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Éclipse sur les voies ensoleillées promises

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Photo : Site web de Radio-Canada
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 15 janvier 2025

On ne peut prendre une longue pause de l'actualité aujourd'hui. À Paris, place de la République, on danse sur le cadavre d'une figure controversée de la politique française, Jean-Marie Le Pen. Aux États-Unis, le président désigné Donald Trump et son complice Musk n'ont de cesse d'insulter le Canada, son premier ministre et nous les Canadiens. En France, la tambouille de l'adoption d'un budget et la valse des partis paralysent la vie politique française. En Allemagne, au Royaume-Uni, ce n'est guère mieux. Les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient continuent de faire des victimes innocentes. Pendant ce temps, chez nous, la crise politique est à son zénith. Justin Trudeau, à son corps défendant, démissionne de son poste de premier ministre, léguant derrière lui un Parti Libéral en lambeaux et Poilievre piaffe d'impatience de devenir calife à la place du calife pour mettre en place son programme de démantèlement du Canada tel que nous le connaissons. On aurait pu imaginer un pire départ pour commencer la nouvelle année.

Faisons fi de tout ce bruit, de nos motifs d'indignation nombreux pour nous concentrer aujourd'hui sur le bilan du gouvernement de Justin Trudeau depuis son élection en 2015. Ce bilan est beaucoup plus musclé que plusieurs le laissent entendre. Au Canada, l'élection de Justin Trudeau en 2015 a vraiment suscité l'espoir et il a accompli de grands travaux pour améliorer notre pays. Il a aussi un passif lié à la gestion de son conseil des ministres et à son incapacité à prendre des décisions tranchées dans le vif. Justin Trudeau ne passera pas à l'histoire comme le plus grand premier ministre que notre pays ait connu, mais il ne serait pas le pire non plus. D'entrée de jeu, réglons la question de Trudeau, l'homme des déficits.

Trudeau, homme de ruptures avec de vieilles conceptions

La plus grande rupture de Justin Trudeau fut avec cette vieille idée des banquiers que la lutte au déficit était la plus grande tâche politique.

Stephanie Kelton a rédigé un ouvrage fort intéressant sur ce sujet en 2021 intitulé : Le mythe du déficit. Dans son écrit, Stéphanie Kelton fait une analyse critique des discours dominants qui présentent les populations marginalisées comme déficientes, tant sur le plan économique que social. Dans sa thèse, Kelton déconstruit l'idée selon laquelle les groupes minoritaires, en particulier les immigrés, les femmes et les personnes issues des quartiers populaires, seraient responsables de leur propre pauvreté ou de leur propre échec. Elle examine comment cette conception du déficit est utilisée pour justifier les politiques publiques qui excluent et stigmatisent ces populations. Kelton propose que cette logique de déficit empêche de voir les véritables causes structurelles de l'inégalité sociale, notamment les inégalités économiques, la discrimination et le manque d'accès aux ressources. La théorie invite à repenser les politiques d'inclusion et à valoriser les capacités et les ressources des individus au lieu de les définir uniquement par leurs manques. C'est la voie qu'a empruntée le premier ministre Justin Trudeau. Il a popularisé une façon originale d'envisager le déficit d'un État en fonction du pourcentage sur le PIB et surtout de mettre l'accent sur l'importance pour le Canada de venir en aide à sa population, les classes moyennes. Cette rupture n'a jamais été acceptée par le commentariat politique et par bien des politiciens qui se vautrent dans les vieilles idées plutôt que d'embrasser le nouveau monde dans ses changements. Je ne suis pas de ceux qui croient que les déficits sont une engeance. Les dépenses de l'État sont des outils pour améliorer la vie des gens et elles ne sont surtout pas assimilables à un budget personnel ou d'une famille comme le font croire les thuriféraires des banquiers et des comptables.

Cela dit, le parcours politique de Justin Trudeau, premier ministre du Canada depuis 2015, marque une période significative dans l'histoire du pays. Son héritage est important pour notre pays.

