J'ai un souvenir vague de ce jeu qui consistait à nommer des
trucs qu'on apporte dans ses bagages pour partir en voyage. Pour dire vrai, je
ne me souviens pas tant de la dynamique du jeu, mais l'image du jeu m'est revenue
quand j'étais face au carrousel des bagages à l'aéroport. Un voyage que je mets
dans la catégorie des vacances. Le genre de destination où tout le monde sera
regroupé dans la vaste notion du sud!
Certains traînent d'énormes valises. À l'embarquement, une dame
est accroupie face à sa volumineuse valise. « Un dernier effort »
vient de lui confirmer son conjoint, « encore deux kilos à enlever! »
J'imagine que ce qui n'embarquait pas dans l'avion était
simplement remis à la personne qui venait les reconduire. Je n'ai pas ce bout
de l'histoire.
Ces voyages où tout est à peu près inclus constituent pour
moi une vacance. Pas un voyage. Je base la distinction entre les appellations
sur le fait de l'intégration et de la découverte qu'apporte un voyage, contrairement
à l'offre attendue des forfaits où le sans surprise est requis.
On s'arrange quand même toujours pour réserver au moins une
excursion dans des quartiers historiques des villes des pays visités.
Mais, à la base, on y va pour une opération décrochage, bien
plus que pour faire des découvertes.
Et ça marche!
Trop de liquide, trop de bouffe, mais une bonne dose de décrochage!
Et, dans notre cas, des rires. Beaucoup de rires...
Inégal décrochage
Cela dit, j'ai beau essayer, je ne peux pas omettre de mes
bagages un minimum de conscience. Mon regard ne décroche pas complètement. Je
vois des choses qui me déplaisent. Et je les enregistre. C'est comme ça.
« On est comme on naît », dit-on parfois. On
pourrait aussi dire que « certains naissent avec une cuiller d'argent dans
la bouche ». De toute évidence, nous sommes de ceux-là. C'est troublant,
quand même, de voir les conditions de vie des gens des pays qu'on visite. Là où
on était, le tourisme, c'est 62% de l'économie, nous a-t-on dit. On peut donc
se consoler en se disant que l'on contribue à leur économie.
Ça prend quand même une conscience élastique pour se
conforter dans pareil constat. L'exploitation commerciale du bord de la mer, la
surconcentration hôtelière (117 grands hôtels un à côté de l'autre où on
était), voilà deux aspects seulement des préoccupations qu'il serait légitime
d'avoir. Mais en vacances, on accepte l'élasticité de la conscience, je crois
bien...
On est comme on naît, disais-je.
On est comme on est, serait plus vrai dans ce que
j'ai vu.
Et on est ce qu'on est devenu.
Ce dont je ne reviens pas et que je n'arrive pas à
soustraire de mon esprit, c'est cette attitude de plusieurs touristes lors de
ces vacances.
Chaque fois qu'il y avait la moindre attente aux différents
bars, l'impatience s'installait chez certains clients. Le raisonnement était
toujours le même : « j'ai payé assez cher, j'ai mon bracelet, alors,
servez-moi! Là, maintenant, tout de suite ».
Des situations de cour d'école : « aïe, chus
arrivé avant elle! » Ou pire : « câli..., ça se passera pas de
même, certain! »
De ça, je ne reviendrai jamais. Si j'en reviens un jour,
c'est que je serai cliniquement mort en dedans!
Sibole, on est en vacances!
Mais on est comme on est.
Pas différent de ce qu'on est à la maison, après tout!
Chacun pour soi et accumulation du plus de biens possible pour chaque dollar.
Le moi qui prend toute la place. L'impatience qui nous habite au
quotidien, chaque seconde perdue est une micro catastrophe en soi, etc.
Pourquoi serions-nous différents en vacances?
Au nom du décrochage?
Mauvaise réponse, visiblement!
Heureusement, tout le monde n'est pas comme ça. Mais il y en
avait quand même dans chaque file d'attente. Et notons ici qu'on n'a jamais
attendu plus que 5 ou 6 minutes! Méchant drame humain!
De belles vacances?
Oui! Les gens de la place sont vraiment géniaux et chantent
tout le temps.
Au fond, le problème, avec le tourisme, ce sont les
touristes!
Alors, dans mes bagages, j'apporte... ce que je suis!
Clin d'œil de la semaine
« À Rome, on fait comme les Romains, non? »
"Non. À Rome, comme ailleurs, on fait comme moi, pour
moi!"