Une vieille expression qui me ramène à mon enfance. Pas directement chez moi, puisque mes parents ne l'utilisaient pas directement.
D'abord, dans mon cas, une vieille expression, ça date d'il y a peut-être 45/50 ans. Disons que l'autorité parentale ne s'exprimait pas de la même façon qu'aujourd'hui. C'est un constat, pas un jugement de valeur. Une fois bien choqués, les adultes en arrivaient à cette phrase, assez souvent. « M'as te montrer à vivre, mon p'tit gars! »
Le savoir-vivre en société.
Dans un contexte de deuxième vague de dénonciations d'abus de pouvoir (tant sexuels que relationnels) via les médias sociaux, tout me ramène au savoir-vivre en privé...et en société.
J'avoue que de constater une telle déferlante de commentaires et d'accusations me remue passablement.
Mon premier constat : il faut déboulonner la notion de pouvoir d'une personne sur une autre. Quand on est celle ou celui qui ouvre la porte d'accès à une carrière qui soulève autant la passion que le rêve, la possibilité de se sentir investi d'un pouvoir sur l'autre est grande. La seule notion d'avoir un pouvoir sur un autre est dangereuse. Les normes du travail quant aux critères de congédiement sont nées d'abus successifs. Prétendre que les abus de ce pouvoir n'existent pas serait de l'aveuglement volontaire.
Qu'on soit en position d'ouvrir ou non une porte professionnelle pour autrui, qu'on soit en couple, qu'on soit en party, le simple fait d'agir comme si on pouvait contrôler l'autre est malsain. Et devient rapidement toxique.
L'abus (sexuel ou autre) est une manifestation de pouvoir sur l'autre. Le racisme aussi.
Malsain et toxique.
Les dénonciations pleuvent. Les têtes roulent. Les questionnements se multiplient.
Et c'est un sujet glissant. Parce que passionné. Parce que souvent sur fond de frustration. Parce que souvent vengeur.
Vengeur au sens où les médias sociaux, lorsqu'utilisés de mauvaise foi, peuvent procurer une forme de pouvoir équivalente ou supérieure à celle qu'on veut dénoncer.
Frustration au sens où l'accès à la justice, dans les cas d'abus ne laissant pas de traces physiques, est contraignant pour le plaignant, et ce, même si les choses se sont améliorées beaucoup.
Passionné parce que le mutisme dans lequel se terre la victime un abus de pouvoir se transforme en une énergie qui, lorsqu'elle peut finalement s'exprimer, provoque un élan de passion libératrice.
Et glissant parce que le simple fait d'exprimer un questionnement peut m'amener, comme signataire de ce papier, directement à la potence populaire!
Même si la vie en société ne se modifie pas à coups de dénonciations, il reste que celles-ci sont nécessaires pour que les esprits s'ouvrent. Pour que l'évolution s'enclenche.
Mais bien qu'essentielles à l'éveil des consciences, les dénonciations demeurent difficiles à conjuguer avec les principes fondamentaux de justice tels qu'on les accepte : la présomption d'innocence et le rôle d'un juge-arbitre dans la détermination d'une sentence.
Ramener ça à soi...
La première réflexion qui est à notre portée est celle qui nous ramène directement à nous. À nos agissements. À nos comportements. Au cours d'une vie, je crois que nous sommes toutes et tous coupables d'un fait qui nous a mis en position de pouvoir sur un autre. La réflexion envers soi est là pour installer des réflexes qui viendront nous faire éviter les blagues racistes, les blagues blessantes, les commentaires déplacés. Ensuite, il nous faut regarder nos comportements. Se demander si moi-même, je ne suis pas toxique pour autrui.
C'est demandant! Mais essentiel...
...et aux systèmes en place
Cette réflexion sur nous-mêmes doit aussi se transposer au niveau des organisations où on oeuvre professionnellement. Est-ce que l'organisation où je travaille au quotidien entretient des habitudes qui sont toxiques? Et comment puis-je faire, à mon niveau, pour influencer le réalignement à faire, si c'est le cas?
Une justice réparatrice.
Dénoncer, mais viser la réparation. Sortir du mutisme propre à une victime pour emprunter une route plus sereine. Pas juste contrattaquer pour se venger. Des organismes communautaires peuvent être aidants dans une démarche libératrice. Ils peuvent guider les actions, les encadrer dans une démarche personnelle réfléchie et constructive pour la victime.
Des organismes de justice réparatrice existent de plus en plus au Québec. S'intéresser à ces organismes est aussi une façon de mettre en lumière sa propre situation et de commencer à construire un chemin plus sain et moins toxique.
Ne pas dénoncer ne sera jamais une solution. Juste dénoncer n'est pas suffisant. Et la façon de le faire mérite réflexion.
« M'as te montrer à vivre! » n'est pas suffisant.
La réparation de ce qui est brisé est vitale...
Clin d'œil de la semaine
« Non, ma belle, tu n'es pas obligée! Tu as toujours le choix! Tu peux aussi ne pas avancer dans ton rêve! »
Ouch...