Jeudi soir dernier, je suis convaincu, nous n'étions pas
nombreux à regarder sur CPAC (174 sur le câble Vidéotron) le débat des
principaux chefs politiques impliqués dans la campagne électorale qui culminera
le 19 octobre prochain par le choix des Canadiennes et des Canadiens.
Ce qui est le plus amusant c'est que ce débat, que peu de
personnes ont vu, sera peut-être l'un des deux débats qui seront organisés par
les médias pour permettre aux électeurs de faire un choix éclairé le jour de
l'élection venue.
La question des débats prend la couleur de notre époque. À
l'ère de la segmentation des auditoires et de la pratique ouverte par les
partis politiques du « wedge politic » ainsi que de la
spectacularisation des médias, nous avons les campagnes électorales que l'on
mérite.
Le débat qui a eu lieu jeudi soir dernier n'était pas
inintéressant. Ce débat organisé par le magazine Maclean's et brillamment animé
par le journaliste Paul Wells a permis des échanges vigoureux entre les
différents chefs présents. On peut même qualifier ce débat de « débat de
substance » même si on a été loin d'épuiser tous les sujets d'intérêts
pour l'avenir du Canada.
Retour sur un débat orphelin d'intérêt de la part de la
population canadienne...
Qui a
gagné?
La question que tous posent à l'issue d'un débat de chefs
politiques est : « Qui a gagné le débat? » Invariablement, la
réponse à cette question de la plupart des commentateurs avisés est personne ou
match nul. Au lendemain d'un débat, les « spins doctors » de chaque
organisation investiront beaucoup d'efforts et de commentaires pour dire que
c'est leur chef qui a gagné. Ce que l'on appelle le débat sur le débat.
En ce qui me concerne, j'opine que c'est le premier ministre
du Canada et chef du Parti conservateur, Stephen Harper, qui a gagné ce premier
débat. Loin de moi l'idée de me faire le propagandiste des idées répugnantes de
droite de ce premier ministre qui représente un véritable gâchis politique pour
notre pays. Bien au contraire.
Néanmoins, alors que les thèmes du débat comme l'économie,
l'environnement et la gouvernance défavorisaient grandement Stephen Harper, il
n'a jamais été mis en danger de K.O. par ses adversaires. Sur le plan de la
sécurité internationale, Stephen Harper a mieux tiré son épingle du jeu même si
les positions de son gouvernement sont fragiles pour quelqu'un qui aurait le
charisme de rappeler les glorieuses années de Lester B. Pearson en matière de
politique étrangère. Mais nous n'en sommes plus là et aucun chef en présence
n'a le charisme d'un Pierre Elliott Trudeau version 1968 alors que la
Trudeaumanie faisait maints adeptes au Canada.
Les
belligérants
Les belligérants en présence étaient : Stephen Harper,
chef du Parti conservateur et premier ministre sortant, Thomas Mulcair, chef du
NPD et chef de l'opposition officielle, Justin Trudeau, chef du Parti libéral
du Canada et Élizabeth May, chef du Parti vert.
Harper :
le gagnant!
En toute objectivité, il faut reconnaître que Stephen Harper
nous a servi « more of the same » de brillante manière. Il a su
garder le cap sur les recettes éprouvées qui lui a permis de gagner une
majorité au Canada lors de la dernière élection. C'est lui le grand gagnant de
la soirée.
Mulcair, le premier
prétendant
Tom Mulcair (Tom en anglais et Thomas en français!) a très
bien fait lui aussi. Il est apparu comme une option, une alternative pour le
poste de premier ministre, mais malheureusement il a paru bien souvent sur le
pilote automatique. On n'a pas senti chez lui d'étincelles pouvant provoquer
l'émotion ou l'engouement dans la population canadienne. Son discours
social-démocrate ne tient pas toujours la route avec ses différentes prises de
position dans les différents dossiers. Son point le plus faible c'est de ne pas
présenter aux Canadiens de véritables alternatives pour sortir de la crise
constitutionnelle larvée dans laquelle le Canada est plongé depuis le
rapatriement unilatéral de la constitution en 1982.
Il peut bien discourir sur sa proposition d'abolir le Sénat,
mais cela n'est pas possible sans les provinces et sans rouvrir des discussions
constitutionnelles sur la place du Québec dans le Canada. Trudeau père a
verrouillé l'avenir du Canada en 1982 et l'a condamné à faire du surplace. Ce
n'est pas la déclaration de Sherbrooke qui reconnaît que le Québec est libre de
son destin qui va faire avancer le Québec dans la question de son statut au
sein du Canada. Outre ce problème insoluble, Tom Mulcair semble avoir de la
difficulté à se défaire de l'accusation de ses adversaires de tenir un double
discours politique : l'un en anglais, l'autre en français. Beaucoup de
boulot pour Thomas en perspective pour devenir premier ministre du Canada...
Trudeau, le
boxeur
Le jour du débat, l'organisation libérale avait laissé
filtrer des photos de Trudeau avec des gants de boxe. Cela était prémonitoire
de sa performance au débat. Agressif, loquace et répartie à l'esprit vif,
Justin Trudeau a offert une performance bien meilleure que celle que nous
pouvions nous attendre. D'ailleurs, il est beaucoup plus à l'aise en anglais
qu'en français. Trudeau a offert une bonne performance, mais celle-ci a été un
peu ternie par sa déclaration sur le Québec. Que Justin Trudeau ne veuille pas
renier l'esprit de son père cela peut se comprendre, mais qu'il se fasse le
propagandiste de la ligne dure envers le Québec alors que personne ne parle de
cela au Québec pourra le rattraper. S'il est vrai que nous les Québécois avons
peu d'appétit en ce moment pour les questions constitutionnelles, il n'est pas
vrai que nous accepterons que le Canada anglais verrouille notre avenir et
décide à notre place de notre volonté ou non de rester une province au sein du
Canada.
Par ailleurs, les gens qui ont suivi le débat par Twitter
simultanément à son visionnement sur CPAC auront pu constater tout comme Michel
C. Auger, le journaliste de Radio-Canada, que les microbillets de 140
caractères de Trudeau précédaient leur énonciation par le principal intéressé
au débat. C'est dire à quel point monsieur Trudeau avait été formaté pour ce
débat entre les chefs. Une erreur majeure de son organisation politique qui va
la suivre tout au long de la campagne. Il est vrai que peu de Canadiens étaient
à l'écoute, mais ce genre de choses est ce qu'aiment colporter les
organisations politiques sur leurs adversaires.
Elizabeth
May, la révélation de la soirée
Peu de gens connaissent madame May. C'est une femme qui
gagne à être connue. Elle a une vision politique solide du Canada et elle offre
un discours appuyé par de solides arguments sur tous les dossiers. Elle fut la
révélation de la soirée.
Les débats à
quoi ça sert?
Les débats entre les candidats politiques sont toujours
utiles pour nous aider à nous faire une opinion et comprendre les positions des
différents partis sur les choses qui nous tiennent à cœur. Bien que dans les
débats, il y a beaucoup d'artifices, de non-dits et de spectaculaire, ceux-ci
sont fort utiles pour guider nos choix. Grâce au débat, les Canadiennes et les
Canadiens sont comme les participants aux débats de jeudi soir dernier :
tous gagnants!