Nulle personne informée ne niera le poids du catholicisme au
Québec. Les Québécois d'origine canadienne-française ont été élevés dans
l'eau bénite et ils ont fréquenté assidument les églises. Cela est toutefois
moins vrai pour les moins de 40 ans. Il aura fallu la « Révolution
tranquille » avec ses réformes de nos hôpitaux, nos orphelinats et nos écoles
pour donner un peu d'oxygène laïc à une société profondément ancrée dans la
tradition catholique romaine.
Depuis, nous avons déserté les églises, rejeté les
enseignements du pape notamment en matière d'avortement, de divorce et
d'homosexualité et nous avons considéré que notre relation avec Dieu était un
dialogue personnel avec le tout-puissant plutôt qu'un endoctrinement. Comment
expliquer alors que nos représentants élus font la queue au Vatican pour
plaider la présence du pape François aux festivités du 375e
anniversaire de Montréal?
La fausse
laïcité québécoise...
Depuis l'épisode de Hérouxville et de la crise des accommodements
raisonnables, il y a eu la commission Bouchard-Taylor et bien sûr la fameuse
charte de la laïcité baptisée faussement charte des valeurs québécoises par le
gouvernement Marois.
Cela a produit d'intenses débats dans nos chaumières. Le
consensus est que nous sommes une société laïque de tradition catholique. Nous
sommes porteurs de valeurs québécoises puisées à même les valeurs
universelles : égalité homme femme, ouverture et tolérance envers les gens
différents de nous que ce soit la race, la langue, la couleur de peau, le sexe
ou encore la religion.
Nous sommes laïques et de tradition catholique. En vertu de
cette identité forgée, plusieurs voulaient interdire les signes religieux à
certains agents de l'État notamment les juges, les policiers et les
enseignants. D'autres, plus radicaux, voulaient étendre cette interdiction à
tous les fonctionnaires de l'État, aux employés des hôpitaux et même à ceux de
nos collèges et universités.
Bien sûr, la tradition exigeait que nous conservions le
crucifix au-dessus du siège du président à l'Assemblée nationale du Québec.
Qu'importe que ce crucifix soit en soi un symbole de l'alliance indéfectible de
l'État québécois et l'Église catholique romaine du temps de Duplessis.
C'est au nom de cette même tradition que l'on voulait
réciter des prières à Saguenay avant les délibérations du conseil municipal et
que l'on maintient une toponymie québécoise profondément ancrée dans le sacré et
la mythologie catholique. On ne débaptisera quand même pas les villes et les
villages du Québec. J'en suis...
L'incohérence
comme politique
On peut respecter nos traditions, ce qui ne signifie pas que
nous sommes obligés d'en rajouter en demandant au pape François d'être de nos
fêtes du 375e de Montréal. Les relations que nos élus entretiennent avec
d'autres États où des groupes sont faites en notre nom et se situent dans ce
que nous appelons nos efforts diplomatiques.
Rien de plus normal d'avoir des relations avec le Vatican.
Après tout, cette Église regroupe des millions de personnes notamment en
Amérique latine et constitue une voix puissante, malgré sa taille relativement
petite, dans le monde de la diplomatie internationale.
Cela dit, entretenir des relations avec le Vatican ne
signifie pas les mettre en premier plan de notre identité actuelle. Il
m'apparaît inconvenant que le maire de Montréal, Denis Coderre et le premier ministre
du Québec, Philippe Couillard aillent quémander sa présence aux fêtes du 375e
anniversaire de Montréal. Cela est d'une parfaite incohérence avec le discours
public sur la laïcité de l'État québécois et surtout en contradiction avec les
valeurs profondes de la très grande majorité des Québécoises et des Québécois.
Nos valeurs
et celle de l'Église catholique
Nos valeurs sont en rupture avec celle de l'Église
catholique depuis le début des années 1960. Antoine Robitaille du journal Le Devoir en faisait un portrait
saisissant dans l'édition du 3 avril 2010.
« Entre 1957 et 2000, le taux de fidèles allant à la messe le dimanche est
tombé de 88 % à 20 %. Chez les jeunes, le phénomène est plus accentué
encore : parmi les 18 à 34 ans, en 2000, il y avait 5 % de
pratiquants seulement. Pratiquement dans tous les diocèses, l'âge moyen des
prêtres dépasse les 70 ans... les jeunes ne suivent pas. L'entrée en scène d'une
nouvelle génération, l'"Y" - celle qui est née entre 1976 et 1990 -, semble
changer la donne », indique Martin Meunier. « De 2001 à 2006, le
prorata total de baptêmes par naissance au Québec chute : on passe de 73,5 %
à 59,9 %. Même chose pour le fameux "taux d'appartenance" à l'Église, qui s'était auparavant quasiment maintenu pour l'ensemble de
cette population : il passe de 78,2 % à 69,1 %. » (http://www.ledevoir.com/societe/ethique-et-religion/286387/est-ce-la-fin-de-l-eglise-catholique-au-quebec)
Dans
sa chronique Antoine Robitaille évoque le concept de catholicisme culturel,
mais il constate avec de nombreux chercheurs que ce concept utile pendant
longtemps pour expliquer nos incohérences fait aujourd'hui long feu.
Dans
un tel contexte, comment s'expliquer que la présence du chef de l'Église
catholique soit essentielle à la fête de la pérennité de Montréal dans
l'histoire de l'humanité? Sommes-nous majoritairement d'accord avec cette
église pour dire que nous devons interdire l'avortement aux femmes québécoises?
Partageons-nous le point de vue de cette même église sur la question de
l'homosexualité, église qui vient de déclarer que le vote positif à plus de 62 %
des Irlandais sur cette question était un cataclysme pour l'humanité? Que dire
aussi de l'interdiction de la contraception ou du célibat des prêtres? Que
penser de la loi du silence sur les agressions sexuelles de toute sorte commises
par des religieux envers les enfants du Québec?
Je
suis d'avis que les valeurs de l'Église catholique romaine ne concordent pas
avec les valeurs québécoises. La présence du pape François aux festivités du
375e anniversaire de Montréal enverrait un mauvais message de ce que
nous sommes devenus ou aspirons à devenir.
Tous des Cathos...
Le
pape François ne doit pas être invité aux célébrations du 375e
anniversaire de Montréal. Il ne représente pas les valeurs de notre avenir. À
moins que je me trompe et qu'au fond de nous, nous soyons encore des cathos.
Cela expliquerait notre intolérance envers les musulmans, notre aversion pour
la charte des droits et libertés canadienne et les courbettes de certains de
nos élus devant le pape François. Notre futur cri de ralliement collectif du Québec
du 21e siècle deviendra-t-il : nous sommes tous des Cathos...
P.-S. : Merci à Vincent Marissal de La Presse. Il fut celui qui me donna
l'inspiration pour cette chronique. Nous avons des opinions voisines sur cette
question. Voir son texte :
http://plus.lapresse.ca/screens/ece03e15-a120-4372-97a7-fd54804c3675|_0.html