tout
simplement parce que je crois à l'intelligence de l'électorat américain, nos
voisins et nos amis. Ainsi vont les élections au pays de Trump...