Justin Trudeau, fils de l'ancienne figure politique emblématique du Canada, Pierre Elliott Trudeau, a grandi sous les projecteurs de la politique canadienne. Cependant, son chemin vers le pouvoir n'a pas été une simple continuité de l'héritage de son père. Après une carrière dans l'enseignement, le milieu de l'activisme et une première tentative infructueuse en politique, Justin Trudeau a été élu député de Papineau en 2008. C'est en 2013 qu'il est désigné chef du Parti libéral du Canada, après la défaite des libéraux aux élections fédérales de 2011.

Sous sa direction, le Parti libéral a progressivement regagné du terrain face aux conservateurs de Stephen Harper, notamment en misant sur un message axé sur la réconciliation nationale, l'inclusivité et des politiques progressistes. En 2015, Trudeau et les libéraux remportent une victoire écrasante, avec une majorité absolue à la Chambre des communes.

Réformes sociales et économiques

L'un des premiers aspects de l'héritage de Justin Trudeau en tant que premier ministre est sa politique de réformes sociales. En 2015, il a introduit une série de mesures visant à lutter contre les inégalités sociales et économiques. Son gouvernement a lancé une importante révision fiscale, réduisant l'impôt sur le revenu des Canadiens à faible et à moyen revenu, tout en augmentant les impôts pour les plus riches. Cette réforme a été présentée comme un moyen de rééquilibrer les inégalités économiques du pays et d'alléger la pression fiscale sur les classes populaires.

 

Le gouvernement de Trudeau a également mis l'accent sur l'égalité des genres, une priorité pour son administration. Dès le début de son mandat, il a formé un cabinet paritaire, incluant autant de ministres femmes que d'hommes, ce qui était une première pour le Canada. Cette initiative symbolique a été saluée comme un pas en avant vers une meilleure représentation des femmes en politique. En 2018, il a aussi lancé un plan pour réduire l'écart salarial entre les sexes, en faisant de l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale une priorité pour les entreprises publiques et parapubliques.

En matière de lutte contre la pauvreté, le gouvernement de Trudeau a mis en place une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté visant à réduire le nombre de Canadiens vivant dans des situations précaires. Parmi les mesures phares de ce plan figurait l'augmentation de l'allocation canadienne pour enfants (ACE), une prestation fiscale visant à aider les familles à faible revenu. Cette politique a eu des effets notables, notamment en réduisant les taux de pauvreté chez les enfants et en renforçant le filet de sécurité sociale du pays.

Réconciliation avec les Premières Nations

L'un des aspects les plus significatifs de l'héritage de Justin Trudeau est sa tentative de réconcilier le Canada avec ses peuples autochtones. Dès son arrivée au pouvoir, Trudeau a mis de l'avant son engagement à résoudre les questions historiques et contemporaines qui touchent les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Dans son discours inaugural, il a annoncé la fin des politiques des gouvernements précédents en matière de relations avec les peuples autochtones, affirmant : « Le gouvernement libéral sera celui de la réconciliation. »

Il a également adopté une approche pragmatique et de partenariat, en investissant dans des projets de développement et d'infrastructures dans les communautés autochtones. Par exemple, le gouvernement Trudeau a alloué des fonds importants pour améliorer l'accès à l'eau potable, un problème de longue date dans de nombreuses réserves autochtones. Il a aussi mis en place un processus pour enquêter sur les disparitions et sur les meurtres de femmes et de filles autochtones, qui avaient été largement ignorés pendant des années.

Cependant, malgré ces efforts, le gouvernement Trudeau a aussi fait face à des critiques. De nombreuses communautés autochtones estiment que les promesses de réconciliation se heurtent encore à la réalité des problèmes non résolus. Des tensions persistent sur des dossiers comme la gestion des ressources naturelles et les droits fonciers. La crise du logement, la violence envers les femmes et les filles autochtones, ainsi que la question du financement des services de santé et d'éducation restent des défis majeurs pour le gouvernement.

