Aujourd'hui, je voulais vous entretenir de la peur de la
science. Ce mouvement sourd, mais nettement perceptible qui relie à la fois la
peur des vaccins, les hésitations du gouvernement Harper à financer
l'Observatoire du Mont-Mégantic et la paralysie de nombreux projets économiques
pour des motifs environnementaux sont tous des symptômes de notre peur de la
science.
Cette chronique je ne l'écrirai finalement pas puisqu'Alain
Dubuc l'a écrite lundi dernier dans le quotidien La Presse. Même sujet, même angle. Mon sujet de chronique sur
lequel je travaillais depuis une semaine s'est envolé. Un bon moment pour vous
parler du dur métier de chroniqueur hebdomadaire...
Écrire ses
opinions
Nous vivons à une époque où tout le monde a une opinion sur
tout, même sur ce qu'il ne connaît pas. Ces opinions fleurissent sur les
réseaux sociaux. C'est pourquoi qu'il n'est pas très difficile d'écrire une
opinion sur quelqu'un ou sur quelque chose. Ce qui est plus difficile c'est
d'écrire une opinion qui se fonde sur une vision du monde. Écrire une opinion
qui repose sur des valeurs et des principes qui sont le socle des commentaires
que l'on partage avec les autres.
Outre le fait d'écrire des opinions qui reposent sur un
socle de valeurs et de principes, il faut aussi dans le métier de chroniqueur
tenir compte de l'actualité des derniers jours et parfois même d'anticiper sur
ce qui vient pour être pertinent pour vous chers lecteurs et chères lectrices.
Cela aussi n'est pas toujours de tout repos. L'actualité est mouvante et de
nombreux thèmes sont récurrents. On peut écrire chaque jour sur l'austérité. On
peut appuyer et dénoncer telle ou telle mesure gouvernementale. C'est facile.
On peut chercher à susciter l'indignation ou encore prendre le train déjà lancé
d'une dénonciation collective existante. Tout cela pour récolter l'adhésion
d'une majorité de gens et se faire ainsi le porte-étendard d'un moment de
société. Cela aussi est facile et populaire au sens de populiste.
Enfin, écrire ses opinions demande à celui qui les exprime
la capacité de les soutenir publiquement par la suite. Il faut écrire des
choses que l'on peut soutenir avec des arguments contre des gens qui ne
partagent pas notre vision des choses. Cela est encore plus vrai lorsque l'on
écrit ses opinions dans un journal qui n'est pas le sien, comme je le fais ici pour
EstriePlus. Il faut alors tenir compte
de l'orientation globale du journal et insérer sa propre vision du monde dans
celle de d'autres. Est-ce dire qu'un chroniqueur n'est pas libre de ses
opinions?
La liberté
d'expression
Pour être lu, un chroniqueur doit être profondément libre de
ses opinions. J'ai le privilège insigne d'écrire depuis près de deux ans dans
un journal où les propriétaires me laissent totalement libre de mes opinions.
Après plus de 75 chroniques, il n'y a jamais eu de la part des propriétaires de
ce journal la moindre demande pour modifier ou altérer l'un de mes textes. J'écris
ici en totale liberté. Je ne peux qu'en remercier les actionnaires d'EstriePlus et leur dire que je suis
reconnaissant au plus haut point du privilège qu'ils me consentent de pouvoir
écrire ce que je veux sur les sujets que je choisis. Je sais que ce privilège
est largement partagé dans tous les médias du Québec et que cette pratique que
je vis chez EstriePlus est la même à La Tribune, à La Presse ou au journal Le
Devoir. Nous pouvons nous réjouir que le Québec et le Canada soient des
terres de liberté et où la liberté d'expression n'est pas un vain slogan, mais
une réalité.
Est-ce dire qu'un chroniqueur peut écrire n'importe quoi? La
réponse est bien évidemment non! On imagine bien que si de façon totalement
gratuite je décidais d'écrire des critiques virulentes contre des
commanditaires importants du journal sur la base que je suis contre la
publicité, j'imagine que quelqu'un m'en parlerait. Ce qui serait légitime.
C'est une question de bon jugement. Après tout, j'ai choisi d'écrire dans un
journal privé qui vit de publicité. On conviendra que c'est là une mince
contrainte.
La pire contrainte c'est la prison que l'on se donne
soi-même. J'évoque ici la pratique de l'autocensure. Cette limite à la liberté
d'expression d'un chroniqueur est la plus contraignante de toutes. Par exemple,
si je prends mon cas, je me refuse de « chroniquer » sur des sujets
qui sont liés à mes activités professionnelles. Ça n'aurait pas de sens que je
me serve de cette tribune pour mettre en valeur mes clients qui, par ailleurs,
me paient pour obtenir ce résultat dans l'ensemble des médias.
Je suis aussi très rigoureux pour ne pas utiliser cette
tribune afin de régler des comptes personnels. Vous vous doutez bien que
j'aurai eu des opinions sur la campagne orchestrée par des concurrents
l'automne dernier qui cherchait à saper la crédibilité de mon entreprise afin
de la détruire. Vous avez constaté que je me suis abstenu de mêler les genres.
J'en suis très fier. C'est ma façon d'exercer pleinement ma liberté
d'expression en me gouvernant de manière à conserver la confiance de mes
lecteurs qui sont de plus en plus nombreux. Je me sens privilégié d'écrire ici
et j'essaie en donnant le meilleur de moi-même de faire la démonstration chaque
semaine que je suis fier et heureux de la confiance qui m'est témoignée par les
propriétaires d'EstriePlus et par
ceux et celles qui prennent la peine de me lire. Merci du fond du cœur du privilège
que vous m'accordez...
Le
privilège de « chroniquer »
Et oui c'est un privilège pour moi d'écrire cette chronique
chaque semaine dans EstriePlus pour
vous chers lecteurs et chères lectrices. Vous aurez compris en me lisant que ce
que j'essaie de faire chaque semaine c'est de lier les faits d'actualité à des
études, des livres et des faits de nature scientifique pour en comprendre les
tenants et les aboutissants, pour éclairer votre jugement.
Cette tâche je l'accomplis avec un socle de valeurs et de
principes clairs : je suis fédéraliste, mais aussi profondément attaché au
Québec et à ce que nous sommes. Je suis pour l'entreprise privée, mais j'en
dénonce les dérives et je m'inquiète du fossé grandissant entre les riches et
les pauvres. Je suis pour une révision en profondeur de nos institutions et de
nos modes de prise de décision collective et je favorise le dialogue entre les
parties prenantes. Je crois profondément à l'humain, à la tolérance et au
dialogue. J'exècre les idéologues, les partisans à tout crin et les gens mal
intentionnés. Je crois plus que tout à la liberté d'expression et je m'inquiète
des dérives actuelles contre les musulmans qui conduisent à des limitations. En
tout moment, je refuse de me prêter au jeu de la démagogie et du populisme.
C'est pour toutes ces raisons que je trouve que même si chroniquer est un
privilège, écrire en tenant compte d'un socle de valeurs et de principes sur de
nombreux sujets n'est pas toujours facile. C'est ce qui me fait écrire aujourd'hui
que c'est dur le métier de chroniqueur...