Politique environnementale

Sous la direction de Trudeau, la question environnementale est devenue une priorité, bien que souvent perçue comme une contradiction dans son approche. Dès 2015, il a annoncé un plan ambitieux pour lutter contre les changements climatiques, en réaffirmant l'engagement du Canada à respecter l'Accord de Paris sur le climat. Le gouvernement a mis en place une taxe sur le carbone visant à inciter les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Cependant, son héritage dans le domaine environnemental est également marqué par la controverse. En dépit des initiatives pour réduire les émissions de carbone, Trudeau a également soutenu des projets de pipelines, comme le pipeline Trans Mountain, un projet d'expansion qui a soulevé des protestations et des tensions avec les communautés autochtones et les militants écologistes. Cette incohérence entre les engagements climatiques et les projets d'infrastructure de combustibles fossiles a terni son image auprès de certains segments de la population, notamment les jeunes militants pour le climat.

Politique étrangère et position internationale

Sur le plan international, Justin Trudeau a cherché à positionner le Canada comme un acteur mondial progressiste et engagé, à la fois en matière de droits de la personne, de développement international et de diplomatie. Il a pris des mesures pour renforcer les relations avec les alliés traditionnels du Canada, notamment en réaffirmant son soutien à l'OTAN et en travaillant à des accords commerciaux, comme l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), qui a remplacé l'ALENA.

L'un des autres aspects de sa politique étrangère a été son approche multilatérale et humanitaire, en particulier concernant les réfugiés. En 2015, son gouvernement a mis en place un plan ambitieux pour accueillir 25 000 réfugiés syriens en réponse à la crise humanitaire au Moyen-Orient, un geste qui a été largement salué, mais qui a aussi suscité des critiques de ceux qui estimaient que le pays devrait d'abord s'occuper de ses propres problèmes internes.

Sur la scène mondiale, Justin Trudeau a essayé de promouvoir le Canada comme un modèle de tolérance, d'ouverture et de diplomatie, un contraste avec la politique plus isolationniste de son prédécesseur, Stephen Harper.

Défis et critiques

L'héritage de Trudeau, bien qu'ambitieux, n'est pas sans critiques et sans défis. Les scandales, comme celui de SNC-Lavalin, qui a touché son gouvernement en 2019, ont nui à son image de leader incorruptible. Le scandale a porté atteinte à sa réputation de champion de la transparence et de la lutte contre la corruption, avec des accusations d'ingérence politique dans une affaire judiciaire. Cette affaire a mis en lumière des tensions entre la politique et la justice au sein du gouvernement, un aspect de son mandat qui a été vivement critiqué par l'opposition et certains membres de son propre parti.

En outre, sa gestion de la COVID-19, bien que marquée par des mesures de soutien économique et des politiques sanitaires, a également fait l'objet de critiques concernant la lenteur de la distribution des vaccins et la gestion des restrictions. Les critiques ont également porté sur l'approvisionnement en matériel médical et l'impact financier de la pandémie sur certains secteurs.

Mais ses dernières manœuvres concernant sa ministre des Finances Chrystia Freeland, son rabais de taxe improvisé sur la TPS et son projet de faire des chèques de 250 $ à tous les Canadiens l'auront emporté. Il a dû démissionner à la suite du départ fracassant de Chrystia Freeland et aux divisions dans son parti autour de son leadership. Il laisse en héritage un parti en lambeaux et sert le pays sur un plateau d'argent au chef conservateur, Poilievre.

En conclusion, l'héritage de Justin Trudeau est mi-figue, mi-raisin. Ses efforts en matière de réconciliation avec les peuples autochtones, ses politiques fiscales progressistes, son engagement pour l'égalité des genres et son approche diplomatique sur la scène internationale constituent des aspects clés de son héritage. Cependant, ses décisions controversées, ses incohérences en matière de politique environnementale et les scandales qui ont émaillé son mandat ont également terni son image. Son legs global dépendra en grande partie de la suite des événements. Chose certaine, nous assisterons pour un temps à une éclipse temporaire ou permanente des voies ensoleillées promises en 2015... 

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